vendredi 31 janvier 2020

Sale temps pour les funambules


Ces funambules (sans se concerter, chacun dans son coin) avaient tendu des cordes raides sur lesquelles ils effectuaient des cabrioles, sans jamais tomber dans l'abîme qui s'étendait au-dessous-d'eux à perte de vue.
Quel abîme? Je parle du bon goût, bien sûr.
Les limites de ce fameux bon goût,  vous pensez s'ils les connaissaient!
Équipés comme ils l'étaient d'une vaste culture, ils auraient pu en tracer une carte les yeux fermés, en estimer au pouce près la profondeur; et si en exécutant leur numéro ils se contorsionnaient parfois (accrochés à leur ombrelle) jusqu'à en effleurer la surface, ils réussissaient, à l'ébahissement du public, à ne jamais y tremper un orteil.

Cet hiver, au premier rang des spectateurs, le vieux 2019 et le jeune 2020, au coude à coude pour la première et la dernière fois, entre deux salves d'applaudissements, échangèrent un clin d'œil et entonnèrent d'une seule voix la fameuse punchline:  

Et, appréciant la référence, ces trois artistes de cirque aérien répondirent par la plus finale des révérences.

Toshio Saeki est mort le 21 novembre 2019, on ne l'a su que bien plus tard.
Alasdair Gray l'a suivi le 29 décembre (le décalage dû au fait qu'il tenait à fêter, le 28, son 85e anniversaire), 
et Terry Jones le 21 janvier de la nouvelle année.

Toshio Saeki.
Vous imaginez ce que ça aurait pu donner si Roland Topor s'était dit après une soirée bien arrosée: Tiens, juste pour me marrer, la prochaine fois que je dessine une sangsue géante qui sort d'une fille par un trou pour entrer dans un garçon par un autre, je dessine tout ça comme si j'étais Edgar-Pierre Jacobs, les copains vont en faire une tête, arkh-arkh-arkh! 
Ça c'était à peu près la manière de Toshio Saeki: un humour aussi déplacé que celui de Topor (moins le rire de Topor, que celui-ci était seul au monde capable de produire), une application aussi minutieuse que celle de Jacobs. 
Pendant cinquante ans, Saeki dessina de lumineux intérieurs japonais, des jardins zen parfaitement ratissés, dans lesquels étaient perpétrées des abominations indicibles.
Je vous souhaite bonne chance si vous cherchez ses gros bouquins publiés dans les années 80-90, mais un de ses premiers recueils, Red Box, vient d'être réédité, d'abord au Japon par Kokushokankokai, puis chez nous par Cornélius.

Alasdair Gray maniait le pinceau et la plume.
Peu soucieux d'appliquer des recettes, il produisit des peintures, des fresques et des vitraux qui se gardaient bien de se rattacher à aucune école; il illustrait aussi ses livres, tous imprévisibles, qui n'ont en commun que de vous emmener là où vous ne vous attendiez pas à aller.
Si vous voulez du long, il a écrit Lanark, un livre-labyrinthe où vous serez sûrs de vous perdre; si vous voulez du court, il a disséqué l'énorme Frankenstein et l'a ré-assemblé (avec une remarquable économie de points de suture) sous la forme d'une novella taille mannequin, Pauvres créatures (Poor Things).

Quant à Terry Jones

Terry Jones, déjà raide en 1977.
Il a tout fait. Tout. Même des choses sérieuses (mais sans oublier de rester Terry Jones). C'était lui qui se chargeait de dire "Moteur!" sur les plateaux où l'on tournait les sketches des Monty Pythons, et "Coupez!" quand il devenait évident qu'il fallait faire une retouche de maquillage aux Chevaliers qui disent Ni, au chœur des pharisiens ou aux employés de la Crimson Permanent Assurance. Croyez-moi, ce n'était pas une petite responsabilité. Réaliser par la suite des séries didactiques pour la BBC, ce fut pour lui de la petite bière (et il s'y connaissait, en bière).
Et comment oublier que, pour accompagner les merveilleux dessins de Brian Froud, c'est lui et nul autre qui rédigea les notices biographiques (judicieusement concises, elles vont droit à l'essentiel) de Luerk, de Püg, de Pilch, de Sküell, de Gibbergeist et Candlewic, de Maeliciöüs et Klunkit et de tant d'autres?
Quant à l'aisance sans pareille avec laquelle il porta les bigoudis, le fichu de rayonne et la blouse de nylon aux tons pastel dans les rôles de ménagère britannique qu'il incarna tant de fois avec brio, elle remplissait d'une admiration silencieuse son aîné de peu d'années, Michou, qui, le cœur brisé, ne tarda pas à le suivre.


