vendredi 24 mars 2023

Lutz Bassmann se plante des haÏkus dans la tête

 Le Japonais parle de cerisiers
Pourtant dehors
La neige tombe

Quand approche le moment où les cerisiers fleurissent, on commence à fouiller dans sa cervelle pour voir s'il n'en sortirait pas des haïkus. Ce n'est jamais facile, parce que les règles de prosodie qui s'appliquent au haïku fonctionnent bien avec le japonais, mais dans les langues occidentales, en particulier en français (ça marche un peu mieux avec l'anglais, plus fourni en mots d'une syllabe), en français, allez donc faire des vers de cinq et sept syllabes qui non seulement veulent dire quelque chose, mais doivent si possible suggérer plusieurs choses différentes en même temps!
C'est pourquoi beaucoup de versificateurs francophones font des haïkus approximatifs, ou carrément de faux haïkus. Et s'il n'y a pas le moindre cerisier en fleurs à l'horizon, ça devient un vrai défi! Un défi que Lutz Bassmann n'a pourtant pas peur de relever. Il faut dire qu'il n'a pas grand' chose à perdre, Lutz Bassmann. Écrivain post-exotique, non seulement il vit dans un monde ravagé, mais en plus il est en prison.

Cette nuit j'a entendu les arbres
Les feuilles frissonnaient sous la brise
J'ai dû rêver

En l'absence de cerisiers, on peut rêver d'arbres d'espèces non spécifiées (de toute façon, d'arbres, il n'y en a pas). Mais de la brise, il y en a: elle aide les odeurs à circuler.

L'odeur d'oignon
Chevauche l'odeur d'urine
Bientôt la soupe du soir

Le compte de pieds n'est peut-être pas règlementaire, mais il suffit bien de trois vers pour créer l'atmosphère. Vous sentez?

On a lessivé la cellule
La crasse a pris des odeurs
De savon

Il n'y a pas de cerisiers, il y a des Ouzbeks, des furoncles, des Tchétchènes, des cafards, des droit-communs et des politiques (qui n'ont pas beaucoup d'estime les uns pour les autres), des trafiquants, un bonze, des proxénètes, des mouches, un mouchard (pas pour longtemps), des Tadjiks qui peinent à se faire des amis (on ne comprend rien à ce qu'ils disent) un Vietnamien et un Coréen qui offrent d'enseigner à qui veut bien leurs arts martiaux nationaux respectifs, un voleur de chevaux et un voleur de chiens, un ex-officier (lui non plus n'en a pas pour longtemps): les sources d'inspiration ne manquent pas.

La mort de l'indic a été instantanée
Un clou dans l'oreille
Même pas un cri

Les compagnons de captivité de Bassmann viennent d'un peu partout - comme les écrivains post-exotiques, d'ailleurs. Mais contrairement aux écrivains post-exotiques, ils n'écrivent pas: le papier est trop rare pour qu'on l'emploie à un usage autre qu'hygiénique.

Les Ukrainiens entonnent une chanson russe
Même les tueurs de vieilles
Ont les larmes aux yeux

Alors Bassmann compose ses haïkus dans sa tête; en détention, on a du temps pour exercer la mémoire.

Cliquetis roulis pénombre
Le Tibétain m'apprend des obscénités tibétaines
Ma prononciation laisse à désirer

Qu'est-ce que je vous disais tout à l'heure? Tibétain et obscénités dans le même vers, et on a déjà trop de pieds. Les choix prosodiques de Lutz Bassmann, si peu orthodoxes qu'is soient, sont compréhensibles.

Je m'entends bien avec le souteneur tchèque
Pour ma libération
Il m'a promis sa sœur

Le recueil est divisé en trois parties: Prison, Transfert, Enfer; la partie Prison est plus fertile en incidents pittoresques.

Il paraît que le Secours Rouge
A envoyé
Des couvertures made in China

Les deux dernières parties (d'abord dans un wagon à bestiaux, puis dans les baraques d'un camp) décrivent des journées plus monotones.

Le bruit de la porte qui se referme
Cette fois encore on a oublié de penser
À l'évasion

Le voyage est très long, de la prison au camp.

Le Yakoute n'a pas desserré les dents
Pendant
Les deux mille derniers kilomètres

Et quand on arrive au camp, on a oublié qui on est.

