vendredi 18 décembre 2015

Le sommeil de la saison




El sueño de la razón produce ectoplasmas


Que pouvons-nous nous souhaiter les uns aux autres en ce moment,
sinon de faire des rêves réconfortants?

Illustration: A dream of Christmas 
carte postale de Strohmeyer & Wyman, 1897

samedi 5 décembre 2015

Entre les tremblements de terre (Murakami Haruki, 12)



- Je l’ignore, répondit Crapaudin. Personne ne sait ce que pense Lelombric, dans les ténèbres de son cerveau. Ceux qui ont eu l’occasion de l’apercevoir sont fort peu nombreux. D’habitude, il passe son temps à hiberner. Il dort d’un long sommeil, pendant des dizaines et des dizaines d’années, dans les ténèbres et la tiédeur du fond de la Terre. Alors, naturellement, ses yeux s’atrophient, son cerveau se ramollit, se met à fondre dans son sommeil, et il se transforme en toute autre chose. Pour parler franchement, je suppose, moi, qu’il ne pense rien du tout. Je crois qu’il absorbe simplement des échos et des vibrations venus de très loin, et les emmagasine dans son corps. Ensuite, il en restitue la plupart sous forme de haine, après un processus de transformation chimique complexe. Je ne sais pas comment ça se produit exactement, je serais bien incapable de l’expliquer en détail.

Crapaudin regarda Katagiri un moment en silence, attendant que la teneur de ses propos pénètre bien dans le cerveau de son interlocuteur. Puis il poursuivit :

- Evitons tout malentendu : je ne ressens aucune animosité ou opposition personnelle envers Lelombric. Je ne vois pas non plus en lui une incarnation du mal. Je n’irais pas jusqu’à vouloir m’en faire un ami, mais l’existence d’êtres comme lui en ce monde ne me dérange pas outre mesure. Le monde est une sorte de grand pardessus, avec une multitude de poches de formes et de tailles différentes. En ce moment, cependant, Lelombric est trop dangereux pour qu’on continue à le laisser faire sans rien dire. Son esprit et son corps sont enflés comme ils ne l’ont jamais été, sous l’effet de haines diverses qu’il a absorbées et accumulées pendant des années. Et qui plus est, le tremblement de terre de Kobe le mois dernier l’a brutalement réveillé du sommeil profond et confortable où il était plongé. Sa rage lui a inspiré une sorte de révélation : il a décidé que son tour était venu de provoquer un tremblement de terre sur Tokyo, un énorme tremblement de terre…

Haruki Murakami, Crapaudin sauve Tokyo
traduction par Corinne Atlan
Editions 10/18

samedi 14 novembre 2015

Il eut un rêve étrange qui l'occupa encore longtemps après.


Quand le froid commence à s'installer, Robert Walser n'est-il pas de bonne compagnie pour attendre la saison, encore lointaine, où les gens pleureront de joie en s'embrassant dans les rues de Paris? 

"La plupart du temps je dormirai; une magicienne doit dormir beaucoup; et toi tu joueras avec le petit chat ou tu liras un livre, j'ai là les plus beaux romans de Paris ici dans ma bibliothèque. Les écrivains parisiens écrivent d'une façon délicieuse, tu verras. 
Et puis dans un mois, sans compter que nous avons aussi de la musique, n'est-ce pas, dans un mois, disais-je, ce sera le printemps dans les rues de Paris. Tu verras comme après avoir été enfermés si longtemps, les gens s'embrasseront dans les rues et pleureront de joie en se revoyant. Ce sera un enlacement général.  L'envie si longtemps retenue éclatera dans les yeux, sur les lèvres, dans la voix, on s'embrassera  tout le mois de mai, du reste tu vivras tout cela toi-même. Imagine-toi que l'air devient tout bleu, tout humide et chaud  quand il descend sur la ville,  c'est le ciel alors qui se promène dans les rues de Paris et qui se mêle aux passants ravis. Les arbres ont des fleurs d'un jour à l'autre et sentent  merveilleusement bon,  les oiseaux se mettront à chanter,  les nuages à danser et l'air sera sillonné  de fleurs comme s'il en pleuvait. 
Et il y aura de l'argent dans toutes les poches même les plus pauvres et les plus percées. 
Je vais dormir à présent. 
Tu vois comme j'ai déjà sommeil.  
Profite du temps devant toi et étudie  un ouvrage parmi ceux que tu trouveras,  un qui puisse te captiver pendant tout un mois.  
Il y a des livres comme cela. 
Bonne nuit!"

