vendredi 15 septembre 2023

Un instant qui dure longtemps


Tous les codes visuels du film noir étaient présents dans ce rêve des petites heures du matin: ça se passait la nuit, bien sûr, une nuit trouée de lumières lointaines (enseignes au néon, lampadaires vacillants, éclairage inamovible de lointains quartiers d’affaires), juste assez de lumières pour égayer de reflets l’eau noire du port… ou du canal… enfin de la masse d’eau sombre comprimée entre des quais de béton que nous longions en voiture. Une voiture américaine comme il se doit, à en juger par son volume intérieur. Soudain le conducteur, à côté de moi, perdait le contrôle…. peut-être aussi perdait-il conscience… car la voiture quittait la chaussée et se dirigeait droit vers le bord du quai. Encore une situation classique de film noir!
Un instant (qui durait longtemps) nous survolions l’eau comme en avion.
Un sarcasme qu’un de mes amis flics avait lâché un peu plus tôt dans le rêve (dans ce rêve j’avais des amis flics) me revenait en mémoire: Cette-eau-là, c’est trente pour cent de pisse de rat.
Il n'y a que dans les films noirs qu'on mentionne ce genre de statistiques, n'est-ce pas?
Si nous avions été au cinéma, la tension aurait dû être à son comble.
Pourtant je ne ressentais aucune inquiétude, au contraire, c’est une euphorie tout à fait déplacée qui m’envahissait pendant que la voiture crevait la surface de l’eau.
Et je me suis éveillé content, encore tout émoustillé par cette éphémère sensation de légèreté que j’avais ressentie quand la voiture avait quitté le sol.
Les ficelles - même les les plus éprouvées - du film noir,  lorsqu'on les retrouve  dans les rêves, ne produisent pas toujours la même impression qu'au cinéma.