La feuille d'appel s'est envolée
Le soldat rougit il bredouille
Des noms imaginaires


Tous les haÏkus ci-dessus sont de Lutz Bassmann.

Lutz Bassmann: Haïkus de prison
Verdier (Chaoïd) 2008

ISBN 9782864325369

mardi 21 mars 2023

Le printemps d'une année étonnante

 Ce sont les lapins qui ont été étonnés.

Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin

 

Norman Rockwell

 Cette année sera-t-elle à la hauteur de la flatteuse réputation que les astrologues ont faite aux Années du Lièvre (ou du lapin, ne chicanons pas sur la longueur des oreilles) ?  Le lapin interviewé ci-dessus semble avoir, lui-même, du mal à se projeter dans le futur.  Bon,  au moins le printemps est arrivé, c'est déjà ça.


mercredi 15 mars 2023

Meubler un rêve de meubles dépareillés (Sebastian Knight, 6)

 Il me semble que l'an dernier nous n'avons pas pris congé dans les formes de Sebastian Knight et de son biographe. Il est grand temps de réparer cette erreur (avant de nous pencher sur un autre livre de Nabokov, un jour prochain, peut-être?).

Et cette nuit-là je fis un rêve singulièrement pénible. Je rêvai que j'étais assis dans une vaste salle sombre que mon rêve avait hâtivement meublé de quelques meubles dépareillés, pris dans différentes maisons que je connaissais vaguement, mais avec des vides ou de bizarres substitutions, comme par exemple ce rayon d'étagère qui était en même temps une route poussiéreuse. J'avais le sentiment confus que cette salle se trouvait dans une ferme ou une auberge de campagne - une impression générale de boiseries et de planchers. Nous étions en train d'attendre Sebastian - il devait revenir de quelque long voyage.

Dans les derniers chapitres de son livre, le jeune V reproduit - probablement sans s'en rendre compte, n'est-ce pas? Il ne possède pas, des procédés littéraires, une maîtrise aussi parfaite que son demi-frère - le procédé utilisé par l'auteur de Succès: reconstituer minutieusement l'enchaînement de contretemps qui l'empêcheront de rencontrer Sebastian une dernière fois.
C'est ainsi que la dernière fois que V aura parlé à Sebastian, ç'aura été en rêve.

 

dimanche 12 mars 2023

Serres de papier mâché

 Un appartement que je ne connais pas, la décoration n'est pas très conventionnelle, arrivé dans un couloir relativement étroit je m'arrête devant un curieux objet plaqué au mur: à première vue c'est un harfang des neiges empaillé, les ailes déployées; mais on ne l'a pas naturalisé de façon traditionnelle, il est tout plat, il ne dépasse du mur que de quelques centimètres et le mulot qu'il tient dans une de ses serres a l'air fait de laine feutrée, à y regarder de plus près peut-être bien que ce n'est pas de la taxidermie, que l'oiseau tout entier est en réalité fait de feutre avec des plumes collées dessus et que ses serres sont de papier mâché, en tous cas l'endroit où on l'a accroché a été bizarrement choisi, dans ce couloir on manque de recul pour le voir dans son entier et on le frôle à chaque passage, pourquoi l'a-t-on mis là?

lundi 6 mars 2023

Les jours rallongent

 C'est juste une impression, une idée que je me fais, ou il dure plus longtemps qu'il ne devrait, ce mois de février?  Déjà plus de trois cents jours, si ça continue ça va bientôt faire quatre cents, il me semblait bien pourtant que février, dans le temps, c'était 28 jours?   Ou 29, je ne sais plus, ça fait si longtemps.

 

jeudi 2 mars 2023

Il veille sur la galaxie

 Leiji Matsumoto et moi, ça a failli être un rendez-vous manqué: pour Albator, je n'ai pas eu le bon âge au bon moment. Mais Interstella 5555, je peux vous dire que j'ai kiffé grave. Et à présent, voir défiler le générique d'Albator, ça me rend nostalgique de quelque chose que je n'ai pas connu. Rendez-vous dans la prochaine galaxie, peut-être? Il doit bien exister quelque part des systèmes solaires secrets où l'on peut se rencontrer loin de la foule déchaînée.

