Cette fois, c'est Denis Brihat. Aucune mort ne me réjouit (essentiellement, parce que les quelques personnes dont la mort pourrait éventuellement me donner envie de danser s'accrochent à la vie comme des tiques) mais certaines morts m'affectent plus que d'autres: celle des gens que j'ai connus, même peu. Denis Brihat, j'ai découvert ce qu'il faisait à sa première exposition, discrète, à la ferme des Contards (il y a cinquante ans et des poussières), plus tard nous sommes devenus voisins, il m'a fait visiter son laboratoire, j'ai vu quelques-unes de ses expositions suivantes (pas toutes: il en a fait un peu partout).
Nous n'avons jamais été proches, sauf épisodiquement en nous croisant sur ce "plateau des Claparèdes, désert à l’époque" que nous arpentions dans tous les sens "à l’époque" en nous émerveillant des mêmes choses. Elle est bien loin, cette époque, et ce plateau autrefois désert me manque aussi.
Et, coup sur coup, deux jours plus tard, c'est Jacques Roubaud.
Jacques Roubaud, je ne l'ai jamais approché plus près que depuis le parterre du Gymnase quand Maréchal y a monté ses pièces sur le Graal (avant, j'en avais dévoré, comme des romans, les gros volumes écrits à quatre mains avec Alix Cléo Roubaud).
Sa traduction de La Chasse au Snark, ça m'aurait plu que l'éditeur français la choisisse de préférence à celle, si académique, d'Aragon pour accompagner les dessins de Mahendra Singh; une rencontre manquée.
Son Petit traité invitant à la découverte de l'art subtil du go m'accompagne: je l'ai lu une première fois bien trop tôt pour y comprendre quoi que ce soit, et je le relis de temps en temps pour vérifier que je n'y comprends toujours rien (ça m'aide à me sentir jeune). Après tout, c'est un objet fascinant, presque autant qu'un bulbe de jacinthe, un coquelicot froissé ou une toile d'araignée.
photographie de Denis Brihat |
Denis Brihat
1928-2024
Jacques Roubaud
1932-2024