lundi 11 novembre 2024

Victoire

Elle était née le 11 novembre 1918; aussi ses parents n'avaient pas hésité longtemps avant de lui trouver un prénom: elle s'appellerait Victoire. Elle n'a pas vécu tout à fait cent ans, mais presque, et n'a pas laissé de trace dans l'Histoire. Qui se souvient d'elle? Moi. Je me souviens de son sourire, de son regard resté malicieux jusqu'à la fin. C'est aujourd'hui ton anniversaire, Victoire.


dimanche 10 novembre 2024

Une affaire à régler


Les personnages des romans en savent parfois plus long, sur les romanciers qui les ont imaginés, que ces romanciers eux-mêmes. Et il n'est pas sans exemple qu'ils aient eu, davantage que ceux-ci, le souci de leurs intérêts.
Voyez Simon Tanner, désigné dès le premier roman de Robert Walser comme exécuteur testamentaire d'un jeune poète que le froid devait mettre encore cinquante ans à tuer.

Le troisième jour le conduisit dans une ville imposante et belle où il  n'avait qu'une affaire à régler: trouver un rédacteur  auquel il pût  remettre les poèmes de Sebastian.  
Arrivé devant la maison qu'on lui avait indiquée, 
il pensa brusquement qu'il ne serait pas très malin d'apporter lui-même les poèmes de quelqu'un  qu'il avait trouvé mort. 
Il écrivit donc sur la couverture du cahier bleu 
ce titre: 
Poèmes d'un jeune homme trouvé mort de froid 
dans une forêt de sapins, 
aux fins de publication, si possible
et il jeta le cahier dans la grande boîte aux lettres prétentieuse, 
où il tomba bruyamment. 
Cette chose faite, Simon reprit sa route.

Les enfants Tanner (1907) 
traduit par Jean Launay 
Gallimard, Du Monde entier 1985
Gallimard,  Folio n° 2380 1992

mercredi 6 novembre 2024

Douche froide au réveil

Cette nuit, je me suis couché tard, après avoir écouté d'une oreille (de l'autre, je feuilletais un livre que je prévoyais de lire bientôt) les informations: la compétition entre candidats à la Maison Blanche promettait d'être "serrée",  à ce que disaient les journalistes.
Endormi tard, donc, je me suis éveillé tôt, avec le souvenir d'un rêve bizarre, plus bizarre que d'habitude, quasiment un cauchemar (je fais très rarement de vrais cauchemars; mais ce rêve-ci avait quelque chose de... kafkaïen, voilà le mot que je cherchais).
Au début du rêve il y avait eu des rumeurs au sujet d'un scrutin dont la date approchait: je ne m'y intéressais pas particulièrement, je ne faisais pas partie de l'électorat concerné - ça devait se passer dans une autre circonscription, ou un autre département, peut-être même un autre pays - allez donc comprendre quelque chose à la géographie des rêves!
Plus la nuit avançait, plus je rencontrais de gens qui, eux, se sentaient préoccupés par cette échéance, et m'en parlaient avec chaleur. Jusqu'à ce que quelqu'un me demande carrément: mais pourquoi ne vas-tu pas voter? Mais... mais... était tout ce que je trouvais à répondre. Mais rien du tout, me répondait-on, tu as qualité pour voter, tu ne te souviens pas? Tout ce que tu as à faire est te présenter au plus proche bureau de vote. Pourquoi pas, me disais-je; un  bureau de vote, ce n'est pas difficile à trouver, il doit y avoir des panneaux, des affiches. Pas de panneaux, pas d'affiches; je cherche quelqu'un à qui demander mon chemin, je ne rencontre qu'un vieillard pas bavard, qui m'indique du doigt une direction. Une grande porte: ce doit être là. Derrière la porte, une grande salle, pas de scrutateurs, pas d'urnes: une foule compacte d'êtres hybrides, de sortes d'animaux sur leurs pattes de derrière (peut-être des masques, ou des automates?), qui s'agitent en faisant des gestes incompréhensibles. Il y a dans un coin un escalier: le bureau est peut-être à l'étage? Je monte quatre à quatre, ça devient urgent, quelque chose me dit que l'heure de la clôture approche!  En haut, une autre grande salle, celle-ci presque vide: le long des murs, une procession d'autres êtres hybrides, encore plus caricaturaux que les précédents - on dirait de grands moutons maigres - qui se livrent à une sorte de pantomime, à la queue-le-leu, ils secouent gravement la tête, impossible d'en obtenir une réponse. Je redescends, l'escalier s'est considérablement dégradé, il semble plus étroit aussi, des décombres partout, les marches craquent. La pièce du bas s'est vidée, elle aussi semble tomber en ruine, une seule personne à qui demander mon chemin, une chose contrefaite à la tête porcine, qui ne me répond que par des ricanements. Fichtre, j'ai bien l'impression que l'élection va se faire sans moi est ma dernière pensée avant mon réveil.


