dimanche 30 mai 2021

Où il est question de procédures éthiques et de cobayes étiques

 

Ce matin vers l'aube, conversation animée avec une de mes nouvelles connaissances nocturnes, une strongwoman de fête foraine (son visage et son physique puissant me rappellent un des modèles de Toulouse-Lautrec, une artiste de cirque, je crois, dont il a laissé un portrait et plusieurs esquisses). Posément (mais on sent en elle une colère contenue) elle me donne les détails d'une expérience récente: on a testé sur différents animaux de laboratoire une molécule qui inhibe le processus d'assimilation de certains aliments. Privés de la possibilité de digérer des produits qui constituaient l'essentiel de leur alimentation, certains des sujets des tests sont morts de malnutrition.
Pendant qu'elle me parle, je me concentre sur ma tâche: je débite, en tranches aussi fines que possible, du lard fumé. Le bloc, qui sort du frigo, est un peu dur, j'ai du mal à obtenir des tranches régulières, j'espère que la cuisson les attendrira. Ce que le récit m'inspire, c'est un vague soulagement (je ne l'exprime pas, je pressens que ça agacerait mon interlocutrice): heureusement, me dis-je, qu'on ne fait les tests médicaux que sur des animaux, jamais sur des humains, ce serait contraire à toute éthique.
Bordel à nouilles, je me demande d'où sortent les drôles d'idées qui me viennent parfois en rêve. 

 

lundi 17 mai 2021

Pour écouter Tillie Walden

 Je trouve dans ma boite à mails un courrier du Salon du livre et de la presse jeunesse en Seine-Saint-Denis… un de plus… ils sont bavards en Seine-Saint-Denis… je ne me presse pas trop de l'ouvrir… qu'est-ce qu'ils ont trouvé cette fois? Fichtrebleu! ça parle de Tillie Walden! qu'est-ce que ça dit?

"Une classe du lycée Maurice Ravel à Paris a eu la chance de rencontrer la bédéiste Tillie Walden, récompensée d’un Eisner Award pour son dernier ouvrage Sur la route de West (Gallimard BD). Un événement organisé dans le cadre du dernier Salon, avec le soutien de l'Ambassade des États-Unis d'Amérique en France."

… et voilà que je réalise qu'il y a longtemps, très longtemps, trop longtemps que je remets à plus tard de vous parler de Tillie Walden. J'ai commencé (il y a cinq ans déjà!) par lire en ligne On a Sunbeam…  quand il a été publié en français sous le titre Dans un rayon de soleil, je me suis précipité dessus (ça, c'était il y a trois ans): je peux vous assurer que sur écran ou sur papier, en anglais ou en français, c'est toujours aussi bon!
En attendant que je trouve le temps de vous écrire un billet qui rende justice au talent de Tillie Walden (il faut parfois choisir: lire des livres ou écrire des billets dessus), allez donc l'écouter  (sur kibookin ou sur youtube) répondre aux questions des élèves du  lycée Ravel, elle leur dit tout! Et vous pouvez aussi chercher son dernier livre paru en français, Sur la route de West: c'est pas compliqué à trouver, c'est chez Gallimard BD! 

 

vendredi 14 mai 2021

À quoi ressemble une foule sans masques?

 

Se peut-il que nous l'ayons oublié? Nous allons bientôt pouvoir confronter nos souvenirs avec la réalité.

Si vous avez vraiment envie de les voir de plus près, cliquez!


 


Louis-Léopold Boilly   (1761-1845)

"Réunion de trente-cinq têtes d 'expression"

mardi 11 mai 2021

Histoire avec un cadeau dedans

 

L'histoire de la poupée de Kafka a intrigué beaucoup de gens. À tel point que certains ont écrit à Snopes - vous savez, le site de fact-checking - pour leur demander de la fact-chéquer. Diagnostic de Snopes: unproved.
Les gens de Snopes ont pris la chose au sérieux, et ils ont fait des recherches (sur le net évidemment, where else?) - sans rencontrer de difficultés majeures: si vous décidez de faire ces recherches par vous-même, ça vous prendra un quart d'heure. Vous apprendrez même que l'histoire est mentionnée dans un livre de Paul Auster: ça vous intéressera si comme moi vous aimez bien Paul Auster, sans pour autant avoir encore lu tout ce qu'il a écrit.

The vignette has enjoyed waves of popularity on social media in recent years and saw a resurgence in February and March 2021, prompting inquiries from Snopes readers. One especially influential iteration of it came in October 2011, when the psychoanalyst and writer May Benatar recalled the story in a column for HuffPost. That piece appears to have been the original written source of the wording of the final, touching message from Kafka: “Everything you love will probably be lost, but in the end, love will return in another way.”
Paul Auster included the doll story in his 2005 novel “The Brooklyn Follies,” and it inspired the March 2021 graphic novel “Kafka and the Doll” by Larissa Theule and Rebecca Green

Ils soulignent, notamment, que seules deux des sources de l'histoire rapportent un témoignage "de première main", toutes les autres étant des fictions dérivées de celles-ci:

... a “simple, perfect and true Kafka story,” which  [Dora] Diamant had originally relayed in person to Marthe Robert, a French Kafka translator, in the early 1950s […] ... according to the Irish-American Kafka scholar and translator Mark Harman, Diamant told a slightly different version to Max Brod...

