jeudi 31 décembre 2020

Le monde comme il va

 Krazy et Ignatz, depuis le mystérieux au-delà dans lequel ils résident, nous envoient en cette fin d'année un petit signe amical.


Vous noterez qu'Ignatz n'est toujours pas en peine de donner des réponses péremptoires à des questions que personne ne lui a posées, tandis que Krazy maîtrise toujours comme personne l'art de formuler des questions qui sont en même temps des réponses.
À eux deux, surtout s'ils marchent longtemps comme ça bras dessus-bras dessous, ils finiront bien par arriver quelque part.

 

 Dessin de Georges Herriman, "Krazy Kat".

 


mardi 22 décembre 2020

Is it the same for you?

 

Un peu en avance sur le calendrier, j'ai reçu le cadeau que j'ai choisi pour moi-même: le livre de Neha Singh illustré par Priya Sebastian ( vous vous souvenez d'elle, n'est-ce pas?): 

Is It The Same For You?

Beau travail, Priya! Les illustrations sont
comme le texte: sombres et illuminées de l'intérieur.

Priya en parle ici, et encore plus longuement ici, mieux que je ne saurais faire.
Le livre a été imprimé à Calcutta, c'est loin, mais vous pouvez le commander chez… ma foi, chez votre fournisseur de livres favori, il y en a sûrement un pas trop loin de chez vous. Ça a très bien marché pour moi, alors it will (most likely) be the same for you!

Neha Singh et Priya Sebastian,
Is it the same for you?
Seagull Books, 2019
ISBN 978 0 8574 2 696 3

lundi 21 décembre 2020

Pain de mie

 

... Et ne manquez pas de donner, à ceux dont ce tendre pain de mie* vous tient éloignés, autant de bonnes nouvelles que vous pouvez en collecter.

Maman ne tousse presque plus! Grand-mère a pu se lever!
Maman ne tousse plus!
Grand-maman a pu se lever!

 

*Oh-oh, on dirait que Coo, mon fantasque correcteur orthographique, se mêle à présent de censurer les expressions qu'il juge chargées de trop de connotations négatives, comme te*ps de pa****ie. Sacré Coo, il faut qu'on aie une discussion tous les deux.

Illustration d'Henry Morin,
pour Nane d'André Lichtenberger

dimanche 20 décembre 2020

Toutes précautions prises

 

Vous voudriez bien vous changer les idées, quoi de plus normal?
Si vous en avez l'occasion, allez donc voir de drôles de dessins faits par de drôles de Coréens, à la galerie Martel, où l'exposition ICINORI est prolongée jusqu'au 2 janvier 2021.
Ouverture exceptionnelle le dimanche 20 décembre;
la galerie sera ouverte sur rendez-vous du 27 décembre au premier janvier.



Je sais, en ce moment les chemins sont pavés d'embûches.
Comme toujours, sortez couverts.

Galerie Martel
17 rue Martel - 75010 Paris
Ouvert de 14h30 à 19h (ou sur rendez-vous, selon les dates).

dimanche 13 décembre 2020

Des brumes, des brumes, des brumes

 

Il me semble déjà que j'ai été bien mal inspiré, en allant chercher des liens pour documenter le billet sur Corben, de parcourir les pages d'actuabd. J'y ai appris encore trois nouvelles déprimantes: en quelques jours, Taffin, Le Hir et Malik ont rejoint Corben au pays des ombres. Et ce n'est pas la lecture des blogs d'Alias, d'Anniceris et d'Imaginos, qui tous déploraient le départ prématuré de Jérôme Bianquis, encore quelqu'un qu'on connaissait et qu'on appréciait, qui pouvait me remonter le moral.
 