Douche froide, disais-je en commençant; j'ouvre la fenêtre (je dois sortir sans trop attendre, c'est l'heure où s'ouvre le marché et je n'aime pas en manquer le début, après il y a trop de monde); dehors il pleut, il fait froid. 


lundi 4 novembre 2024

Comme un trou dans un paysage

 Les Frères Hildebrandt font depuis si longtemps partie du paysage de la Fantasy que je les imaginais vivant hors du temps, dans quelque trou de Hobbit équitablement partagé et astucieusement aménagé (un tabouret pour Tim, un tabouret pour Greg, et, sur une très grande table, assez de godets et de pots à pinceaux pour soixante personnes - ils travaillaient "à l'ancienne"). Je viens seulement de réaliser, avec un certain retard (quatre jours, ou dix-huit ans, selon la perspective qu'on adopte) en lisant le blog d'imaginos, qu'ils n'étaient ni si inséparables ni si inaltérables que ça.

Ainsi parla Imaginos:

"L’illustrateur Greg Hildebrandt,
bien connu pour ses œuvres (seul ou avec son frère Tim)
dans le domaine de la fantasy,
mais qui illustra également (entre autres)
la jaquette de l’album Mob Rules de Black Sabbath,
est mort hier (31 octobre),
plus de dix-huit ans après son jumeau.
Il avait 85 ans."

Hé oui, c'est eux deux qui ont fait ça.

 image © Greg et Tim Hildebrandt (et la Force sait combien d'autres copyrigh-holders)

 

vendredi 1 novembre 2024

Changeons-nous, nous aussi?

Changement d'heure, changement de mois... changement aussi à la galerie Martel; c'est vrai, je ne vous avais pas signalé (ces derniers temps, je n'avais pas la tête à ça) cette exposition Miles Hyman (Ephemeria I, du 4 octobre au 2 novembre 2024): si vous ne l'aviez pas déjà trouvée tout seuls, il ne vous reste que ce week-end pour la voir!
À partir de la semaine prochaine (et jusqu'en janvier: ça vous laisse du temps) c'est Emil Ferris qui remplace Miles Hyman; vernissage jeudi 7 novembre à 18 heures en présence de l’artiste. Elle, ce qu'elle aime, c'est les monstres: son "Livre Deuxième" vient de sortir aux éditions de  Monsieur Toussaint Louverture.
Non, je n'ai pas d'actions de la galerie Martel; il se trouve qu'ils font toute l'année des expositions qui m'intéressent, je n'y suis pour rien!

MARTEL PARIS, 17 rue Martel - 75010 Paris, France

vendredi 25 octobre 2024

L'appétit d'Octobre n'est pas encore rassasié, bis

 L'appétit manifesté par ce mois d'octobre n'aurait pas dû me surprendre.
Comment ai-je pu oublier que c'est le 25 octobre qu'est célébrée (depuis 1995) la Journée Mondiale des pâtes?

Un bon plat de pâtes, c'est l'entrée idéale avant un bon repas, ça ouvre l'appétit comme jamais. Profitez bien de cette journée mondiale!

video © Nature's Fantastic

samedi 12 octobre 2024

L'appétit d'Octobre n'est pas encore rassasié

 Robert Coover, un écrivain costaud, vient de mourir à quatre-vingt douze ans. Il y a sept ans, il étonnait encore le monde des lettres américaines en publiant Huck Out West, une suite aux Aventures d'Hucleberry Finn, désormais non plus sur le Mississipi mais dans l'Ouest lointain et sauvage; on y constate qu'à l'âge adulte Huck n'était pas tout à fait réconcilié avec l'orthographe et la syntaxe. Deux constantes dans l'œuvre de Coover: il aimait bien revisiter les classiques et y malmener un peu la langue (ainsi que quelques autres parties du corps). J'ai justement sous la main son Pinocchio à Venise, où il applique au personnage de Collodi le même traitement qu'à celui de Mark Twain (peut-être même en plus méchant); vous aimeriez peut-être que je vous en parle? Non, vous êtes sûrs?
Edwin Turner se souvient de lui avec émotion et résume sa bibliographie en quelques paragraphes.