Et sur ces mots elle s'endormit. 
Le chat voulut alors se coucher auprès d'elle,  Simon essaya de l'attraper,  il lui échappa,  il courut après lui, et chaque fois le chat lui glissait des mains quand il l'avait déjà saisi. Il s'enfonça dans ce jeu jusqu'à bientôt perdre haleine et tout suffocant, 
il se réveilla enfin.

J'ai fait là un rêve bien sombre pensa-t-il en se levant de son lit.

Ah ces rêves, ces rêves dont on s'éveille tout essoufflé comme si on avait couru. Robert Walser connaissait bien la sensation particulière qu'ils laissent au réveil: la sensation de ne pas avoir réussi - presque, mais pas tout à fait - à attraper le chat.


Robert Walser, 
Les enfants Tanner 
traduit par Jean Launay
 Gallimard, Du monde entier, 1985
Galimard, Folio n° 2380, 1992

lundi 5 octobre 2015

On est plusieurs à rêver


Tu vois, moi aussi je rêve beaucoup et un tas de gens aussi, dont on ne le croirait jamais, rêvent,  mais tu croyais, toi, avoir un droit sur le rêve, tandis que  nous autres, nous ne rêvons que lorsque cela va très mal  pour nous et nous sommes contents de pouvoir nous arrêter.

traduit par Jean Launay,
Gallimard 1985

lundi 28 septembre 2015

Jeune journée parée d’un bijou d’argent


Vous avez raté le rendez-vous de cette nuit avec la lune rouge? Ça peut arriver à tout le monde, ne vous en faites pas. Demain, vous constaterez en levant le nez que la lune est sortie toute pimpante de son bain aux pétales de roses, et j'espère que ça vous aidera à bien commencer la journée.

A l’instant même précédant  le réveil, je fis un rêve d’une étrange beauté dont une demi-heure plus tard, je ne savais rien plus. M’étant levé, il me revint alors à la conscience que j’avais vu une femme très belle et, débordant d’un juvénile élan, je l’adulais. Je me sentais merveilleusement d’aplomb et exalté par la jeunesse rayonnante de mon beau rêve.
Je me vêtis prestement. Il faisait encore sombre. Un souffle d’air hivernal m’effleura par la fenêtre ouverte. Les couleurs étaient si sévères, si rigoureuses. Un vert froid et noble luttait avec un bleu naissant: le ciel était rempli de nuages rose vif. La journée en éveil, qui portait encore en collier la lune comme un bijou d’argent, me parut divinement belle.

Robert Walser­,  A l’aube
traduit par Golnaz Houchidar, 
éditions Zoé, 1999
 ISBN 978-2-88182-353-4

samedi 26 septembre 2015

Le commentateur irrité


Rêve de fin de nuit: 
je suis les aventures d'un personnage qui ressemble à Lance Henriksen
je les suis ou je les vis? 
Quand les rêves ont plus de temps pour se développer, ils dissipent, en général, les ambiguïtés de cette sorte : tantôt - tout en rêvant - je prends du recul, et je dois admettre que l'énigme que je me préparais à résoudre grâce à mes talents de Célèbre Détective, c'est en fait sur un écran (ou un entre les rideaux d'un théâtre de marionnettes) 
que j'en avais pris connaissance; 
tantôt au contraire je découvre que le mystérieux vengeur 
masqué et balafré dont, quelques instants plus tôt, j'admirais un peu incrédule les gambades sur les toits, 
hé bien, c'est moi, en fait.
Mais là, dans ce rêve très court, l'équivoque sur l'identité du protagoniste subsiste jusqu'au réveil. 
Je le vois (je me vois?) lire un message sur un forum internet, 
au sujet de l'autorisation récemment (les actualités de la veille en parlaient) donnée par les Autorités Compétentes d'abattre un certain nombre de loups, quelque part dans les Alpes; le ton du message est indigné, son argumentation un peu confuse (il semble préconiser, non sans faire des réserves tâtillonnes, l'euthanasie par injection comme alternative au fusillage) et il se termine par la phrase "Elle existent pourtant, les écolent vétérinères, non?"...  
L'orthographe du message pousse l'équivoque lecteur 
(admettons que ce soit moi) 
à se voiler la face.

mercredi 23 septembre 2015

A propos du chat, 3



A propos du chat: il s'asseyait toujours sur les feuillets que j'avais écrit et mis sur le côté, et il cillait en me regardant de ses yeux insondablement jaunes, avec un air à lui de m'interroger. Je dois peut-être beaucoup à cette bête tranquille et gentille, que sait-on? 

article paru  dans le Neue Merkur en 1914, 
cité dans la postface de Les enfants Tanner, 
traduit par Jean Launay, Gallimard 1985

jeudi 17 septembre 2015

Lente, cotonneuse, solidifiante: la surface qui est l’éveil



Une nuit, je rêve.
Je suis dans les corridors, les mains embarrassées.
Impossible de trouver le directeur des opérations. J’ai quelque chose à lui dire au sujet du tournage de l’après-midi.
Quoique passant par quantité de bureaux pleins de monde, je n’arrive pas à le rencontrer.