1938-2023

lundi 27 février 2023

Sale temps pour les bars-tabacs

 François Hadji-Lazaro, fondateur de Pigalle et des Garçons Bouchers, est mort avant-hier. Ce n'est donc pas de si tôt que nous aurons, lui et moi, l'occasion de  fêter un prochain anniversaire ensemble (nous avons presque le même âge) et c'est bien dommage: peut-être rattraperons-nous  le temps perdu en faisant pour notre cent-vingtième une fête à tout casser?  Nous inviterons Topor, bien sûr.

... mais les étoiles, elles étaient là...

 
© Boucherie Productions


jeudi 23 février 2023

Cent mille milliards de bougies

 

Avant-hier, ce sera l'anniversaire de Raymond Queneau.
Bon anniversaire de Raymond Queneau à tous ceux qui, comme lui, fêteront, ou auront fêté, ou auraient fêté leurs cent vingt ans. 

 

mardi 14 février 2023

Les corbeaux lui mangeaient dans la main

Non, ce n'est pas d'Hitchcock que je parle, mais de Carlos Saura, dont l'œuvre la plus populaire chez nous reste Cria Cuervos, mainte fois réédité, alors que la plupart de ses autres films ont eu moins de chance avec les éditeurs français. "Carlos Saura est mort dans la matinée du 10 février 2023 à Madrid, à l'âge de 91 ans, alors qu'il devait recevoir un Goya d'honneur à Séville le lendemain", nous a dit la presse. Peut-être cela lui vaudra-t-il l'honneur d'une rétrospective ou de l'édition d'une intégrale? L'une et l'autre seraient amplement justifiées: je ne vous demande même pas si vous avez vu Cria Cuervos, je suis sûr que la réponse serait oui, mais si vous n'en avez pas encore eu l'occasion, essayez de voir le dyptique Anna et les Loups (Ana y los lobos) / Maman a cent ans (Mamá cumple cien años), ou ce petit joyau qu'est Elisa, mon amour (Elisa, vida mía). MUBI les a presque tous proposés à un moment ou à un autre... mais pas en ce moment. Il faudra vous armer de patience, ou essayer de vous procurer les éditions espagnoles.

 

samedi 11 février 2023

Projection privée

 Regardons les choses en face: à présent je vais au cinéma bien moins souvent qu'avant vous-savez-quoi.
Et, continuons à regarder  les choses en face: un jour prochain je serai de ceux qui se plaindront qu'il n'y a plus autant de salles de cinéma qu'au bon vieux temps.
Cette nuit (pour compenser?), je me suis fait une sorte de film. Dans la journée j'avais lu quelque chose au sujet d'un show intitulé The Descendants: apparemment c'est une sombre histoire de rivalités familiales, je n'ai pas cherché à en savoir plus. Dans mon rêve ce titre,
The Descendants, recouvrait tout autre chose: les épreuves, sur une longue période, d'un groupe de gens abandonnés sur une terre (ou une Terre? était-ce de l'Histoire ou de la science-fiction, je n'en suis plus certain) pas très accueillante, mais où la dernière génération finissait par se sentir chez elle. Au point que, dispersés, ils se retrouvaient, dans l'avant dernière scène, pour célébrer un anniversaire (celui du débarquement de leurs ancêtres, sans doute? comme souvent, ce n'est que de la fin du rêve que je me souviens avec précision, le début est devenu un peu flou). Puis la séquence suivante (la "vraie" fin) reprenait cette scène plan par plan, avec des personnages vieillis d'une dizaine d'années et d'autres détails qui suggéraient le passage du temps, certains détonaient par rapport à la sobriété de la première réunion, l'ambiance se voulait plus festive, certains des "descendants" s'étaient déguisés, en costumes "d'époque" (quelle époque? un passé fantasmé peut-être?): par exemple, le grand costaud qui s'était distingué plus tôt dans les scènes d'action, il s'était confectionné pour l'occasion une sorte de costume de pirate, qui ne parvenait pas à dissimuler qu'il avait pris de la bedaine. Une fin légèrement douce-amère, donc: la séquence était muette, et se terminait sur un fondu au noir. 

Pendant ce temps, dans le monde diurne, les scriptwriters de la réalité disséminaient çà et là des "carabines de Tchékhov", pour prévenir le public que tout ça risquait de finir mal.