Et ça n'a pas suffi à Octobre, qui voulait aussi Claude Lapointe, dessinateur bien nommé car pointu du crayon. Sa spécialité: l'illustration de livres pour enfants (mais pas que).
Lauréat du Bretzel d'or, il a illustré Pierre Gripari, Dino Buzzati, Louis Pergaud, Mark Twain (tiens?) et Michel Tournier; ses dessins s'entendaient bien avec des textes à l'humour un peu décalé. Je me demande comment il aurait illustré Pinocchio à Venise? 

 

Robert Coover, 1932-2024
Claude Lapointe, 1938-2024

 

mardi 8 octobre 2024

Octobre, à quand la fête?

"Oublie que t'as aucune chance, vas y fonce.
On sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher".

Octobre est pressé: dès les premiers jours, il s'approprie Pierre Christin et Michel Blanc, qui n'avaient en commun que le désir de distraire leur public du mieux qu'ils pouvaient. Octobre, dirait-on, s'ennuie déjà, il semble avide de distractions et de menus plaisirs. On se demande, un peu inquiet, quelles friandises il réclamera pour Hallowe'en?

Pierre Christin 1938-2024
Michel Blanc 1952-2024

mercredi 2 octobre 2024

Une Dame est une Dame est une Dame

 Pour se démarquer de son prédécesseur Août, qui avait préempté le large sourire chaleureux de Gena Rowlands, c'est l'aristocratique sourire pincé de Maggie Smith (plus dissuasif que l'exhibition d'une rangée de dents de requin pour faire barrage à toute contradiction, comme le démontra Dame Maggie dans plus d'un rôle mémorable) que Septembre a choisi de figer pour la postérité.

Maggie Smith, 1934-2024

 

jeudi 26 septembre 2024

Un duché en déshérence


Crad Kilodney était un aristocrate à l'ancienne mode. 
Enfin… il appartenait à l'aristocratie de l'Amérique du Nord, continent où les modes changent souvent, alors, à présent, "aristocrate à l'ancienne mode" ne veut peut-être déjà plus dire grand' chose. 
En son duché de Sherbourne (sur lequel il est inutile de chercher des précisions dans le Domesday's Book ou dans Burke's Peerage and Baronetage), on pouvait le rencontrer, à la fin du siècle dernier, au bord d'un trottoir, proposant aux passants - pour pas cher - les petits bouquins ("pamphlets", comme disent les Nord-Américains) qu'il écrivait, imprimait et brochait lui-même, et auxquels il donnait des titres engageants, comme, par exemple, Simple Stories For Idiots. Certains de ces pamphlets peuvent se retrouver dans leur édition originale sur AbeBooks, où l'on vous en demandera bon-bon. Vous ne pourrez pas en faire l'acquisition à meilleur prix, vous n'êtes pas pour ça au bon endroit au bon moment: ça vous fait un point commun avec Crad Kilodney, qui fut toute sa vie en décalage avec l'espace, le temps et le milieu littéraire. Si Crad Kilodney était encore parmi nous, postant sur Twitter, sur Instagram ou sur TikTok, il serait peut-être devenu un influenceur qui lancerait des modes, qui sait?

Crad Kilodney, duc de Sherbourne, en son fief

 

Mais il est parti, en laissant sans héritier son duché des trottoirs de Toronto, Ontario (vous l'avez compris - ou pas - Sherbourne, c'est le quartier dont il battait le pavé, et dont, de sa propre autorité, il s'était intitulé duc).

De 1978 à 1992, il imprima 32 de ces petits formats, de très courts romans ou des recueils de nouvelles, auxquels s'ajoutèrent quelques volumes chez des éditeurs tout petits, certes, mais ayant pignon sur rue comme des grands: Black Moss Press, Virago Press, Coach House Press...
On raconte que les deux derniers parus, chez Black Moss Press: Malignant Humours et Girl On The Subway and other stories, seraient encore disponibles chez des libraires américains - il faut bien les chercher. De 1995 à son départ en 2014 pour une destination tellement exotique que plus exotique que ça, tu meurs, il tint un blog, dont les archives lui survivent grâce à son amie Lorette Luzajic.