Tiens! son chien, un grand berger alsacien.

Ah! voilà qui en quelque façon me rapproche du but et, serrant dans mes bras la tête du chien qui s’est dressé sur ses pattes, "Eh bien! dis-je, où est donc Eric?" (c’est son maître), m’attendant à voir sa bonne tête s’animer à ce nom.
Et voilà qu’à ma grande surprise une voix me répond, comme venant de ses entrailles, un semblant de voix, sans voyelle précise, mais tout de même pas confuse (pas d’onomatopées ou de "petit nègre" à quoi on se serait plutôt attendu qu’à ses phrases construites que j’entends).
C’est le son auquel j’aurais surtout à redire, flou comme venant de derrière une tenture.
Phrases précipitées.
Il tient - c’est évident - à me dire ce qu’il sait.
Et, observant ma difficulté à comprendre, voilà qu’il se met, et avec plus de volubilité encore, à me l’expliquer en anglais.
Là, en effet, je l’entends mieux. Des phrases, presque en entier, me sont intelligibles, claires, d’ailleurs d’une syntaxe normale, parfaite, lâchées d’une traite, sans hésitation aucune.
C’est prodigieux.

Chose digne de remarque, ce n’est pas ce prodige en soi qui est renversant et m’emplit de délectation, le prodige pour moi c’est que cette découverte majeure de la nature, ce parler des chiens, m’est pour la première fois révélé après tant d’années que je vais de tout côtés observant les bêtes. Quel maudit distrait je suis!

Enfin, je sais à présent. J’en aurai rencontré au moins un, de chien parlant. Mon envie de joindre le maître des lieux n’est plus qu’à l’arrière-plan. L’importante révélation m’occupe tout entier. J’ai entendu le parler des chiens. Je vais les observer mieux maintenant. Ils ne me donneront plus le change. Pendant que je rumine ces pensées, j’affleure à la surface qui est l’éveil, lente, cotonneuse, solidifiante affaire, qui dissipe l’autre.

… Sans doute j’ai dérivé. Et une langue commune aux chiens et aux hommes m’induit momentanément en erreur. Je cherchais si je continuais dans la nuit à chercher qu’on se comprît entre hommes, tout bonnement (entre hommes de différentes catégories), mais, certes, l’aspiration a été merveilleusement satisfaite et je me réveille avec un contentement immense. N’a-t-elle pas été trop satisfaite? Quel besoin, dira-t-on, d’utopie, d’extravagance?

Un problème majeur pour moi est là-dessous.

Enfant, je ne comprenais pas les autres.

Et ils ne me comprenaient pas. Je les trouvais absurdes. 
On était étranger.
Depuis, ça s’est amélioré, néanmoins, l’impression qu’on ne se comprend pas réellement n’a pas disparu.
Ah! s’il y avait une langue universelle avec laquelle on se comprît vraiment tous, hommes, chiens, enfants, et non pas un peu, non pas avec réserve. Le désir, l’appel et le mirage d’une vraie langue directe subsistent en moi malgré tout.
Maintes fois, des voix de femmes entendues dans la journée et d’un peu loin, lorsqu’on perçoit les sons élevés des voix de soprano, sans saisir le sens, maintes fois les personnes qu’on écoute distraitement ou avec agacement, pendant qu’elles continuent à parler feront "songer", ni femmes ni oiseaux, mi-femmes, mi-oiseaux. La vague réflexion du jour à peine consciente continue à cheminer, la nuit vient et ces oiseaux, délivrés de notre surveillance rationnalisante, parleront, et rien d’étonnant qu’ils parlent français, puisque ce sont des Françaises.


Durant les siècles où l’on croyait que ce qu’on avait rencontré en rêve existait réellement en quelque endroit,
il devait y avoir des conséquences à ces rêves de bêtes parlantes.
Sûrement, ils étaient accueillis avec émotion, 
le rêveur croyant, à son réveil, s’être trouvé dans des lieux où 
les animaux parlaient encore. 
Des récits se mettaient de différents côtés à circuler, 
de témoins en quelque sorte. 
Ils ne furent pas le fait de conteurs en mal de création, 
ou de sottes nourrices pressées de répondre aux questions des petits enfants, lesquels en effet n’ont pas encore constaté de différences tranchées et définitives entre animaux et hommes.
Non, les hommes attentifs à leurs rêves devaient,
des animaux qui parlent, 
avoir eu une expérience personnelle.