 

lundi 6 février 2023

Objet volant difficile à identifier, dans le ciel de Chine

 Le Cinéphile Stakhanoviste vient de chroniquer un film (titre international: The Journey to the West) qui, malheureusement, ne connaît pour le moment chez nous qu'une diffusion confidentielle (dans des festivals, comme le Festival du film d'auteur chinois Allers Retour, au Studio des Ursulines à Paris: dernière projection le 11 février!); ça m'attriste, car ce que le Cinéphile en dit m'intrigue beaucoup: un Chinois persévérant (ou peut-être un peu obsessionnel) cherche à recueillir des témoignages sur des contacts avec des extraterrestres - et, comme le réalisateur, Kong Dashan, qui raconte son histoire, il ne dispose que de petits moyens. Ça me fait penser au cinéma des frères Coen (mais avec une chinese touch); j'espère que bientôt il se trouvera un diffuseur français pour s'y intéresser, et qu'on pourra le trouver sur une de nos chaines, ou en DVD ou en Blu-ray.
En attendant, je garde le nez en l'air. Au fait, sauriez-vous reconnaître un alien d'un Chinois, si vous les voyez flotter,  l'un ou l'autre -  ou l'un et l'autre - au-dessus de vous?

 

jeudi 2 février 2023

De la difficulté de cacher un chat dans un sac en papier: Kenji Tsuruta

Si un chat choisit, de son propre chef, de se cacher dans un sac en papier: pas de problème. Les problèmes commencent quand vous essayez de convaincre un chat de rester caché dans un sac en papier, parce que vous voyagez avec lui dans un compartiment où des panneaux préviennent: "interdit aux chats et aux cigarettes": et justement,  ce jour-là, le chat n'a pas envie de rester dans le sac. Un livre, c'est aussi en papier et on peut aussi mettre tout ce qu'on veut dedans, ça rentre donc (dans une certaine mesure) dans la même catégorie que les sacs en papier, mais il est plus facile de faire entrer un chat dedans (jamais chat n'a refusé de figurer dans un livre, vérifiez, les exemples abondent): surtout si c'est un chat dessiné et le livre un manga, où il y a la place pour beaucoup de dessin et un peu de texte. Dans La pomme prisonnière, les pages de texte servent à Kenji Tsuruta pour nous faire quelques confidences sur sa façon de travailler, ses choix, ses rapports avec son éditeur, les chats et les chattes qu'il a bien connu(e)s. La place, importante, que le texte laisse au dessin sert à raconter la vie d'une demoiselle, Mariel Imari, et d'une chatte, Gelsomina. Pas de robots géants ni de monstres des abysses (qu'il y en ait dans tous les manga, ce n'est qu'une idée reçue), mais quantité de conseils pratiques très utiles:

- si, en faisant de la plongée, vous trouvez une souris au fond de l'eau, apportez-la à votre chat, c'est un cadeau que les chats apprécient, en principe - ne serait-ce que le temps de la renvoyer d'un coup de patte là d'où elle vient. On ne trouve pas toujours le cadeau idéal, mais l'intention, ça compte.

- s'il fait très chaud, enlevez tous vos vêtements (à supposer que, par une chaleur pareille, vous ayez eu l'idée bizarre d'en porter) et installez-vous confortablement pour une sieste: votre chatte approuvera.


Je m'étends un peu, dans ce compte-rendu, sur les questions relatives aux chats; Stéphane du Mesnildot, qui, lui aussi, a bien aimé ce manga, note que la chatte Gelsomina y est si omniprésente qu'on se demande parfois si ce n'est pas elle la protagoniste; il souligne aussi, à juste titre, la maîtrise dont fait preuve Tsuruta pour dessiner les jeunes filles longilignes aux longs cheveux, sans les encombrer d'un excédent de vêtements, n'hésitant pas à rapprocher la manière du mangaka de celle de Crepax (il s'en explique: "j’avoue que je cherche aussi Valentina partout"). Délicate attention, il nous propose une playlist pour accompagner notre lecture.