Dans un de ses derniers messages, il adressait un clin d'œil à ses (rares) lecteurs français: "My French book, Villes Bigrement Exotiques, is still in print".

Pour les lecteurs francophones, sa bibliographie est très brève:

- d'abord, un guide bigrement recommandable*: Villes Bigrement Exotiques, édité par Le Dilettante, 2012
ISBN: 978-2-84263-709-5

- ensuite, le posthume Crad Kilodney: Trois contesédité par Cormor en Nuptial, 2019

Précisions pour les bibliophiles : ce petit livre de 64 pages, réalisé avec soin (couverture illustrée à rabats, reliure en cahiers cousus) peut être commandé en librairie ou bien en envoyant directement 15 euros (port inclus) à l'éditeur :
Cormor en Nuptial Editions
27 Rue Saint-Martin
B-5060 Tamines (Belgique)
Contact par e-mail : cormorennuptial@gmail.com


*Note pour les curieux insatiables: peut-être vous arrive-t-il de penser, comme Lewis Carroll: Les gens qui n'existent pas sont tellement plus gentils que les gens qui existent! Jamais ils ne vous contredisent, jamais ils ne vous marchent sur les pieds, jamais ils ne viennent boire votre tasse de thé! Alors, vous apprécierez davantage les villes qu'Arnaud Maisetti propose à ses lecteurs de visiter avec lui. Lesquelles? Celles qui n'existent pas.

lundi 23 septembre 2024

Tonnerres lointains

 Hé bien voilà, l'automne est arrivé; le premier jour est passé sans amener beaucoup de changements, il pleut, il tonne.
La pluie tombe tout près, le tonnerre tombe loin.

 

jeudi 19 septembre 2024

... car le royaume des chats leur appartient

 Toujours à l'affût de nouveautés, le vigilant John Coulthart (sur son blog feuilleton), nous  signale un billet de Kirsten Tambling qui a un rapport pas si lointain avec le "spécial chats" de  Métal Hurlant: la vie et l'œuvre de Gottfried Mind, le Raphaël des Chats.

Un personnage qu'on pourrait croire sorti d'une œuvre de fiction, de Dickens par exemple, ou de Lemony Snicket... s'il s'agissait d'un personnage fictif. Mais non, il a vraiment vécu, et a connu toutes les difficultés de la vie, entre une enfance misérable et une fin précoce. Entre-temps, il a dessiné, gravé et peint des chats. C'était sa principale activité, la seule pour laquelle il fut apprécié de son vivant et celle pour laquelle on se souvient de lui.

chatte et ses petits, par Gottfried Mind

Ceux de ses contemporains qui parlaient de ses œuvres avec enthousiasme, comme le riche collectionneur britannique George Fairholme ou le critique et polygraphe français Champfleury, ne manquaient pas de s'émerveiller qu'un si brillant peintre animalier fût aussi "un imbécile atteint de crétinisme", ou plus simplement un crétin (le portrait de Mind à sa table à dessin, sous le regard bienveillant d'un chat,  reproduit en tête d'un des rares recueils qui ont été consacrés à ses gravures est accompagné de cette légende lapidaire: "Geofroi Mind, crétin"). Rien là de surprenant, à une époque où la plupart des conditions qui relèvent aujourd'hui de la psychiatrie ou de la neurologie étaient regroupées, par les scientifiques qui étudiaient les lunatiques et autres aliénés, sous l'appellation d'idiotie (sous-catégories: imbécilité, crétinisme): c'était un diagnostic, pas une invective. Pour situer cette apparente bizarrerie dans son époque, Kirsten Tambling évoque aussi la fascination du dix-neuvième siècle pour les aspects paradoxaux du génie: sa proximité avec la folie, le délire, la perte de contact avec la réalité, sujets ô combien romantiques! Aussi personne ne contesta à Mind le titre à lui décerné par Fairholme de Raphaël des Chats.
Les chats classent les humains selon d'autres critères: une humeur égale, une odeur plaisante, l'aptitude à ne pas bouger quand on s'endort sur leurs épaules, leurs genoux ou dans leurs bras (Mind possédait cette dernière qualité à un haut degré: il pouvait dessiner des heures durant avec deux ou trois chats étalés sur lui) sont considérées par les félins comme les signes non équivoques auxquels on reconnaît les humains d'exception (et franchement, à côté de ça, la faculté de concevoir une Théorie Unifiée du Tout, ça pèse quoi?). Peut-être mon opinion sur ce sujet est-elle en partie biaisée (car je me flatte de posséder moi aussi ces éminentes qualités), mais je suis enclin à me ranger à leur avis.