D’abord.

Le rideau des rêves (1963-1966), 
L’Herne, 1996

dimanche 13 septembre 2015

dimanche 30 août 2015

A propos du chat , 1


À force de le regarder dormir — c'est un expert, comme tous ses semblables — je commence à mieux comprendre le rôle du chat dans nos vies. Si tout groupe humain, petit ou grand, a besoin d'un veilleur — de quelqu'un qui reste aux aguets tandis que les autres dorment —, l'inverse est vrai aussi. Le chat est ce veilleur à l'envers qui dort tandis que nous vaquons à nos affaires diurnes. 
Au milieu de notre agitation, il maintient le contact avec le sommeil et ses richesses profondes. 
Le regarder dormir, ou simplement savoir qu'il pionce dans la pièce à côté, aussi détendu qu'on peut l'être et en même temps concentré à l'extrême, cela nous fait du bien. Le chat qui dort apaise la maisonnée entière, lui insuffle un peu de sa béatitude, et même, peut-être, nous emplit secrètement d'une mystérieuse énergie.







vendredi 14 août 2015

Ce qu’il reste sur la feuille blanche quand il en a fini avec elle



Quand je regarde le papier blanc, écrit-il, je vois courir au loin un homme épouvanté.

De quoi épouvanté? 

De quoi épouvanté? Je ne sais, et aussi le rite ridicule d’hommes qui tournent en rond.

Puis viennent d’autres hommes (toujours à l’extrême bout du papier) en quantités innombrables, une foule non pour un tableau mais pour une époque.
Ces hommes sont maigres et grands.

La santé ne m’a pas prodigué les excès. Je n’en prodigue pas aux autres. Voilà ce qu’on pourrait dire.
Mais pour ce qui est de la multitude, elle est prodiguée. Seul un vieillard au faîte d’une longue vie en vit passer autant.

Ah! Si je pouvais les réunir en un seul tableau! Il y aurait des gens haletants à le regarder tant il grouillerait de vie.
On s’arrêterait et on dirait émerveillé: voilà, cette fois nous avons vu une vraie foule passer!

Mais ils passent et je ne puis les arrêter ni les tenir groupés.
Les jambes de l’un effacent l’ombre du précédent.
Pourtant chacun, je le vois, a comme un dépôt.

Les jambes de l’un effacent l’ombre du précédent.

Enfin, de rage de ne pouvoir le retenir, je me jette furieux sur le papier et je le massacre de ratures jusqu’à ce qu’il en sorte une horrible figure désolée qui en cent toiles et en dix ans a fini par me faire reconnaître pour peintre.
Mais je ne suis pas dupe. Dans les pleurs et la rage, je rejette loin de moi cette maudite usurpatrice, et l’art qui se dérobe m’emplit de son souvenir décevant et amer.


paru sous le titre La lettre du dessinateur 
dans Labyrinthes, Éditions Godet, 1944; 
puis sous le titre La page blanche
dans Le rideau des rêves, L’Herne, 1996.


Dessins d’Henri Michaux 
(de la série Mouvements)

lundi 10 août 2015

Le temps du Loup


Et maintenant, c'est Loup qui s'y met.
Mais qu'est-ce qu'ils ont tous?


Jean-Jacques Loup a dessiné tellement de trucs et de machins (et de bonshommes, et de girafes, et de perroquets, et de chiens et de vaches et de chats et de moutons et de moustiques et d'éléphants) qu'on n'arrive pas à les compter. Il a tout arrêté le 31 juillet.

Dessin de Loup
extrait de La Vie des Maîtres (tome 1), 
Glénat, 1983

jeudi 16 juillet 2015

Les tendances de la mode 2015 en quelques clics



Sagaces lecteurs, sauriez-vous deviner quel billet de ce blog a reçu depuis sa publication (et reçoit encore quotidiennement) le plus grand nombre de visites?
Celui-ci.

Il y a plusieurs leçons à en tirer.
D’une part, cela confirme ce que nous savions déjà: que le sérieux et la pertinence des études prévisionnelles de l'Institut Tororo sont unanimement reconnus dans le monde entier.
Cela confirme accessoirement que, la plupart du temps, la lecture des statistiques sert essentiellement à nous conforter dans nos convictions; mais est-il utile de s'étendre sur ce point?

D'autre part, cela nous rappelle qu'un blogueur averti anticipe les attentes de son public; je me dois donc de vous régaler (chers lecteurs), d'une nouvelle étude de tendances, en accord avec la saison.


L’écharpe en pashmina, c’est so 2000!

