dimanche 29 mars 2020

Nouvelles des confins




Il est possible qu'en ce moment vous vous sentiez à l'étroit.
Voyons ce qui se passe, 
au-delà de notre horizon limité, 
aux confins d'internet.

Quand il ne nous propose pas d'amusants puzzles (cherchez le virus!) François Matton relit Kenneth White et écoute la neige.
François Matton est quelqu'un qui sait vivre.

Aki, dearest darling dear, vous montre comment faire un bon gâteau avec de vieilles bananes (cette vidéo peut vous sauver la vie).

Dan Wagstaff (always the casual optimist) attire notre attention sur des livres adaptés au climat actuel.



Shortlisted for 2020 Booker Prize!

À part ça, sortez couverts.


dimanche 22 mars 2020

Faisons le plein de calmars bleus


Que faire quand on se retrouve plus ou moins volontairement enfermés et qu'il faut bien s'inventer des occupations inédites?
Faisons comme d'habitude (c'est dans les marmites qu'on fait les soupes): demandons conseil à Juan Rodolfo Wilcock, qui, sur les occupations solitaires, en connaît un fameux rayon.

Dans l'espace

Dans cette enveloppe de métal Mör a été envoyé de la Terre vers une autre planète, afin d'en faire le tour une fois et puis de revenir et de raconter ce qu'il a vu. C'est ce qu'on lui avait fait croire; mais il s'aperçut vite qu'il ne s'agissait que d'une plaisanterie quand il lut le mot, glissé derrière la carte avec un calmar, qui disait: 
«Cher Mör: 
à des fins purement expérimentales nous t'avons lancé sur une orbite parabolique, avec des provisions pour quarante ans. 
Excuses et bon voyage. 
Les camarades du centre.»

Cela voulait dire qu'il ne retournerait jamais d'où il venait et que vers soixante-quinze ans il mourrait de faim, pour ne rien dire du pou de l'espace qui s'attaque aux petits cubes d'air solide.
Le vaisseau a la forme d'une pastèque, il n'oscille presque pas autour de son centre de gravité et il a deux fenêtres en forme de hublot: peintures de fenêtres, puisque si elles étaient de vraies fenêtres on ne pourrait les ouvrir et que dehors il n'y aurait rien à voir. 
La vie est toujours une plaisanterie: mais Mör a l'avantage de pouvoir apprécier cela en bloc, sans ces hauts et bas fastidieux d'espoirs et de déceptions. Il est désormais libre et maître de soi: comme les morts, il a sa vie entre ses mains.
Les premiers jours de voyage, Mör se croyait presque retourné à sa pure adolescence. Le plaisir de se masturber en état d'apesanteur remplissait ses soirées de présences gracieuses et dociles; l'absence totale de bruits, de journaux, d'interlocuteurs adonnés à la surveillance morale contribuait à cette disponibilité nouvelle que rien ne dérangeait. Il dormait beaucoup, presque dix heures d'affilée, et quand il s'éveillait, il croyait chaque matin s'éveiller dans un monde nouveau. Il consacrait quelques heures à la promenade, manière de parler, car bien que le vaisseau fût spacieux, presque quatre mètres sur deux, il devait faire ces déplacements en l'air, en s'agrippant à ce qu'il trouvait. Filtrant à travers les branches des arbres, un rayon de soleil frappait soudain le pelage doux d'un écureuil, Mör grimpait à sa poursuite, arrivait devant un fleuve jaune et paresseux, sur le flot lent jaillissait l'éclair de certains poissons qu'il connaissait bien, le beau silence était plein d'oiseaux et tout au fond on voyait un instant passer une file de petits bonshommes à chapeaux noirs et à lunettes. Puis il mangeait, un doigt de poulet en poudre et un autre d'eau déshydratée; puis il se reposait, suspendu au crochet central en résolvant des énigmes, par exemple: passer de RENARD à POULE en changent une lettre à la fois; enfin il se mettait au travail. Il avait commencé à composer un long poème intitulé Impressions de voyage, en octosyllabes à rimes pauvres, activité non prévue par les directeurs de projets du centre, à cause de quoi il n'y avait même pas une plume dans le vaisseau, si bien que Mör était obligé de confier ses vers à sa mémoire: celle-ci, toutefois, ne possède qu'une capacité limitée, et pour vingt lignes que Mör ajoutait il en oubliait autant.
Le soir était entièrement occupé par les visions à yeux fermés, une sorte de cinéma personnel, parfois érotique et parfois de type documentaire.
Quinze ans ont passé; Mör en a cinquante et théoriquement il lui en resterait plus de vingt, car il a toujours été, avec raison, parcimonieux dans le manger, le boire et la respiration. Mais il n'y arrivera pas, pense-t-il, lorsqu'il pense; il n'y arrivera pas pour toute une série de raisons, mais surtout parce qu'il n'en a pas envie. Il a vécu une vie heureuse et paisible et, à la mesure juste, il remercie son sort; cela ne veut pas dire qu'il doive continuer à vivre indéfiniment, ni qu'il attende quoi que ce soit du lendemain. Dès le départ on lui a dit clairement que son orbite était parabolique, c'est à dire qu'il n'arriverait nulle part. Le voyage est tout, et la répétition; mais Mör s'aperçoit maintenant que même la répétition commence à pâlir, à baver, à se flétrir, comme une gravure tirée trop de fois. 
De son long poème il ne lui est resté que l'habitude d'ordonner ses pensées en octosyllabes assonancées, par exemple:
«Cette tombe où se fit ma vie
Roule dans l'espace infini,
Dans l'inouï, la nuit, l'oubli»