 

illustration: lithographie d'après une aquarelle de Gottfried Mind tirée de Les chats: histoire, moeurs, observations, anecdotes de Champfleury (1869)

vendredi 6 septembre 2024

Choses sérieuses

Les chefs d'État n'ont pas toujours les 18 Brumaire qu'ils voudraient bien avoir: parfois ils doivent se contenter d'une approximation douteuse:  par exemple un 5 septembre dangereusement proche du  4 septembre.
Toujours est-il que notre presque-président a déniché un premier ministre approximatif. Que va-t-il en faire? On aurait quelques raisons de s'inquiéter pour le bonhomme, ce garnement de président ayant l'habitude de casser ses jouets. 

Passons maintenant aux choses sérieuses:
Bon anniversaire China Miéville!
Bon anniversaire Donna Haraway!
Bon anniversaire Tony DiTerlizzi!

Oui, ils fêtent tous leur anniversaire le même jour: celui où on le souhaitait naguère au regretté Roland C. Wagner.
Ça a peut-être une signification cachée, mais laquelle?


samedi 31 août 2024

Gloria...

 Août n'a pas voulu écouter mes conseils, et a préféré imiter ses grands frères et leur fichue manie d'emporter des gens avec eux. Ça m'a perturbé, ces avis de décès qui s'empilaient; j'en ai oublié de souhaiter son 120ème anniversaire à Julio Cortazar (c'était pourtant simple de se rappeler la date, c'était le 24 août).
Gena Rowlands, Alain Delon et puis, comme ça ne suffisait pas, Atsuko Tanaka et Catherine Ribeiro.
Devinez les quel(les) me manquent le plus?


Gena Rowlands 1935-2024
Alain Delon 1930-2024
Atsuko Tanaka 1962-2024
Catherine Ribeiro 1941-2024

lundi 12 août 2024

Et tu étais toujours là, dans ces beaux souvenirs

 Les Perséides sont un essaim de météores (ou étoiles filantes) visible dans l'atmosphère terrestre, constitué de débris de la comète Swift-Tuttle et dont la taille est comprise entre celle d'un grain de sable et celle d'un petit pois. C'est wikipedia qui le dit, alors ça doit être comme ça: une pluie d'étoiles filantes, en vrai, c'est une pluie de grains de sable et de petits pois.
Ces météores sont observables lorsque les débris de Swift-Tuttle rencontrent l’atmosphère terrestre, soit à partir du 20 juillet environ jusqu’aux alentours du 25 août, avec un maximum habituellement situé entre les 11 et 15 août. La nuit la plus active de la pluie des Perséides est celle du 12 au 13 août de 2 à 5 heures du matin. 


Il y a... voyons... cinquante ans, ou pas loin, avec un groupe d'amis, nous avons décidé de veiller au grand air, tout la nuit s'il le fallait, pour voir passer ce nuage de poussières qui ressemblent tellement à des étoiles. Nous avons choisi une pente bien orientée au flanc d'une colline loin de toute pollution lumineuse et nous avons parlé de choses et d'autres, pour rester éveillés en attendant que pleuvent les petits pois (car le marchand de sable, lui, était déjà là). Pas étonnant que je ne me souvienne pas de ce que nous avons dit: une conversation comme on en a tous les jours, alors que c'est pour une nuit comme il n'y en a pas toutes les nuits que nous étions là.
Les personnes qui étaient avec moi, c'était qui, déjà?


Les noms, je les ai oubliés.


Sauf un.