L'accessoire qui en 2015 s'accordera avec toutes vos tenues, c'est 
la chèvre sans cornes.
Toutes vos tenues? Oui, toutes! Des plus bohèmes...


... aux plus classiques.


Aux toilettes estivales même les plus succinctes,
la chèvre sans cornes apporte une touche de raffinement,
et ceci depuis la plus haute antiquité.


Si quelqu'un vous dit perfidement:
La chèvre sans cornes? Mais c'est pour les mémés! 
faites comme Quvenzhane Wallis, répondez-lui
Mêêêêêêêêê!


Mais attention: exigez la véritable chèvre sans cornes, 
et prenez exemple sur leur héroïne, Holly Ann: 
voyez comme elle la porte 
avec assurance et simplicité.


Où la trouver? Mais dans toutes les bonnes librairies bien sûr.

Je sens cependant qu'une question vous brûle les lèvres: 
et Felicia Day, que pense-t-elle de tout ça?
Hé bien, lorsqu'elle a pris connaissance de cette étude prévisionnelle, elle a eu exactement la même réaction que moi.

La phrase du jour: You're never weird on the internet (almost)

Ue réaction très saine, et parfaitement justifiée, 
si vous voulez mon avis.
Je vous laisse, j’ai, moi aussi, encore un petit creux 
(hé oui: bloguer, ça creuse).


Holly Ann, tome 1: La chèvre sans cornes 
est un album de Toussaint (scénario) et Servain (dessin), 
paru chez Casterman en 2015.
Vous pouvez en lire quelques pages en preview ici!

Les images du jour 
sont © photographes anonymes, Vogue, Casterman et Felicia Day.

lundi 13 juillet 2015

Fare thee well



Cette année, sous les lampions du 14 Juillet, 
la voix de Guy Piérauld ne percera pas le brouhaha pour demander à Elmer Fudd s'il y a du neuf. Y en aura-t-il seulement, du brouhaha? Nous n’aurons pas l’occasion cette fois de faire tinter nos verres contre celui de Gudule, et pas davantage contre celui de Tanith Lee, de Christopher Lee, de Jean Vautrin, de Patrick MacNee, d’Alain Nadaud, de Laura Antonelli, de Magali Noël, ou d’Eddy Louiss. 
Quant au Grateful Dead, s’il a ressuscité le temps de trois derniers concerts, ce fut pour annoncer que désormais il allait rester mort. 

Ce sera un 14 Juillet sans tintamarre. 
Nous lèverons nos verres en silence - pas très haut, embarrassés que nous serons de les lever dans le vide. 
Dans un silence pareil, le professeur Choron, s’il était encore là, n’aurait pas manqué de lâcher une belle grosse incongruité: c’est dans ces moments-là que son absence se fait sentir,
 et celle de Reiser, et celle de Gébé,
et celle de Fred, et celle
 de tous les autres. 
Alors, derrière nous, il y aura quelqu’un qui dira:
Fare thee well.

lundi 29 juin 2015

How to train your Wendigo


Tout ce que vous avez besoin de savoir sur les Wendigos, 
leurs besoins nutritionnels aussi bien qu'émotionnels
(ainsi que sur les menaces qui pèsent actuellement 
sur leur écosystème) se trouve, comme toujours, 
sur le tumblr d'Algésiras.



Adoptez le Wendigo! 
Ou du moins, allez lui témoigner un peu
d'amour: dans la conjoncture présente, 
ne pas le faire, ne serait-ce pas un peu rude?
Songez-y.


Illustration: dessin d'Algésiras (2015)

lundi 25 mai 2015

Sale temps pour les Pères Noëls


Gudule ne l'avait pas manqué, le Père Noël.


Pourtant, nous, elle va nous manquer, 


mercredi 20 mai 2015

Douceur de velours


O douceur du reblogage!
Oh que c’est reposant de rebloguer les blogueries d’autres blogueurs, au lieu d’en écrire de son cru! 
Je crois que si je me laissais aller, 
je continuerais comme ça. 
Jusqu'à présent, je me suis réfugié derrière un prétexte classique: 
pas de temps pas de temps pas de temps! 
Mais le temps a la fâcheuse manie de repousser, il repousse aussi touffu qu’avant même là où on l’a mis en coupe réglée, où on l’a surexploité jusqu'au malaise comme une forêt exotique…  
Déjà beaucoup de temps a poussé entre ce billet et le précédent, et bientôt il me faudra trouver un autre prétexte… lequel... voyons...
  
Voyons? J'ai dit voyons? 
Je sais! La fatigue oculaire.

J'en ai passé tant, de ce fameux temps, sur d'arides petits détails, qu'à présent les yeux me brûlent: il serait imprudent que je m'attarde davantage devant un écran. Voilà!

