mardi 31 janvier 2023

Full of woe

 

La Lisa Loring dont nous nous souvenons tous n'existait plus depuis longtemps. Est-ce normal que je n'arrive pas à l'imaginer vieille dame sous perfusion sur un lit d'hôpital et que je ne parvienne pas à me défaire de l'impression qu'on vient d'enterrer notre petite sœur prématurément, alors qu'elle aurait encore eu envie de danser?

Lisa Loring, 16 février 1958 - 28 janvier 2023   

 Image © ABC

mardi 24 janvier 2023

Nombreux amis (Yoko Ogawa, La formule préférée du professeur)


En disant "les théorèmes qui sont là", 
il avait désigné le point dans l'espace 
qu'il fixait toujours lorsqu'il réfléchissait. 
La formule préférée du professeur


C’est une expérience curieuse de lire La formule préférée du professeur (博士の愛した数式, Hakase no ai shita suushiki) quelques jours après avoir vu Memento, de Christopher Nolan, dont le principal ressort dramatique est l'amnésie: on pourrait en dire autant de La formule préférée du professeur, puisque le Professeur en question souffre de troubles de la mémoire à court terme, sauf que...
"Ressort dramatique", à propos des deux récits, ne désigne pas la même chose: dans le cas de Memento, ce n'est pas le sujet; le sujet de Memento est la manipulation - des images, des mots, des sentiments - plutôt que la perte de mémoire, utilisée plutôt comme un artifice narratif. La formule préférée du professeur en revanche, ne s'intéresse qu'au rapport affectif que nous entretenons avec les souvenirs, que nous ayons bonne mémoire ou pas. Mémoire ennemie dans un cas, mémoire amie dans l'autre.

Le Professeur se souvient de choses advenues il y a longtemps, mais sa mémoire récente ne va pas au-delà de quatre-vingts minutes: ce qui s'est passé immédiatement avant, il l'oublie au fur et à mesure. Pensez-vous que vous auriez vécu l'après-midi d'hier de la même façon si vous aviez oublié, quand il a commencé, quel temps il faisait quand vous vous êtes habillé le matin?
Ce pull d'une couleur bizarre que vous portez en ce moment, ce sont bien les souvenirs qui lui sont attachés qui vous le font préférer à l'autre pull, le bleu, dont tout le monde vous dit qu'il vous va mieux au teint?

Dans ce roman de Yoko Ogawa, trois personnages principaux: le professeur, qui pose des questions (souvent à propos de choses qu'il a oubliées) et a beaucoup de réponses à offrir, le petit garçon qui trouve des questions à poser et aime bien chercher des réponses, la narratrice (la mère du petit garçon et l'aide-ménagère du professeur) qui se souvient de beaucoup de choses (c'est pour ça que c'est la narratrice).
On évoque souvent,  dans ce livre, les mathématiques et le base-ball: pas de chance pour toi, Tororo, qui n'entends rien ni aux unes ni à l'autre! êtes-vous sans doute en train de vous dire; mais non, tout va bien, tout est expliqué simplement, les questions de mathématiques comme celles de base-ball:
- C'est quoi un coup de base? 
- Le nombre de bases prises par hit. A la première base c'est 1, à la deuxième c'est  2, la troisième 3. Alors, si c'est un home run, ça fait?…
- 4.
- Bonne réponse.

Les trois personnages s'entendent bien, ce qui peut surprendre, car on a parfois l'impression qu'ils n'habitent pas la même planète. Quand le professeur parle de ses amis, il parle de théorèmes et d'objets mathématiques. Des gens, il en a rencontré aussi, dans sa vie, mais il a oublié leur nom.
Le petit garçon...  il a une planète rien que pour lui, comme tous les enfants.
La narratrice n'a pas autant d'amis que le professeur, mais elle a bien davantage de souvenirs; des souvenirs de tous ordres, certains sont les souvenirs de choses infimes, car elle est observatrice (elle arrive à voir les cigales immobiles sur les troncs d'aogiri, ce qui demande de bonnes facultés d'attention), et parmi les petites choses dont elle se souvient, il y a:
le jour où elle a fait des petits pains,
le jour où, dans le journal, on a publié un article sur le père de son fils, qu'elle n'a jamais revu depuis qu'elle s'était aperçue qu'elle était enceinte; elle a gardé, bien rangée, la coupure du journal, un jour peut-être le petit garçon sera-t-il content de la lire. Ça lui fera un souvenir de plus: le petit garçon a bonne mémoire (et, rassurons sa mère qui se fait un peu de souci à ce sujet: il est parfaitement capable de se faire des amis).
Quant à Yoko Ogawa, je soupçonne qu'elle a à la fois des amis et des souvenirs, car ce sont deux sujets sur lesquels elle écrit bien.