Puis il se demande si, à la place d'«espace infini», «temps infini» n'irait pas mieux.
Puis il laisse courir et reste là à regarder l'intérieur rouillé et délabré de son vaisseau qui s'est entre-temps rempli de calmars bleus à rayures.

Juan Rodolfo Wilcock,  
Le stéréoscope des solitaires 
(Lo stereoscopio dei solitari, Adelphi, 1972) 
traduit par André Maugé, Gallimard, 1976
ISBN : 2070294234

jeudi 19 mars 2020

Webcomics go Hollywood (sort of)


Vous vous souvenez de ce que j'écrivais il y a quelques années à propos des webcomics: qu'une sorte de tropisme les dirige à plus ou moins long terme vers le papier?
Ça donne souvent d'excellents résultats (voyez Boulet, Maliki, Dakota McFadzean, Tillie Walden, Hans Rickheit, j'en passe…) … parfois ça tourne court, comme pour le talentueux Derek Kirk Kim, qui, faute de soutien de la part de l'éditeur qu'il avait choisi, a dû arrêter sa très prometteuse série Tune, dont il avait pourtant entamé la prépublication en ligne spécifiquement en vue d'une édition papier (seuls le tome 1, Vanishing Point, et le tome 2,  Still Life, sont parus).
Cela aurait-il fonctionné aussi bien pour Lore Olympus, dont je soulignais ici qu'elle était particulièrement bien adaptée au visionnage sur écran, et qu'un remontage au format comics aurait privé de ce rythme syncopé, qui fait une partie de son charme?
Mais il doit y avoir en quelque Olympe des divinités bienveillantes qui s'intéressent à la destinée des webcomics. C'est une place parmi les constellations qui attend  le webcomic de Rachel Smythe quand il sera parvenu au terme de son existence terrestre (j'entends les constellations du septième art): Lore Olympus devrait bientôt être adapté en série animée.
Voir pour de vrai sautiller Perséphone, Zeus tonner (ou se cacher derrière un nuage), et les changements d'humeur de Hadès plonger dans les ténèbres le monde d'en-bas (avant que le fidèle Cerbère ne vienne, à grands coups de langue, lui remonter le moral)… c'est une perspective plutôt excitante, non? Ce sera une collaboration entre WebToons et le studio Henson. Henson… si ce nom ne vous dit rien, c'est que vous ne vous intéressez pas du tout à l'animation et que je vous fais perdre votre temps.

Mais si, au contraire, vous aimez les dessins qui bougent, ce n'est pas tout!
Retenez votre souffle: bientôt Ninéma au cimona.
Ninoni au cimama.
Allons bon, j'en suis encore tout retourné.
Je voulais dire: Nimona au cinéma. 