Bien, maintenant que je tiens un prétexte pour laisser ce blog en l'état, je peux, la conscience en repos, aller voir ce qui s’est publié ailleurs, par exemple chez Florizelle

Enfer et damnation! 
En un instant mon opportune fatigue oculaire s'envole: 
la propriétaire du Divan Fumoir Bohémien vient - sans le faire exprès, je veux le croire - de me priver de mon meilleur argument pour continuer à ne rien faire, en consacrant sa dernière note à une artiste un peu tombée dans l’obscurité, mais qui de son vivant, sans le moindre doute, gagnait à être connue.
Une miniaturiste. 
Elle s'appelait Sarah Goodrich, ou peut-être Goodridge, car, d'une humble origine, elle-même n'était pas très sûre de la façon dont on écrivait son nom.
Allez lire son histoire chez Florizelle. 
Et passez le temps qu'il faudra devant la petite boite qui abrite depuis deux cents ans un de ses petits  secrets.



Une boite de cuir rouge, un nid de velours blanc, deux pouces cinq huitièmes sur trois pouces un huitième: huit centimètres dans la plus grande dimension. il y a quatre centimètres entre ces deux petites roses. Si vous allez le voir sur le site du Met qui en a généreusement mis en ligne une version en haute définition vous pourrez zoomer jusqu’à apprécier le rendu du grain de la peau.


Je n’ai pas exagéré, j’avais vraiment les yeux fatigués 
quand j’ai affiché ce dernier billet de Florizelle, 
mais voilà qu'ils se sentent déjà 
beaucoup mieux.



Autoportrait, par Sarah Goodridge,
Réserves du Metropolitan Museum of Art, New York

vendredi 1 mai 2015

A page blanche, muguet bleu


La photo postée hier, si vous zoomiez dessus, vous pouviez y lire du Pessoa et c'était déjà très bien; sur celle que j'ai, aujourd'hui, empruntée au délicieux blog de Terri Windling, c'est encore mieux: sur les pages du petit carnet à spirale qu'elle a posé parmi les jacinthes des bois (que quelques-uns appellent muguet bleu), elle a laissé tout plein d'espace blanc,


vous n'aurez qu'à plisser un peu les yeux pour imaginer tout ce qui vous passera par la tête.


Photo © Terri Windling

jeudi 30 avril 2015

Pâquerettes


Votre intuition dit vrai, chers lecteurs: le mois d’Avril n’a pas été très favorable au blogage pour votre ami Tororo. 
Pour ne pas laisser la place refroidir, permettez-moi, aujourd'hui, de simplement rebloger une photo jolie comme tout:


elle est de François Matton, dont le blog est, 
pour le dire en peu de mots, 
trop trop bien.
Et faites comme François Matton:  profitez bien du beau temps!


Photo © François Matton.

jeudi 19 mars 2015

Exagérations


Parmi les écrivains post-exotiques, il en est dont l'existence n'est attestée que par les mentions plus ou moins obliques qu'en ont fait d'autres écrivains post-exotiques: ainsi Bogdan Schlumm.
Son nom ne figure pas dans l'inventaire fragmentaire de dissidents décédés, dans la leçon 1 du manuel Le post-exotisme en dix leçons; tandis que, s'il apparaît dans la bibliographie de 343 titres qui est le sujet de la leçon 10 du même ouvrage, ce n'est pas dans la liste des auteurs mais dans celle des titres d'ouvrages (le n° 27: Schlumm appelle Tassili, attribué à Wolfgang Gardel). Les autres sources qui mentionnent le nom de Schlumm sont encore plus incertaines, et rien ne permet de dissiper le doute: concernent-elles bien  Bogdan Schlumm, ou  Abram Schlumm? Tarchal Schlumm? Ingo Schlumm? ou encore Djonny Schlumm?  Le désir de reconnaissance qui aurait, suppose-t-on, habité le douteux Bogdan Schlumm n'en paraîtrait (s'il était confirmé) que plus pathétique.