Kenji Tsuruta: La pomme prisonnière (Hakusensha, 2014) 

traduit par Yukari Maeda et Patrick Honnoré, Noeve-grafx, 2022 

image © Kenji Tsuruta / Noeve-grafx

mardi 31 janvier 2023

Full of woe

 

La Lisa Loring dont nous nous souvenons tous n'existait plus depuis longtemps. Est-ce normal que je n'arrive pas à l'imaginer vieille dame sous perfusion sur un lit d'hôpital et que je ne parvienne pas à me défaire de l'impression qu'on vient d'enterrer notre petite sœur prématurément, alors qu'elle aurait encore eu envie de danser?

Lisa Loring, 16 février 1958 - 28 janvier 2023   

 Image © ABC

mardi 24 janvier 2023

Nombreux amis (Yoko Ogawa, La formule préférée du professeur)


En disant "les théorèmes qui sont là", 
il avait désigné le point dans l'espace 
qu'il fixait toujours lorsqu'il réfléchissait. 
La formule préférée du professeur


C’est une expérience curieuse de lire La formule préférée du professeur (博士の愛した数式, Hakase no ai shita suushiki) quelques jours après avoir vu Memento, de Christopher Nolan, dont le principal ressort dramatique est l'amnésie: on pourrait en dire autant de La formule préférée du professeur, puisque le Professeur en question souffre de troubles de la mémoire à court terme, sauf que...
"Ressort dramatique", à propos des deux récits, ne désigne pas la même chose: dans le cas de Memento, ce n'est pas le sujet; le sujet de Memento est la manipulation - des images, des mots, des sentiments - plutôt que la perte de mémoire, utilisée plutôt comme un artifice narratif. La formule préférée du professeur en revanche, ne s'intéresse qu'au rapport affectif que nous entretenons avec les souvenirs, que nous ayons bonne mémoire ou pas. Mémoire ennemie dans un cas, mémoire amie dans l'autre.

Le Professeur se souvient de choses advenues il y a longtemps, mais sa mémoire récente ne va pas au-delà de quatre-vingts minutes: ce qui s'est passé immédiatement avant, il l'oublie au fur et à mesure. Pensez-vous que vous auriez vécu l'après-midi d'hier de la même façon si vous aviez oublié, quand il a commencé, quel temps il faisait quand vous vous êtes habillé le matin?
Ce pull d'une couleur bizarre que vous portez en ce moment, ce sont bien les souvenirs qui lui sont attachés qui vous le font préférer à l'autre pull, le bleu, dont tout le monde vous dit qu'il vous va mieux au teint?

Dans ce roman de Yoko Ogawa, trois personnages principaux: le professeur, qui pose des questions (souvent à propos de choses qu'il a oubliées) et a beaucoup de réponses à offrir, le petit garçon qui trouve des questions à poser et aime bien chercher des réponses, la narratrice (la mère du petit garçon et l'aide-ménagère du professeur) qui se souvient de beaucoup de choses (c'est pour ça que c'est la narratrice).
On évoque souvent,  dans ce livre, les mathématiques et le base-ball: pas de chance pour toi, Tororo, qui n'entends rien ni aux unes ni à l'autre! êtes-vous sans doute en train de vous dire; mais non, tout va bien, tout est expliqué simplement, les questions de mathématiques comme celles de base-ball:
- C'est quoi un coup de base? 
- Le nombre de bases prises par hit. A la première base c'est 1, à la deuxième c'est  2, la troisième 3. Alors, si c'est un home run, ça fait?…
- 4.
- Bonne réponse.

Les trois personnages s'entendent bien, ce qui peut surprendre, car on a parfois l'impression qu'ils n'habitent pas la même planète. Quand le professeur parle de ses amis, il parle de théorèmes et d'objets mathématiques. Des gens, il en a rencontré aussi, dans sa vie, mais il a oublié leur nom.
Le petit garçon...  il a une planète rien que pour lui, comme tous les enfants.
La narratrice n'a pas autant d'amis que le professeur, mais elle a bien davantage de souvenirs; des souvenirs de tous ordres, certains sont les souvenirs de choses infimes, car elle est observatrice (elle arrive à voir les cigales immobiles sur les troncs d'aogiri, ce qui demande de bonnes facultés d'attention), et parmi les petites choses dont elle se souvient, il y a:
le jour où elle a fait des petits pains,
le jour où, dans le journal, on a publié un article sur le père de son fils, qu'elle n'a jamais revu depuis qu'elle s'était aperçue qu'elle était enceinte; elle a gardé, bien rangée, la coupure du journal, un jour peut-être le petit garçon sera-t-il content de la lire. Ça lui fera un souvenir de plus: le petit garçon a bonne mémoire (et, rassurons sa mère qui se fait un peu de souci à ce sujet: il est parfaitement capable de se faire des amis).
Quant à Yoko Ogawa, je soupçonne qu'elle a à la fois des amis et des souvenirs, car ce sont deux sujets sur lesquels elle écrit bien.

