jeudi 28 avril 2022

Un nom à ne pas laisser un chien dehors

 Vous en avez entendu parler, vous, de ce chien qui hante depuis qui sait combien de temps un quartier de Londres, la nuit, toujours la nuit? Le quartier j'ai oublié son nom: il y en a tant, de ces quartiers, qui ont des noms bizarres - anglais, quoi: vous l'avez sans doute remarqué, les noms anglais sont bizarres - mais c'est un de ces quartiers avec de vieilles maisons penchées, des pavés graisseux, et du brouillard, surtout la nuit. En tout cas j'en avais entendu parler, du chien, quelque part au début du rêve: il était facile à reconnaître, ce chien, parce qu'il avait une tête d'homme, et dès qu'il apparaissait à quelqu'un il se mettait à le suivre, comme s'il avait voulu lui parler, sauf que parler il ne pouvait pas: voilà ce qu'on racontait, une sorte de légende urbaine, comme on dit. 

Et ça ne ratait pas: sitôt arrivé dans ce drôle de quartier au  nom bizarre, voilà le chien, et il se met à me suivre, à me tourner autour, sans me quitter des yeux, comme s'il avait voulu me parler, mais sans rien dire. J'étais bien embarrassé, je ne savais pas trop quoi faire, en lui rendant son regard je lui ai répété à plusieurs reprises: thou hast a human face! comme si c'était une façon d'engager la conversation (ce n'était pas très approprié, je m'en rends bien compte à présent, il aurait très bien pu trouver ça déplacé, insister ainsi sur une particularité physique, en principe ça ne se fait pas; mais sur le moment, j'étais assez fier d'avoir trouvé les quelques mots anglais qui me semblaient convenir à la situation). 

La légende ne mentait pas: le chien ne m'a jamais répondu. 

Pourquoi je lui parlais comme ça, dans un vieil anglais approximatif? Je me suis demandé, au réveil, si j'avais supposé que ça m'aiderait à me faire comprendre d'un chien anglais qui était là, sûrement, depuis le Moyen Âge, ou bien si ça voulait dire que c'était au Moyen Âge que le rêve se passait et que dans le rêve j'étais Anglais moi aussi.

C'est pas toujours très clair, quelle personne on est, dans les rêves.


lundi 25 avril 2022

... un limonaire, avec un vieil air du tonnerre à vous faire chialer tant et plus...

 

Bon, les mauvaises nouvelles continuent à tomber. Cette fois, c'est Arno qui casse sa chope. Et ne parlons même pas de... non, ça, n'en parlons pas, on en a déjà assez parlé.

Sérieusement, il ne pourrait pas y avoir de bonnes nouvelles de temps en temps? Par exemple: une voyante certifiée prévoit pour Juin la naissance de la future nouvelle Maria Callas dans un petit village du Maramures? Ou bien: des savants chinois ont mis à profit leurs deux années de confinement dans leur laboratoire secret pour mettre au point le remède définitif contre l'herpès?

Oui, c'est vachement bien d'être Européens, mais quand même moins vachement si Arno n'est plus là pour nous le rappeler. De temps en temps. Putain, putain.


jeudi 21 avril 2022

Attention les doigts

 Hé bien, on dirait qu'on y va tout droit, non?


Une fois de plus, sur notre petit bonhomme de chemin, il se pourrait bien que nous rencontrions un trou. Attention si vous avez  envie de vous amuser à y déposer quelque chose: les trous, des fois, ça mord.


Orifice sans nom


mercredi 13 avril 2022

Quand le roi se meurt


Je n'ai vu Michel Bouquet sur scène qu'une seule fois: c'était dans No Man's Land d'Harold Pinter, pendant l'hiver 79, il y a, donc... quelques années... si longtemps déjà?

Au cinéma ou à la télévision, Bouquet était capable si son rôle le demandait de se fondre dans le paysage, mais sur scène il occupait tout l'espace, la présence, pourtant impressionnante, de son partenaire Raymond Gérôme n'y changeait rien.