"Douze/douze, l'année n'est pas finie, et de 2020 déjà j'ai ma dose", constate, de son côté, Nikolavitch

Sortez couverts, amis.


vendredi 11 décembre 2020

Voir enfin ces visages aperçus: Corben, 1940-2020

 

"Enfin voir ces visages aperçus" c'était la traduction (infidèle, mais pas si mauvaise après tout) du titre d'une des premières collaborations de Jan Strnad et Rich Corben (To Meet the Faces You Meet, Fantagor, 1972) dans ACTUEL n° 35, en 1973. C'est donc probablement la première histoire dessinée par Corben que j'ai lue (je me jetais en ce temps-là sur chaque numéro d'Actuel dès qu'il paraissait). Une histoire courte, si pleine de bonnes idées visuelles et narratives que les auteurs de films de science-fiction on pu y puiser libéralement dans le demi-siècle qui a suivi.
Perverse synchronicité: juste avant que l'on n'apprenne son décès, une adaptation en long-métrage de cette graphic novelet séminale venait justement d'être crowdfunded, comme on dit.

How Howie Made It in the Real World

Si vous aviez croisé Richard Vance Corben dans la rue, vous auriez pu le prendre pour un petit homme effacé, sans trait distinctif mémorable autre qu'une tendance précoce à la calvitie.

Mais le reflet que vous auriez pu voir dans les yeux de ses collègues, de ses (rares) pairs et (nombreux) émules, dessinateurs de BD, de comics, de manga et illustrateurs, quand ils se tournaient vers lui (en s'en tenant à une distance respectueuse), c'était celui d'un géant glabre - deux mètres, cent kilos de muscles au moins - toujours prêt à défier les lois de la pesanteur et des probabilités.
Un monolithe étrange, c'est ainsi que le décrivait Moebius qui s'y connaissait en monolithes et en étrangeté.

c'est bien simple: en présence de Corben,
tous les dessineux, du plus grand au plus petit,
sentaient un frisson glacé parcourir leur échine.

 

Le décalage entre un humain très ordinaire et l'image qu'un miroir lui renvoie de lui-même (monstre ou demi-dieu?), c'est un des thèmes que Corben n'a cessé d'illustrer.
Toute sa vie, Corben dessina des unheroes, des "autre-chose-qu'un-héros" cousins de Razar the Unhero (là, les traductions françaises, "Razar le lâche" et "Razar, l'homme qui n'aimait pas les héros" sont nettement à côté de la plaque).
Corben avait bien regardé ce qu'avaient fait ses devanciers dans ses genres favoris (de Roy Krenkel à Joe Kubert, de Virgil Finlay à Frank Frazetta), il avait médité les leçons des grands directeurs de la photo (de ceux de la UFA à ceux de la Hammer), et il avait décidé qu'il ferait aussi bien qu'eux, mais tout à sa façon, pas comme tout le monde.
Méticuleusement.

Il n'avait pas son pareil pour décider lesquels, d'entre les modelés, d'entre les matières, serait le mieux rendu par un entrelacs de petits traits, lesquels par une trame mécanique ou une éclaboussure d'encre noire. Sans égal pour sa maîtrise du noir et blanc, il n'était pas moins perfectionniste pour la couleur: il était même connu, dans les années 70-80 (on n'avait pas d'outils informatiques en ce temps-là), pour faire lui-même, à la main, la séparation des couleurs sur ses illustrations, avant de les envoyer chez le photograveur. Perfectionniste, ses derniers albums démontrent qu'il l'a été jusqu'au bout.

Sur actuabd, Jean-Mathieu Méon avait assez bien résumé sa carrière en 2018.
Et vous trouverez une bibliographie assez exhaustive sur Muuta.

Sur le blog de Li-An, le billet du 16 décembre contient un bel hommage à Corben et, dans les archives, un autre billet détaillait (plus que je ne l'ai fait ci-dessus) sa technique de mise en couleurs.

"Qu’ajouter de plus si ce n’est qu’il va nous manquer."