Le professeur:
- S'il vous plaît, ne pleurez pas. 
Les nombres triangulaires sont si beaux.


traduit par Rose-Marie Makino-Fayolle, 
Actes Sud, 

dimanche 22 janvier 2023

Junji Itô à la rescousse

 Esprit festif,  es-tu toujours là?
Bon, d'accord, on trouverait, en cherchant bien, de bonnes raisons d'aller quand même au festival d'Angoulême: par exemple l'exposition Junji Itô dans l'antre du délire. Ce serait l'occasion d'adresser,  en se recueillant devant les planches exposées, une prière au juge des Enfers pour que des requins à pattes sortent des planches de Junji Itô et se jettent toutes dents en avant sur les rebuts humains qui veulent censurer Bastien Vivès, et pour que des spirales maléfiques envahissent les cauchemars des organisateurs capitulards.

 

jeudi 19 janvier 2023

Esprit festif

 Je n'irai pas cette année au festival d'Angoulême: la seule chose qui aurait pu me motiver pour y aller, c'était l'exposition Bastien Vivès, prévue de longue date et dont les organisateurs ont annoncé au dernier moment qu'ils la déprogrammaient, "en raison de pressions et de menaces". Cherchez vous-mêmes de quelles sortes de pressions il s'agit, et excusez-moi un instant, je dois lutter contre une forte nausée (pour le reflux gastrique, un peu de bicarbonate fera l'affaire; pour le malaise moins localisé que j'ai ressenti en constatant l'absence de réaction appropriée des secteurs de la création et de l'édition, le remède sera, j'en ai peur, moins facile à trouver). Qui donc disait: "Vous avez choisi le déshonneur pour vous épargner la guerre: vous aurez la guerre, et il vous restera le déshonneur", déjà? Ah oui, Churchill. Il n'aurait pas fait une longue carrière comme organisateur de festival, celui-là. 


mercredi 11 janvier 2023

Éditions nouvelles, nouvelles éditions

 Peut-être vous en souvenez-vous? Il y a neuf ans (ouf! déjà?) j'avais mentionné les éditions CMDE (Collectif des Métiers de l’Édition) dans un billet à propos de Julio Cortazar. Cette  maison d'édition a un nouveau nom: Ici-bas, et un site tout neuf (La racine de l'Ombù figure toujours au catalogue, parmi d'autres choses intéressantes).

Quant au roman de Sofia Samatar, Un étranger en Olondre, je vous l'avais signalé il y a quelques mois: il a trouvé un nouvel éditeur, Argyll, qui, non content d'avoir un catalogue déjà bien fourni, se fait remarquer par la sobre élégance de ses couvertures; à mon avis, la nouvelle présentation d'Un étranger en Olondre est plus réussie que celle de la précédente édition, alors cette fois, ne le ratez pas!


Mais, me direz-vous, n'y a-t-il pas aussi des maisons d'édition qui n'ont pas changé de nom et/ou qui vont publier des livres encore jamais parus? Ma foi oui: très bientôt (la semaine prochaine si tout va bien) les célèbres Moutons électriques vont publier un nouveau roman de  Jean-Philippe Jaworski: Le Tournoi des Preux (un roman qui aura des suites, car l'inventeur du Vieux Royaume, vous l'avez sans doute déjà remarqué, a de la suite dans les idées) et l'illustre Bélial' le troisième tome de La maison des jeux, de Claire North, dont les deux premiers tomes ont été (pour moi) deux des meilleures surprises de 2022. Mais ceux-là, il vaudra mieux que je vous en parle quand ils seront là, vous ne pensez pas?

dimanche 1 janvier 2023

Bonne année, bonnes résolutions

Ne perdez pas votre temps sur les rézeaux zoziaux.

Souvenez-vous que le bonheur, c'est un chaud chiot.

(Merci, Charles Schulz, pour cette forte maxime)