Nulle part dans le monde n'ont été représentées intégralement et simultanément les sept saynètes de Bogdan Schlumm. Celui-ci, pendant une période de son séjour au pavillon Zenfl,  s'est ingénié à nous faire croire qu'une troupe d'amateurs de Singapour, le Baba et Nyonya Theater, jouait régulièrement, le deuxième dimanche de chaque mois de novembre, les Sept Piécettes bardiques dans leur forme polyphonique la plus radicale. Selon les dires de Bogdan Schlumm, le public asiatique venait assister à ces représentations en réservant des places depuis Sydney, Hong Kong ou Nagasaki, avec ce même enthousiasme qui pousse les fanatiques d'opéra chinois à traverser le globe pour aller écouter l'intégrale en cinquante-cinq actes du Pavillon aux pivoines. Renseignements pris, cette histoire de Singapour reflète surtout les désirs refoulés de Bogdan Schlumm, ses risibles songeries de gloire à grande échelle, en pleine contradiction avec ses discours hostiles au star system. En réalité, Schlumm exagérait les faits d'une manière éhontée. Le Baba and Nyonya Theater a donné une fois une piécette bardique, Baroud d'honneur avant le Bardo
La salle étant restée vide jusqu'à la fin, les comédiens ont décidé d'annuler la deuxième séance, qui était programmée pour le lendemain.

Bardo or not Bardo, Seuil, 2004
ISBN 2 02 062854 6



J'y pense: c'est l'occasion de faire un petit clin d'œil 
aux chats qui, l'autre jour, sont allés au théâtre

vendredi 13 mars 2015

Tiffany’s heart is aching




When I was a young boy, 
playing on the floor of my grandmother's 
front room, 
I glanced up at the television 

and saw Death, 



talking to a knight.

I didn't know much about death at that point. 
It was the thing that happened to ­budgerigars 
and hamsters. 
But it was Death, with a scythe and 
an amiable manner. 
I didn't know it at the time, of course, 
but I had just watched a clip from Ingmar Bergman's 
The Seventh Seal, wherein the knight 
engages in protracted dialogue, 
and of course the ­famous chess game, 
with the Grim Reaper who, it seemed to me, 
did not seem so terribly grim.

Quand j'étais petit, un jour que je jouais par terre dans la salle à manger de ma grand-mère, j'ai levé les yeux vers la télé et j'ai vu la Mort, en train de discuter avec un chevalier. A cet âge-là, la mort, ça ne me disait rien en particulier. J'avais constaté que c'était une chose qui pouvait arriver aux perruches et aux hamsters.
Mais là, c'était la Mort avec un grand M, une grande faux et des manières suaves. Je venais de voir une séquence du film de Bergman - ça non plus ça ne me disait rien à l'époque - Le Septième Sceau, celle dans laquelle le chevalier entame sa longue conversation - et sa partie d'échecs - avec la Mort, qui n'a pas l'air si effrayante que ça, ou du moins, c'est ce qu'il m'a semblé.


conférence donnée à la BBC, 1° février 2010

mercredi 11 mars 2015

Foto Splendid


Ce portrait sous verre, je l’ai encore très présent à l’esprit, et l’image, certes, a subi ensuite des dégradations, elle s’est craquelée et usée sous les regards et sous la neige, des mains boueuses l’ont tenue, des lampes de poche et des allumettes se sont allumées au-dessus d’elle, des pouces ont posé sur elle leur empreinte, mainte fois le vent l’a froissée et cornée, mais il suffit que je l’invoque telle qu’elle était à cette minute-là, sur le lit, à côté de ma main qui saignait, pour qu’aussitôt elle ressuscite, d’excellente qualité, indégradable, au contraire de tant d’autres objets et de tant d’autres êtres qui ont sans remède pourri dans ma mémoire.

Antoine Volodine,
Gallimard, 1997



Successivement, Eva Truffaut (Archives et Mythologies des lucioles) et Florizelle (Le divan fumoir bohémien) - deux blogs que je suis depuis longtemps - ont consacré, ces derniers mois, des billets à un projet au nom étrange: 
Collecția Costică Acsinte.

Sous ce titre, des photos, étranges aussi, des photos d’étrangers, de gens destinés à disparaître, qui avaient déjà à moitié disparu. Des images qui donnaient l'impression d'être en train de s'effacer sous nos yeux, c'était la première chose qu'on remarquait, ça les rendait encore plus fascinantes, certaines l'étaient au point qu'avant de lire la légende qui les accompagnait - je n'arrivais pas à quitter les photos des yeux, au point d'en oublier de lire ce qu'il y avait dessous - j’ai d’abord soupçonné qu’il s’agissait du travail d’un photographe contemporain, d’une recherche sur des techniques de tirage tombées en désuétude (comme celles qu'expérimente inlassablement Susan Hayek-Kent), peut-être? ou avec des objectifs anciens, comme en utilise Keith Carter? ou alors, que les images avaient été modifiées digitalement (je ne cherche pas d'exemple, il y en a trop)? ou qu'il s'agissait de collages et d'altérations, un peu dans l'esprit de ceux de Katrien de Blauwer?