Oui, sale temps en ce début d'hiver. 
J'espère que le 21 février la météo sera meilleure. 

dimanche 26 janvier 2020

Tas de ris de rats


Hé bien ça y est, nous sommes entrés dans l'année du Rat!


Ce rat-ci, comme tous les rats de bibliothèque, se savait le bienvenu sur ce blog: soucieux du protocole, il a sagement attendu le début de l'année lunaire pour se présenter. 
Mais, infatigables voyageurs du net, vous avez sûrement noté, en feuilletant les Mélakarnets, qu'une certaine souricette s'est montrée moins patiente, et a, depuis quelques jours déjà, élu domicile chez  nos amis Mélaka et Reno -  plus précisément sur Reno.
C'est dans l'ordre des choses: les muridés (rats, souris, mulots et campagnols) sont, depuis l'aube de l'Histoire, de si fidèles commensaux des humains que les sages chinois voient en eux des signes extérieurs de prospérité. Heureux présage, donc, pour Mélaka et Reno:  puissent toutes leurs entreprises prospérer!

Au fait, vous avez pensé à vous abonner à Mazette?

 

jeudi 16 janvier 2020

Mince, il ne manquait plus que ça



Dans ce rêve, je suis emprunté, timide, maladroit - je veux dire, encore plus que dans la vie de tous les jours. Je ne trouve rien à répondre à une remarque acerbe; j'oublie un rendez-vous; après avoir serré la main de deux personnes (que je connais bien), je décide, pour la forme, de serrer la main d'une troisième personne (que je ne connais pas du tout, et qui se trouve là, à ce qu'il me semble, par hasard); au moment où je commence à me diriger vers elle, la main tendue avec un enthousiasme feint, je réalise que je me trouvais juste un peu trop loin d'elle, au moment où j'ai amorcé ce geste, pour qu'il semble naturel: je dois faire encore trois grands pas la main tendue et j'ai l'air plus empoté que jamais (flûte flûte, me dis-je intérieurement, j'aurais dû m'approcher d'abord et tendre la main ensuite).

Mais mes petits soucis sont éclipsés par la nouvelle qui s'abat sur nous: le président - le président Nixon - vient de mourir dans un accident d'avion, au faîte de sa popularité, et les institutions du pays sont menacées par une crise. J'entends un officiel déclarer d'un air consterné: "Tout ce qu'il a accompli va être jeté bas par les adversaires déterminés qu'il s'était fait…"


Tout le monde est désolé pour ce pauvre président.


C'était un rêve, rappelez-vous.  



mardi 7 janvier 2020

Et ni, ni


En ce 7 janvier 2020, ta d loi du cine, "squatteur" chez dasola nous propose un large choix de lectures utiles, voire indispensables; pâle d'envie devant le souci d'exhaustivité de mon confrère squatteur, j'ose à peine avouer que j'ai quelques chouchous dans cette longue liste: par exemple  
d'Honoré (La Martinière, 2016), ou 
Ni Dieu ni Eux de Tignous 
(Le Chêne - c'est à dire Hachette - 2017).

vendredi 3 janvier 2020

Nananniversaire, nanananana


C'est l'anniversaire de qui aujourd'hui?
Celui de Greta Thunberg.
Bon anniversaire Greta Thunberg!

S'il te plaît, Greta, dis-nous que tu les enterreras tous? 
Hein? S'il te plaît?




mercredi 1 janvier 2020

En 2020, gagnons du temps


Ce matin, Kwarkito, levé de bonne heure, nous rappelait à point nommé le mot de Gramsci
"Je veux que chaque matin soit pour moi 
une année nouvelle".
 
Écoutons Gramsci, ne faisons pas les choses à moitié: 
en 2020, je vous souhaite 366 bonnes années!