Flûte zut et zuppercut enfin l’important c’est que c’est NIMONA que vous pourrez voir au cinéma… enfin, à la télé… en vidéo… sur votre tablette... ou peut-être sur votre home cinéma si vous avez ça. Bref sur votre écran préféré… mais cette fois en images qui bougent!
Vous avez déjà fait connaissance avec Nimona, vous possédez sans doute déjà ses aventures en version papier, vous n'êtes donc pas étonné de la voir aller se fourrer là où on ne l'attendait pas.
Elle a tapé dans l'œil d'un réalisateur qui n'avait pas encore dirigé de série: Patrick Osborne. Prudent, il parle d'un délai de production qui s'étalera sur trois ans (une coproduction Fox et Blue Sky Animation); espérons que ça veut dire que les choses seront bien faites. Osborne n'a pas l'air manchot: vous pouvez voir son court métrage "Pearl" ici.

J'espère que ce billet vous aura convaincu que le futur n'est pas uniformément sombre.

Image: Noelle Stevenson forever!

mercredi 18 mars 2020

Vociférations n° 215 à 235


En les temps que nous vivons se fait sentir un grand besoin de mots d'ordre.  Les autorités font ce qu'elles peuvent, les pauvres, mais combien les mots d'ordre empoussiérés, empuantis de routine bureaucratique, qu'elles parviennent péniblement à produire  manquent de la magie vibratile sécrétée par les slogans préservés 
par Maria Soudaïeva, ou ceux mémorisés 
depuis l'enfance par Éliane Schubert.

215 SOUTIENS LE PROGRAMME DES NAINES BLEUES!
216 SOUTIENS LE PROGRAMME DES GÉANTES BLEUES!
217 SI TON CORPS A FONDU, NE T'ALARME PAS!
218 SI TA TÊTE SE DÉTACHE, NE T'ALARME PAS!
219 SI TES PENSÉES SE FIGENT, NE T'ALARME PAS!
220 SI TES PATTES TREMBLENT SANS FORCE, NE T'ALARME PAS!
221 SI TOUTES PASSENT PRÈS DE TOI SANS TE VOIR, NE T'ALARME PAS!
222 SI TOUTES EN TA PRÉSENCE MURMURENT QUE TU ES DÉJÀ MORTE, NE T'ALARME PAS!
223 ENTRE DANS LA NAINE BLEUE, EMPLIS LA NAINE BLEUE!
224 PÉNÈTRE LA GÉANTE BLEUE JUSQU'AU VERTIGE, EMPLIS LA GÉANTE BLEUE!
225 SIGNAL TYPHON, DEUX FEUX ROUGEÂTRES, OUVRE LA PORTE!
226 SIGNAL TEMPÊTE, DEUX FEUX VERMEILS, OUVRE LA TÊTE!
227 SIGNAL DÉSASTRE, FEU NOIR BRILLANT, OUVRE LES YEUX!
228 SI TOUTES EN TA PRÉSENCE TE DISENT MORTE, PENDS-TOI AVEC TA CEINTURE!
229 SIGNAL DIX-HUIT, FEU COULEUR FLAMME, NE FLAMBOIE SOUS AUCUN PRÉTEXTE!
230 SIGNAL POISON, TROIS FEUX VERT PÂLE, ENTRE EN CATALEPSIE!
231 ENTRE EN CATALEPSIE, OUBLIE LE POISON, ENTRE EN TRANSE VERT PÂLE!
232 SI TES ORGANES S'ESTOMPENT, NE T'ALARME PAS!
233 SI TU VIEILLIS DE CINQ MILLE ANS, NE T'ALARME PAS!
234 SI LA GÉANTE T'ÉTOUFFE, NE T'ALARME PAS!
235 SI LES JUGES T'ENCERCLENT, NE T'ALARME PAS!

Antoine Volodine, Frères sorcières, Seuil, 2019
ISBN 978-2-02-136375-3
EAN 9782021363753

jeudi 12 mars 2020

Lavons-nous les mains




Et surtout, n'oublions pas 
de nous moucher du coude.



Il y a tout de même des gens qui, au milieu de la cacophonie, ont trouvé des choses intéressantes à dire: par exemple (avec des approches très différentes) ici et .