Pour ma part, je ne mets pas en doute la fidélité des souvenirs de Dora Diamant; pourquoi le ferais-je? À votre avis, si je résumais devant deux personnes différentes à quelques années d'intervalle un échange de lettres que j'ai eu en 1985 avec… (peu importe, ça ne vous regarde pas), croyez-vous que je le ferais deux fois de la même façon?

Ce qui m'agace, c'est qu'il y ait tant de gens qui se soient cru permis - sans doute même s'y sont-ils senti obligés, tant est forte autour de nous la pression pour faire entrer les fictions dans des normes (celles dictées par, disons, pour faire court, "la société du spectacle") - d'enjoliver l'histoire, de lui trouver une fin bien conclusive
(on a retrouvé la petite fille soixante ans après:
elle allait bien, merci de demander
)
et, de surcroît, moralisante
(il y avait un papier caché dans la poupée,
paré de toute l'autorité
d'un message de l'au-delà!
).
Bref, une Hollywood Ending.

Une chose pourtant est sûre:
ce n'était pas son truc, à Kafka, les Hollywood Endings.
Kafka n'écrivait ni pour Fox, ni pour HBO, ni pour Netflix, et s'il a écrit Amerika, ce n'était pas dans l'espoir qu'il soit un jour adapté sur le Disney Channel.

Dan MacGuill, le fact-checker qui signe l'article de Snopes, choisit de laisser le mot de la fin (et je trouve ce choix singulièrement approprié) à un personnage de fiction: 

Tom Glass, the character who tells the tale in Paul Auster’s novel “The Brooklyn Follies”, describes the profound effect of the fake letters on the girl:
    "By that point, of course, the girl no longer misses the doll. Kafka has given her something else instead, and by the time those three weeks are up, the letters have cured her of her unhappiness. She has the story, and when a person is lucky enough to live inside a story, to live inside an imaginary world, the pains of this world disappear. For as long as the story goes on, reality no longer exists."



samedi 8 mai 2021

Encore un rêve de blancheur

 

 Cette nuit, dans un livre posé bien à plat sur la table, j'examine attentivement des reproductions de dessins. Des frottis d'encre de Chine; comme le papier n'est pas parfaitement blanc et un peu poreux - sans doute un papier recyclé - et comme les noirs manquent un peu de profondeur, le soupçon me gagne, que la reproduction n'est sans doute pas parfaite, et que les originaux offrent sans doute plus de contrastes. La page de gauche se soulève un peu, je tends la main pour l'aplatir; c'est quand ma main ne rencontre rien que je me rends compte que je suis dans mon lit, en train de dormir, c'est si évident que je ne prends pas la peine d'ouvrir les yeux; nous sommes distraits à ce moment par un appel un peu plaintif venant de l'attelage. L'homme, la femme et le garçon tournent la tête, visiblement préoccupés, et, avec un peu de retard, je les imite; les chiens sont calmes, seul le chef de file, un grand husky presque blanc, a levé la tête et nous regarde d'un air anxieux, comme s'il voulait nous faire part de quelque nouvelle urgente; c'est sûrement lui qui a gémi.
Il n'est jamais prudent de rester trop longtemps à l'arrêt sur la banquise; il est temps que je me lève.

 

mercredi 5 mai 2021

Il peut le dire? Elle peut le dire!

 

Il n'y a pas tant de bonnes nouvelles ces temps-ci sur le front de l'épidémie, profitons de celle-là: Monsieur et Madame Larousse se sont mis d'accord: on a le droit de dire, au choix, le covid ou la covid, c'est officiel (notons que la cadémie française, quant à elle, avait cru bien faire l'an dernier en disant que la coronaviruse c'était une fille. Bon, la cadémie c'est une vieille dame, il faut la comprendre, elle a encore un peu de mal avec toutes ces histoires de gendres fluidifiés. En revanche, le Petit Robert, ce galopin à majuscules, soutient que le covid c'est un petit (puisque sans majuscule) garçon. Alors, allez savoir.).

 

dimanche 2 mai 2021

J'aime tant le travail que je voudrais que...

 

Comment, me demandez-vous, ai-je occupé le premier mai, un jour où évidemment, il n'était pas question de travailler? Entre autres choses, j'ai regardé le film de Radu Jude, Peu m'importe si l'Histoire nous considère comme des barbares (suggéré par L'Œil des Chats). Il est encore visible gratis pour peu de temps (jusqu'au 4) sur Arte TV; trouvez donc un moment pour y jeter un coup d'œil, il n'est pas mal du tout.  Le talent et la verve des acteurs, apportant un peu de rire et de gaieté  Et si vous n'avez pas le temps ces jours-ci, vous pourrez un autre jour, grâce à votre abonnement, le retrouver sur Mubi…