Mais non, l'explication est toute simple: Florizelle nous la donne:
Dans le petit musée ethnographique du Județ  (juridiction) de Ialomita dans le sud-est de la Roumanie, des cartons de plaques photographiques prenaient la poussière jusqu'au jour où  ils attirèrent l’œil de Cezar Popescu  : il n'eut alors de cesse de convaincre les responsables du musée de les lui confier pour les préserver d'une destruction irrémédiable. Depuis novembre 2013,  il consacre son temps à restaurer et digitaliser les portraits individuels et collectifs que  Costică Acsinte (1897-1984) prit dans et à l'extérieur de son studio du centre de Slobozia „Foto Splendid Acsinte“,  de 1930 à 1960.

C’est normal, 
tout est normal, 
c’est ça que le temps fait 
aux visages.


Le site du projet "Collecția Costică Acsinte" est ici
le blog et le site personnel de Cezar Popescu sont .





J’avais épuisé ma réserve d’allumettes. 
Je ne voyais plus la photographie. 
Ma paume, que le verre avait 
entamée tout à l’heure, continuait 
à saigner dans le noir.

Gallimard, 1997

mardi 10 mars 2015

Prochainement


J'en ai déjà parlé, ici, et , mais 
au cas où votre mémoire vous jouerait des tours
(ça m'arrive bien, à moi!), 
je vous le rappelle:


ont reçu les premiers exemplaires, juste sortis des presses, 
des versions papier de leurs webcomics respectifs:



Ces deux albums seront, l'un et l'autre, bientôt disponibles!
Nimona chez Harper Collins!
Bon, il vous faudra attendre avril 
pour lire le premier, 
et mai pour le second,
mais ce sont tout de même de bonnes nouvelles, 
non?

Les bonnes nouvelles, 
il faut se jeter dessus quand il y en a, 
ce n'est pas comme s'il y en avait tous les jours.



Photos empruntées aux blogs de 

lundi 9 mars 2015

Rêve en couleurs Pantone et lettrage Comic Sans



Au moment où je me couche, 
je ne m’endors pas tout d’un coup, 
mais par petites étapes: ces quelque secondes d’activité onirique ne produisent tout d’abord que des scènes désespérément prosaïques.

Je gribouille quelque chose dans les marges d’un livre.
Puis j’ouvre les yeux, à demi-réveillé.

J’ai à peine réalisé que je suis dans mon lit,
voilà que je dois me concentrer sur une tâche délicate: épingler au revers de mon veston le petit insigne doré des donneurs de sang.
Le vent souffle si fort qu'il rend difficile cette action pourtant simple. 

Je m’éveille à nouveau à demi. 

Enfin je m’enfonce dans l’obscurité du premier sommeil. 
Je ne sais pas ce que je deviens à ce moment là.

Peu à peu, tandis qu’au-dehors la lune chemine,
les lumières du rêve s’allument,
jusqu’à ce qu’enfin le sommeil de l’aube sorte du four la spécialité qu’il a mitonnée toute la nuit,  une pièce montée cascadant d’images brillamment colorées. 
Je suis l’un des deux sidekicks de quelque 
justicier masqué. 
À nous trois, nous exécutons la parade qui va réduire à néant le plan machiavélique de notre arch-Némésis: il s’agit de transporter 
jusqu’au cœur de son repaire des armes d’une grande sophistication, des sortes de disques 
(du diamètre d’une roue de camion) 
pourvu d’un de ces dispositifs anti-gravité dont les auteurs de comics gardent jalousement le secret, il suffira de leur donner une petite impulsion initiale et ils s’élèveront, animés d’un mouvement de rotation qui ira s’accélérant et décrivant des trajectoires elliptiques,
leur bord tranchant découpera comme du beurre les structures, tuyaux, câbles, pylônes, de la machinerie infernale. 
C’est une entreprise délicate, car ces armes ne sont pas sans danger pour celui qui les utilise et de surcroît quand elles sont lancées il n’y a aucun moyen de les arrêter: c’est le principe même de 
l’arme du jugement dernier 
(pour les détails, voir Docteur Folamour).
Mais le super-méchant que nous combattons a lui aussi élaboré en secret une riposte: 
tandis que nous progressons difficilement par couloirs et passerelles en tenant nos armes fatales à bout de bras comme de géantes pizzas, nous l’apprenons par les lunettes-écrans incorporées à nos masques 
de super-héros:
il a entrepris de ruiner la popularité de notre 
super-team!
... les bulletins d’actualité que nous recevons montrent notre ennemi en train de raconter à de jeunes membres de notre fan-club d'horribles calomnies sur notre équipe. 
N’y a-t-il pas là de quoi nous déstabiliser
au point de nous faire perdre le sens de l’équilibre?
Heureusement que je me réveille
avant d’avoir lâché ma pizza.