Le professeur:
- S'il vous plaît, ne pleurez pas. 
Les nombres triangulaires sont si beaux.


traduit par Rose-Marie Makino-Fayolle, 
Actes Sud, 

dimanche 22 janvier 2023

Junji Itô à la rescousse

 Esprit festif,  es-tu toujours là?
Bon, d'accord, on trouverait, en cherchant bien, de bonnes raisons d'aller quand même au festival d'Angoulême: par exemple l'exposition Junji Itô dans l'antre du délire. Ce serait l'occasion d'adresser,  en se recueillant devant les planches exposées, une prière au juge des Enfers pour que des requins à pattes sortent des planches de Junji Itô et se jettent toutes dents en avant sur les rebuts humains qui veulent censurer Bastien Vivès, et pour que des spirales maléfiques envahissent les cauchemars des organisateurs capitulards.

 

jeudi 19 janvier 2023

Esprit festif

 Je n'irai pas cette année au festival d'Angoulême: la seule chose qui aurait pu me motiver pour y aller, c'était l'exposition Bastien Vivès, prévue de longue date et dont les organisateurs ont annoncé au dernier moment qu'ils la déprogrammaient, "en raison de pressions et de menaces". Cherchez vous-mêmes de quelles sortes de pressions il s'agit, et excusez-moi un instant, je dois lutter contre une forte nausée (pour le reflux gastrique, un peu de bicarbonate fera l'affaire; pour le malaise moins localisé que j'ai ressenti en constatant l'absence de réaction appropriée des secteurs de la création et de l'édition, le remède sera, j'en ai peur, moins facile à trouver). Qui donc disait: "Vous avez choisi le déshonneur pour vous épargner la guerre: vous aurez la guerre, et il vous restera le déshonneur", déjà? Ah oui, Churchill. Il n'aurait pas fait une longue carrière comme organisateur de festival, celui-là. 


mercredi 11 janvier 2023

Éditions nouvelles, nouvelles éditions

 Peut-être vous en souvenez-vous? Il y a neuf ans (ouf! déjà?) j'avais mentionné les éditions CMDE (Collectif des Métiers de l’Édition) dans un billet à propos de Julio Cortazar. Cette  maison d'édition a un nouveau nom: Ici-bas, et un site tout neuf (La racine de l'Ombù figure toujours au catalogue, parmi d'autres choses intéressantes).

Quant au roman de Sofia Samatar, Un étranger en Olondre, je vous l'avais signalé il y a quelques mois: il a trouvé un nouvel éditeur, Argyll, qui, non content d'avoir un catalogue déjà bien fourni, se fait remarquer par la sobre élégance de ses couvertures; à mon avis, la nouvelle présentation d'Un étranger en Olondre est plus réussie que celle de la précédente édition, alors cette fois, ne le ratez pas!


Mais, me direz-vous, n'y a-t-il pas aussi des maisons d'édition qui n'ont pas changé de nom et/ou qui vont publier des livres encore jamais parus? Ma foi oui: très bientôt (la semaine prochaine si tout va bien) les célèbres Moutons électriques vont publier un nouveau roman de  Jean-Philippe Jaworski: Le Tournoi des Preux (un roman qui aura des suites, car l'inventeur du Vieux Royaume, vous l'avez sans doute déjà remarqué, a de la suite dans les idées) et l'illustre Bélial' le troisième tome de La maison des jeux, de Claire North, dont les deux premiers tomes ont été (pour moi) deux des meilleures surprises de 2022. Mais ceux-là, il vaudra mieux que je vous en parle quand ils seront là, vous ne pensez pas?

dimanche 1 janvier 2023

Bonne année, bonnes résolutions

Ne perdez pas votre temps sur les rézeaux zoziaux.

Souvenez-vous que le bonheur, c'est un chaud chiot.

(Merci, Charles Schulz, pour cette forte maxime)