Les plus attentifs d'entre vous à ce qui se passe sur internet ont déjà compris où je veux en venir. Comme vous, j'ai traîné sur Youtube où il est impossible de rater (il y en a partout) les trailers, les teasers, les commentaires de cette série animée dont le premier épisode montre une pluie de météores: Sousou no Frieren (un titre avec lequel les traducteurs on du mal: Frieren, après la fin du voyage; Frieren la fossoyeuse ...). Et, après ce que je viens de vous confier, vous ne serez pas surpris de l'apprendre: j'ai voulu voir ça de près, et, dès le premier épisode, j'ai été aspiré hors de notre réalité comme par un vortex spatio-temporel, et j'ai binge watché la suite. Vraiment, c'est un très chouette anime que vous pouvez, si vous êtes impatient, voir sur Crunchyroll (un site que, pour plusieurs raisons, je ne recommande pas vraiment, mais enfin bon, ils proposent des périodes d'essai gratuites, on peut avoir envie d'en profiter en attendant que ça sorte en DVD ou en Blu-ray). Vous pouvez aussi lire le manga (l'anime est adapté, plutôt fidèlement, d'un manga traduit en français par Ki-oon).

 

Cinquante ans, c'est long.

Je me demande si je ne devrais pas donner de mes nouvelles à cette personne dont je n'ai pas oublié le nom? Notre pluie d'étoiles filantes à nous, c'est maintenant.

 

image © Madhouse production

mardi 6 août 2024

Métal miaulant

Continupns à chercher si nous trouvons quelque part de bonnes nouvelles ...

Mais oui!

Métal Hurlant a sorti un hors-série spécial chats! Métal Hurlant a sorti un hors-série spécial chats! Métal Hurlant a sorti un hors-série spécial chats! Métal Hurlant...

Bon, vous allez sans doute me dire que c'est du réchauffé (financé en Février sur KKBB, le hors-série est sorti en Mai) et que c'est pas malin de réchauffer quelque chose en pleine canicule... mais justement, ce hors-série pourra servir à vos éventer, votre chat et vous, sur la chaise longue que vous partagez équitablement (je suppose)... 

 

dimanche 4 août 2024

Août, tu m'entends?

 Essayons de convaincre Août de nous réserver quelques bonnes surprises.

Voyons...  Les 17 et 18 Août il y aura un F'murrrstival à Champcella. La presse internationale n'en a pas beaucoup parlé (tous obsédés par les jeux olympiques!) mais j'ai lu ça sur le blog opératoire, le site d'Odrade. Il y aura des dessins de F'murrr et d'autres attractions! Toutes les animations sont gratuites sauf croque-bergers et buvette; paquets de chips en fonction des stocks disponibles.

C'est plutôt une bonne nouvelle, non? Tu vois, Août, c'est pas si difficie quand on veut.

samedi 3 août 2024

Mois moisi

 Décidément, Juillet n'a pas voulu partir sans emmener avec lui (dans ses derniers jours, je ne l'ai pas su tout de suite)  au moins encore deux personnes qui étaient pourtant bien à leur place parmi nous, même qu'on était bien contents quans ils publiaient quelque chose de nouveau: à deux jours dintervalle, André Juillard et Annie Le Brun.

Juillard,  je n'en doute pas un seul instant, vous avez déjà chez vous une bonne pile de ses BD, que vos préférences vous portent vers les chevaliers (-ères) masqués (-es) ferraillant contre des soudards sans foi ni loi ou vers les gentlemen fumeurs de pipe enclins à réfléchir longuement aux moyens de sauver le monde (avant de jaillir de leur fauteuil pour se jeter dans le feu de l'action); et s'il y a des vides dans votre pile, vous n'aurez pas de mal à les combler; à l'exception de quelques petits tirages, on trouve ses albums facilement.

Mais Annie Le Brun, êtes-vous sûrs de bien la connaître? C'est qu'elle en a écrit, des essais, un gros tas, et ils valent tous sans exception la peine d'être lus (bibliographie ici). Certains d'entre eux, vous aurez peut-être du mal à les trouver; hier j'ai demandé à un sympathique bouquiniste s'il en avait en rayons, il m'a répondu: c'est rare qu'on m'en apporte, des livres d'Annie Le Brun. Les gens, une fois qu'ils les ont achetés, ils les gardent

Je me permets de citer Frédéric Schifter, car il possède un vocabulaire plus étendu que le mien: Lâchez les poéteux, les philosopheux, les intellectuelleux. Lisez Annie Le Brun.