Public announcement.

dimanche 8 mars 2020

Journée Internationale des Lapins Blancs


Il y a quelques jours, James Gurney racontait sur son blog une charmante histoire de lapins - quoi de plus normal sur le site d'un peintre animalier réputé? - et plus précisément de lapins blancs: comment, en 1893, le sculpteur Lorado Taft, chargé de superviser l'ornementation sculptée des pavillons de l'Exposition Universelle de Chicago - la Columbian Exposition - et confronté comme il arrive souvent dans les entreprises de cette sorte à une deadline impossible, demanda timidement à son commanditaire,  Daniel Burnham, si par hasard, en raison de la pénurie de candidats de sexe masculin qualifiés pour ce travail, il lui serait permis d'embaucher, fût-ce au prix d'une entorse à la procédure habituelle, quelques-unes de ses élèves (il enseignait aux jeunes filles du Chicago Art Institute).
Il lui fut répondu: Pour que le travail soit fait dans les délais, vous pouvez embaucher qui vous voulez, même des lapins blancs!

Aussitôt dit, aussitôt fait: ce furent des Lapins Blancs qui terminèrent fontaines monumentales, arcs de triomphe et groupes allégoriques - tout ce qu'il fallait en 1893 pour une Exposition Universelle réussie. 

Une première dans l'histoire des commandes officielles (il y avait moins de trois quarts de siècle que les jeunes filles étaient admises dans quelques écoles d'art (pas toutes); et jusque là, ç'avait été pour développer un talent de société plutôt que dans la perspective d'exercer plus tard un métier).

Qui étaient ces Lapins Blancs? Hé bien, outre Zulime, la jeune sœur de Taft, il y avait Julia Bracken (1871–1942), Carol Brooks (1871–1944), Ellen Rankin Copp (1853-1901), Helen Farnsworth Mears (1867–1916), Margaret Gerow (qui disparut de l'histoire de la sculpture après avoir épousé.... un sculpteur), Mary Lawrence (1868–1945), Bessie Potter (1872–1954), Janet Scudder (1869–1940) et Enid Yandell (1870–1934).


Pour illustrer ce billet, une œuvre (la dernière) d'Helen Farnsworth Mears, un des Lapins Blancs:
 


la Mort, en retirant son voile, 
révèle qu'elle est aussi la Vie.

Cette allégorie fait le lien avec le billet précédent, consacré en partie au mythe de Perséphone: c'est, bien sûr, la raison pour laquelle je publie ce billet aujourd'hui.
 


Merci Gurney Journey!
Illustration: Wikimedia Commons

lundi 2 mars 2020

Aux Champs Élyséens j'ai goûté mille charmes: Lore Olympus (Grands Webcomics du XXI° siècle, 10)



Hades: - Persephone, you're one of the reasons 
why the mortals see us as Gods 
and not complete monsters.


Lore Olympus (webcomic écrit et dessiné par Rachel Smythe) je l'ai découvert grâce à Algésiras (merci Algésiras!) et j'y suis devenu accro (euh… merci?).

Les Immortels ont fait les hommes à leur image, et Rachel Smythe le leur a bien rendu.

Être immortel, concrètement, ça a quoi, comme conséquences? Hé bien, par exemple, on n'est jamais démodé, on peut même se permettre d'avoir de l'avance sur la mode, puisqu'elle a l'éternité pour nous rattraper.
Dans Lore Olympus, les mortels - on en aperçoit quelques-uns, ils font de la figuration, tous les premiers rôles étant, eux, immortels - portent le chiton ou l'himation, les sandales et le pétase, et ils parlent comme des contemporains d'Homère, ils disent des choses comme: "Éloigne-toi, ô toi qui ne dois pas être vu!" ou "Être divin, entends la prière de celui-ci qui fut mortel et qui n'est plus qu'une ombre! Permets que prospère la ferme que j'ai laissée à ma famille!"
Les Immortels, eux, n'ont pas de scrupule à dire "Oh, shit" et à se déplacer en limousine (elles doivent fonctionner, je suppose, à l'énergie éthérique, ou phlogistique, plutôt qu'à l'essence de pétrole). Et ils tweetent. Et ils font des selfies. Et ils vont cancaner sur SnarkyChat. Et ils se friendent sur Fatesbook. 
Que voulez-vous, ils sont faillibles: ça, ça n'a pas changé depuis  les temps homériques.
Le procédé en soi n'est pas nouveau: déjà dans l'Ulysse de Lob et Pichard, déjà dans Thor ou Wonder Woman, certains des attributs des dieux étaient représentés comme des engins hyper-technologiques (toute technologie suffisamment avancée étant indiscernable, etc. etc. vous connaissez le refrain). 
Ce qu'en fait Rachel Smythe: elle en décrit les effets sur la "vie quotidienne" de ses immortels, et ça ressemble beaucoup à vos propres mésaventures connectées. 
Vous pensiez que la mythologie était quelque chose de très éloigné de nous? Think again.