À la fin de la pièce, juste avant qu'un petit artifice de mise en scène ne rende manifeste l'arrière-plan sinistre de cette comédie noire, Gérôme et Bouquet levaient leurs verres et, d'une seule voix, portaient un toast: "Au No Man's Land!"

C'est le moment, je crois, pour lever les nôtres: le rideau tombe. 


1925-2022



lundi 11 avril 2022

Sondage

 

Vous arrive-t-il parfois d'être surpris de ne pas être surpris?

◻︎  non

◻︎  je ne sais pas

◻︎  oui

◻︎  ça dépend


Formulaire amendé le 13/04/22 sur une suggestion d'Imaginos

mardi 5 avril 2022

Comme si de rien n'était

 Rien ne va bien, rien ne s'arrange; mais il y a des choses qui continuent comme si de rien n'étaient faites (peut-être parce que justement faites de petits riens); par exemple le journal d'Éric Chevillard (cinq mille petits riens que multiplient trois fois rien, tout de même!).

J’ai sérieusement songé à clore ce journal en ce cinq millième jour de publication. Je vais continuer pourtant. Il faut bien conserver quelques réflexes, ou l’essaim des mouches vous dévore vivant.

 écrit l'autofictif; et il ajoute:

[Toute ma gratitude à mes éditeurs de L’Arbre vengeur sans le soutien desquels je n’aurais certainement pas poursuivi cette entreprise aussi assidûment. Le soutien de l’éventuel lecteur est aussi apprécié. Rappelons que les neuf premiers tomes de la série sont vendus au prix du poche et qu’un beau volume cartonné rassemble les dix premières années… La maison propose désormais l’achat en ligne (il suffit de cliquer sur les couvertures, un enfant saurait le faire et je crois même que ça l’amuserait).]

Ça aussi c'est de l'information.

vendredi 1 avril 2022

Le poisson d'avril n'a pas bonne mine


Aux Amériques, espérant faire revivre les beaux jours de la slapstick comedy, un acteur pas drôle a slappé un stand-up comedian pas drôle. Personne n'a ri.

Dans les plaines d'Eurasie, c'est une des plus vieilles facéties du théâtre de Guignol qu'un homme d'Etat connu pour le ton pince-sans-rire sur lequel il énonce des énormités a essayé de faire revivre: "Je m'en vais! Hou-hou! Regardez, je suis parti, je ne suis plus là! Hein que vous ne me voyez plus? C'est parce que je ne suis plus là! Na na na, je me suis en allé!". Il attendait sans doute que lui réponde un joyeux vacarme de voix enfantines "On t'a vu! Y'a ton nez qui dépasse! On te voit!" pour revenir saluer modestement: "Vous êtes vraiment trop forts, les enfants! Tenez, pour vous récompenser, je vais vous tirer un feu d'artifice!"...

Mais pas une seule joyeuse voix d'enfant ne s'est fait entendre. Même le jeune public devient difficile, de nos jours.

En France, se souvenant qu'une vieille blague ministérielle d'il y deux ans ("le masque, de toute façon, ça ne sert à rien") avait eu un certain succès à l'époque, un ministre a déclaré il y a quelques jours, en faisant de son mieux pour ne pas attirer l'attention sur la date, que le masque, c'était fini. Il comptait annoncer, ce soir à minuit, que c'était une plaisanterie que, comme toute bonne practical joke, il avait préparée longtemps à l'avance pour en augmenter l'effet; étant donné que de toutes les mesures anticovidiques, le port du masque dans les lieux publics est à peu près la seule à avoir fait la preuve d'une certaine efficacité, c'était assez culotté, et comme on dit, plus c'est gros, mieux ça passe. Malheureusement, il y a eu des fuites, on sait depuis déjà plusieurs jours qu'on n'en aura pas fini de si tôt avec le masque, et le poisson d'avril est retombé à plat, retourné comme une crêpe. 

Quand des poissons nagent  le ventre en l'air, ce n'est jamais bon signe.

Ceci dit, il font peut-être semblant: on ne peut jamais être sûr avec les poissons, en avril.