 

André Juillard, 1948-2024
Annie Le Brun, 1942-2024

 

vendredi 2 août 2024

Plusieurs femmes

Encore un mois mélancolique pour les cinéphiles, ce mois de juillet 2024.  Il y a neuf ans (comme le temps passe) nos amis de l'Œil des Chats, commentant ce billet, résumaient en ces termes la carrière de Ian Holm:

"Un acteur qui a incarné Raymond Poincaré, Napoléon, Himmler, Thénardier, Goebbels, Ponce Pilate et Jack l'éventreur ne peut pas être mauvais"…

 La carrière de Shelley Duvall fut sans doute moins variée que celle de Ian Holm - son physique a souvent encouragé les directeurs de casting (surtout ceux de la télévision) à la confiner dans le rôle de "la rigolote de service" - mais, comme Holm, mauvaise, elle ne l'a jamais été (n'en déplaise aux jurés des Razzie Awards): ni en Suzanne Davis (la Dulcinée malchanceuse de Brewster McCloud de Robert Altman), ni en Susan Frankenstein (la non-fiancée de Frankenweenie de Tim Burton), et son fameux physique rigolo, elle l'a assumé avec panache en enfilant les grandes godasses d'Olive Oyl auprès du Popeye  de Robert Altman (toujours!); dans deux rôles en particulier, celui de Wendy Torrance dans The Shining de Kubrick, et celui de Millie Lammoreaux dans Trois Femmes de Robert Altman (merci, décidément, Robert Altman!) elle brille d'un éclat singulier; qui d'autre aurait pu interpréter mieux qu'elle ces rôles de perdantes magnifiques?

Elle aussi brilla d'un éclat singulier, dans un autre univers: Cheng Pei-pei, l'Hirondelle d'or (dans Come drink with me, de King Hu, et dans Golden Swallow, de Chang Cheh), et surtout l'insaisissable Lady Hermit dans Les Griffes de Jade de Ho Meng-hua. Après ce film qui se termine sur une fin ouverte, elle tourna le dos à sa carrière d'actrice de wu xia pian, pour tenter d'autres expériences, avec des fortunes diverses; ainsi, le mystère de la Dame ermite, chasseresse amoureusement chassée, restera entier.

Shelley Duvall, 1949-2024
Cheng Pei-pei, 1946-2024

vendredi 19 juillet 2024

Le Docteur Mystère livre un diagnostic mi-figue, mi-raisin

 

— Pauvres gens, murmura-t-il, comme ils sont loin encore de la liberté!
Que de mensonges, de charlatanisme sont nécessaires pour les conduire à un esclavage moins dur!
  Puis, avec un geste brusque :
— À chaque jour suffit sa tâche.
Il faut des siècles à la Vérité pour éclater à la face du monde, et c'est la succession des tyrannies qui amène l'avènement de la Liberté. 

Paul d'Ivoi, Le Docteur Mystère, 1900

dimanche 14 juillet 2024

Juilletistes

 Juillet, mois chaud, mois où l'on danse! Avec la température qui grimpe, je comprendrais que vous attendiez une soirée fraîche pour vous mettre à danser et à chanter.


 

 

mardi 9 juillet 2024

Grand bazar

 Pendant la sieste de cet après-midi, un rêve bref: je suis dans la file d'attente devant les caisses (les caisses? personne n'a de panier; ne s'agirait-il pas plutôt de guichets d'entrée, si bizarre que ça paraisse?) d'une sorte d'immense supermarché. La file est longue, et il me faut un certain temps pour entendre ce qu'on demande aux premiers de la file, encore loin devant moi: leur pièce d'identité, et leur carte d'électeur! Et justement, je ne les ai pas sur moi (normal, j'étais seulement sorti pour faire des courses); voilà qui est embarrassant, que faire?

Mon subconscient essaie-t-il de me suggérer que nous n'en avons pas encore fini avec le grand bazar de la démocratie?

 

dimanche 7 juillet 2024

Soirée caresses

 Ce soir, George Bernard Shaw caresse sa barbe et sourit en silence; tout commentaire lui semble superflu. 

 

samedi 6 juillet 2024

Ne pas oublier

Dans un de ses derniers billets, David Madore s'interroge sur les choix qui nous sont permis (dans les circonstances que vous savez). Comme toujours, il ne ménage pas sa peine pour bien poser les problèmes (il n'est pas prof de maths pour rien); lisez son billet, c'est long et fertile en digressions mais c'est intéressant. Extrait mémorable:

J'aime bien dire qu'il y a deux erreurs dont il faut simultanément se garder en politique au sujet de la notion de "moindre mal" :
    la première est d'oublier que le moindre mal est moindre,
    la seconde est d'oublier que le moindre mal est un mal.