Affiche du festival d'Angoulême 2019, 

illustration © Richard Corben

vendredi 4 décembre 2020

Écran noir, nuit étoilée

 

Encore un rêve d'une ampleur épique… je regrette que ma capacité à me remémorer, au réveil, mes rêves avec tous leurs détails semble diminuer avec les années.
Comme il arrive si souvent, le début de l'aventure est noyé dans une sorte de brume…
Nous formons une équipe liée par des liens très forts. Nous passons avec aise du théâtre d'événements mystérieux à un autre, plus mystérieux encore.
À un moment nous cherchons dans un vaste grenier quelque chose de perdu, puis nous devons dresser une table de fête; nous devons nous faire passer, en nous déguisant, pour des gens à qui nous ne ressemblons pas, et contre toute attente nous réussissons: nous parvenons à sortir du château!…
Tout cela, nous le vivons dans une atmosphère d'euphorie, malgré les obstacles nous ne doutons pas de notre succès final.
Sacrifices et trahisons se succèdent; nous prenons des initiatives hardies, nous voyons sans trembler une marée de lave noire déchirée de langues de feu (l'arme secrète de nos adversaires) s'approcher de la hauteur sur laquelle nous sommes réfugiés. Nous savons ce qu'il nous reste à faire: regagner la base en déjouant la surveillance des gardes, et avancer l'heure du lancement du vaisseau spatial! 
Le plan est compliqué, mais il peut réussir si nous coordonnons bien nos actions: il faut nous séparer.
Alors que je me hâte vers l'objectif qui m'a été assigné, je prends conscience que le décor me devient familier: c'est un plateau couvert de garrigue proche du village où j'ai grandi.
Pourquoi suis-je là, et pas sur une planète exotique? Comme il arrive dans les rêves, cela devient clair pour moi sans qu'on ait besoin de me l'expliquer: tout ce que j'ai vécu jusque-là, c'était les scènes d'un film dont j'étais un des acteurs; nous venons d'en visionner les rushes, en nous arrêtant un peu avant la fin. Si nous marchons (je ne suis plus seul, mes compagnons d'aventure sont là de nouveau - sans aucun doute, j'ai convaincu la production de filmer on location une des scènes complémentaires dans ce paysage cher à mon cœur!) dans la garrigue vers un but précis, pour en ramener quelque chose d'important, c'est en compagnie du réalisateur (il ressemble - comme c'est surprenant! - un peu à Stanley Kubrick, un peu à Guillermo del Toro) avec qui nous échangeons nos impressions sur ce que nous venons de voir.
En marchant nous levons les yeux vers les structures construites pour un des décors du film - elles sont supposées représenter la base de lancement du vaisseau - qui dominent de très haut les brèves silhouettes des chênes kermès (leur fabrication en matériaux légers est un peu plus apparente à présent, malgré le faible éclairage nocturne: assemblage de sphères et de tubes qui rappellent un peu l'Atomium de Bruxelles, elles font penser désormais au décor d'une exposition universelle ou d'un luna-park) et nous écoutons le réalisateur parler, déjà avec nostalgie, des premiers jours du tournage.
En me réveillant - en prenant peu à peu conscience que j'ai raté le climax, l'affrontement final, l'évasion vers les étoiles - j'ai déjà envie de la revivre, cette histoire, ou, au moins, de revoir le film.

 

mardi 1 décembre 2020

Dodo

 

Anne Sylvestre chantait des berceuses aux petits vampires.
Maintenant elle fait dodo avec eux.


Dodo, petits vampires,
La vie pourrait être pire
La vie, mes sangsues,
Que de moi avez reçue
La vie vient et puis s´en va
V.
I.
E.
N.
T.
V.
A.
À épeler comme ça
C´est facile, on pense pas

Dodo, mes voraces,
Tout mon bien, toute ma race,
Près de vous, mes féroces,
Attila n´était qu’un gosse
La vie passe, passera
P.
A.
DEUX S.
E.
R.
A.
La vie, la vie que l´on a
On la donne, il reste quoi?

Dodo, cannibales,
Je suis comme votre balle
Je viens et je roule
Entre vos mains, tendres goules,
La vie ne rembourse pas
Les nuits blanches, les coups bas
La vie, c´est peut-être ça
On vous mange et on s´en va

Dodo, mes barbares,
En vous, déjà se prépare
La minuscule graine
Qui s´étendra, souveraine
Qui demain vous mangera
L´amour, c´est peut-être ça
Tout ce qu’on a dans le cœur
Ne vaut pas la moindre fleur

Dodo, petits vampires,
Ça serait tellement pire
Si on n´avait personne
P.
E.
R.
S.
O.
DEUX N.
E.


Anne Sylvestre, 1934-2020