Tout le panthéon grec est présent dans le webcomic de Rachel Smythe: sa character list est plus classe que la guest list du festival de Cannes. Une liste, donc, bien colorée, mais c'est un petit bonbon rose qui vole toutes les scènes où elle apparaît: Korè - pardon, je veux dire Perséphone. Comme vous partagez avec les Immortels le privilège d'aller sur internet, vous trouverez facilement des tonnes d'informations sur Perséphone et sa famille compliquée: par exemple chez Terri Windling, qui va rapidement à l'essentiel ou sur Wikipédia qui est plus prolixe et fournit un tas de liens vers des ouvrages spécialisés. Attention, spoiler: une des premières choses qu'en faisant ces recherches vous apprendrez sur notre héroïne est sa généalogie, que dans le webcomic cette jeune fille innocente ne connaît pas encore  à ce jour, au bout de cent épisodes, sa maman ne lui a toujours pas révélé qui était son papa (autre spoiler: Rachel Smythe est en train de concocter une explication de son cru - peut-être inspirée par ces vers de la Théogonie qui mentionnent des déesses ayant conçu sans s'être unies à aucun autre dieu? - à la venue au monde de Perséphone).
Et il y a d'autres choses dont Déméter n'a encore jamais parlé à Korè.
Erreur pédagogique très commune.
Même si - prenons un exemple au hasard - vous vous appelez Hébé et si vous êtes l'incarnation de la Jeunesse, vous n'appréciez pas que votre maman Héra, en réponse à des questions sérieuses, vous dise "C'est compliqué, c'est des histoires de grandes personnes" en vous faisant pouic sur le nez comme si vous étiez un bébé.

Comme le récit de Rachel Smythe, malgré les apparences, est très fidèle au mythe, nul doute que Korè apprendra un jour tout ce qu'on ne lui a pas dit, et… ce sera intéressant de voir comment Rachel mettra en scène sa réaction. 
Jusqu'à présent, la principale préoccupation de la petite Korè a été de ne jamais décevoir personne - surtout pas sa maman - mais peu à peu une deuxième préoccupation se fait jour: celle de s'affirmer, de prouver qu'elle n'est pas juste une petite campagnarde naïve (c'est comme ça qu'elle se décrit elle-même à plusieurs reprises); elle découvre petit à petit (comme les héroïnes de Marvel ou de DC) qu'elle a des pouvoirs qu'elle ne soupçonnait pas (elle peut voler!!! qu'est-ce qu'elle peut bien encore avoir en réserve?), et, ma foi, c'est bon pour l'estime de soi, ce genre de choses.

En lisant son CV (vous ne le trouverez pas dans la bibliographie proposée par Wikipédia: c'est une exclusivité Lore Olympus), on est bien sûr, tenté de la décrire comme une "overachiever":
- Overall winner chess Olympus championship, 3 times running
- Junior swimmer Olympianswimming champion
- Mathematics champion
- Newest recipient of the
TGOEM (The Goddesses of Eternal Maidenhood) academic scholarship…


Ah. La bourse d'études offerte par Les Déesses de l'Éternelle Virginité (immarcescibles administratrices: Hestia, Athéna, Artémis).
Les Olympiens s'intéressent-ils assez à la mythologie? Il y a un truc mentionné dans un mythe, un gadget appelé la Boite de Pandore. Les Déesses de, etc, n'ont peut-être pas assez médité l'avertissement contenu dans ce mythe. Le cursus choisi par Perséphone (qui a grandi dans un environnement hyper-protégé) impliquait qu'elle fasse un stage en entreprise; Héra, la reine de l'Olympe, lui a fourni une recommandation pour une des plus prestigieuses: elle ne pouvait pas faire moins, n'est-ce pas, pour la fille de la grande Déméter… et c'est comme ça que tout a commencé.
Pourquoi certains d'entre vous ont-ils un mauvais pressentiment?
C'est la drôle de tête qu'a fait Déméter quand on lui a appris la bonne nouvelle qui vous inquiète?
Déméter, des temples lui sont consacrés par toute la Terre, des prières sans nombre lui sont adressées tous les jours: c'est comme par réflexe qu'on lui fait confiance… pourtant dans certains épisodes de Lore Olympus sont disséminés des indices qui suggèrent qu'elle garde pour elle quelques sombres secrets de famille.



Pour nous rassurer, allons interviewer le superviseur de Perséphone.
- Monsieur Hadès, hum, euh… grand Hadès, ô Souverain du Monde d'En-Bas, voulez-vous bien vous présenter pour nos lectrices et lecteurs?
- I'm an immortal being with unspeakable powers and unmeasurable reach.
- Et…  pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de votre nouvelle stagiaire?
- She just makes me feel all warm and snuggly inside when I think of her.
Wait… I mean… No comment.


Je me sens moi-même tout warm and snuggly inside quand je vois Perséphone: même réaction dans tout le vaste fandom que Lore Olympus, en deux ans, a déjà accumulé.
La forme choisie par le site Webtoon qui héberge la série est particulièrement bien adaptée à la lecture sur écran (et sur tablette). Contrairement à plusieurs des webcomics dont nous avons déjà parlé, cette présentation ne reprend pas les codes de la page imprimée: pas de gaufrier, les cases s'affichent l'une après l'autre.
Certaines cases se suivent à touche-touche; entre certaines autres, la narratrice a interposé une certaine distance qui impose au lecteur un scrolling délibérément frustrant.  Entre une remarque pertinente (ou impertinente, ça dépend du point de vue) de Perséphone


 et la réaction de son interlocuteur,



prend place une attente insoutenable qui peut durer jusqu'à… plusieurs dixièmes de seconde, et c'est délicieux.
Il y a ainsi une scène dans un ascenseur (pas n'importe quel ascenseur, celui qui mène des régions supérieures de l'Hadès jusqu'aux régions… inférieures - ça fait beaucoup d'étages) qui vaut son pesant de baklava. Il me suffira de vous dire que les "silences" y comptent autant que le dialogue.


- Et vous, Hécate, Maîtresse de la Nuit, que pensez-vous de Perséphone?
- She's a sight for sore eyes.

Je confirme: chaque apparition de Perséphone dans ce webcomic qui n'a pas peur de faire clasher les couleurs me fait du bien aux yeux.

De toute évidence, tout ne sera pas simple pour Perséphone: les super-pouvoirs ne résolvent pas tout (demandez à Superman). 
Mais on peut attendre la suite avec confiance: elle est pleine de ressource, la petite.
Au moment où je vous parle (et il en est ainsi depuis un temps immémorial),  Perséphone prend dans son panier à provisions la farine et le beurre, puis elle pétrit la pâte, bientôt elle disposera la baklava  dans la corbeille.
Elle sait ce qu'elle fait, ne vous en faites pas.





Jeunes gens, prenez-en de la graine.
Et à l'occasion, demandez-vous pourquoi les mystères la germination sont célébrés loin des rayons du soleil.


Un dernier conseil: si vous pressentez que vos jours sont comptés, voici un contact utile:
persephone@underworld.com
Il ne sera sans doute même pas nécessaire de lui dire "Déesse de beauté et de compassion, entends ma prière", elle prêtera attention même à un simple "je crois qu'on devrait se voir bientôt, vous auriez un créneau pour qu'on se parle?"
Cette déesse pourra sans doute vous apporter plus d'aide qu'Hermès et Thanatos réunis.




Toutes les images © Rachel Smythe