Incidemment, je crois qu'on va entendre  beaucoup de gens gloser, dans les jours qui viennent,  sur la notion de "moindre mal". 

 La réflexion que ça m'inspire (formulée avec moins de rigueur que celle de Madore):

Quand on a à choisir entre: le mal absolu, une brochette de moindres maux d'intensités variées et un moindre bien qui est tellement plus "moindre" que "bien" qu'on pourrait être tenté de le confondre avec un moindre mal, ça fait beaucoup plus de deux "erreurs dont il faut simultanément se garder" (si j'étais mathématicien, je dessinerais une arborescence), mais on devrait tout de même arriver à faire un choix, si on se concentre bien.

 

mercredi 26 juin 2024

Conjuration

 Le délai est court, c'est vrai. Mais vous avez encore le temps de rassembler une bonne quantité de pieux, d'en tailler soigneusement la pointe, et de vous munir d'un fort maillet pour en transpercer le cœur des cadavres que vont essayer de ranimer, dès dimanche prochain, les nécromants qui attendaient depuis longtemps une occasion d'agrandir leur empire de ténèbres.


vendredi 21 juin 2024

Un homme, une femme

 La probabilité qu'Anouk Aimée et Donald Sutherland partagent un jour le haut de l'affiche d'un film inscrit dans la course aux Oscars vient de tomber à zéro. C'est dommage, mais on peut se consoler avec les films qu'ils ont vraiment tournés pour de vrai.

Anouk Aimée, 1932-2024
Donald Sutherland, 1935-2024

 

 

 

mardi 18 juin 2024

L'homme du 18 juin

 De qui est-ce l'anniversaire aujourd'hui?

ERIC CHEVILLARD!

Bon anniversaire Éric Chevillard!
(psssst...    au cas ou vous ne sauriez pas comment le lui souhaiter:   il veut un train électrique).


vendredi 14 juin 2024

So it's June? QuIck, some news from July!

 Vous vous demandiez sûrement, depuis un certain temps: "Mais que devient Miranda July?"... n'est-ce pas?
Si vous vous intéressez à ce qu'elle fait (en ai-je parlé, par le passé, avec assez de chaleur pour vous en convaincre? dites-le moi, n'hésitez pas), vous savez comment elle procède (pour ses romans comme pour ses nouvelles ou ses scénarios): elle écrit quelque chose, puis fait un pas de côté. Puis encore quelque chose, et encore un pas de côté; à la fin, il a été question de beaucoup de choses, et on ne se retrouve pas forcément là où on s'attendait à aller.
Elle vient de publier un nouveau roman, All Fours, et c'est justement encore une histoire de pas de côté.
Sorti aux États-Unis il y a juste un mois, sa traduction en français n'est pas annoncée pour le moment. Mais si vous êtes impatient et polyglotte, en cherchant bien, vous devriez pouvoir le trouver; demandez-le, par exemple, à votre libraire. 

Miranda July: All Fours, A Novel
Penguin publishing, 2024

mercredi 12 juin 2024

... ou bien si peu de choses...

 La disparition de Françoise Hardy me rend plus triste que... bien des événements récents pourtant objectivement plus tristes. Étrange,  n'est-ce pas?

 

 

dimanche 9 juin 2024

Interprétation

 Quoi de particulier aujourd'hui? Au 9 Juin du calendrier vulgaire, correspond, dans le calendrier 'pataphysiqe, le 23 Merdre, que l'on consacre à l'Interprétation de l'Umour.

Quoi, vos aviez oublié que nous étions au mois de Merdre?  Si vous avez mauvaise mémoire,  notez dans votre agenda que vendredi prochain (le 23 Merdre, donc) ce sera le troisième anniversaire de l'admission d'Yves Frémion dans l'illustre corps des Régents du Collège de "Pataphysique. Une occasion de lever son verre, ça ne se rate pas.

 

dimanche 2 juin 2024

Des idées pour muser

 Juin fera-il un effort pour se distinguer de ses frères, en nous apportant, pour une fois, de bonnes nouvelles? Ma foi, si vos aimez les bandes dessinées, on peut appeler ça une bonne nouvelle: vous pourrez faire un tour au Centre Pompidou, vous aurez tout l'été (et tout l'automne) pour musarder devant les planches exposées, ou prendre des paris (par exemple: dans les soixante prochaines minutes, un.e activiste.e woke-e viendra-t-iel jeter de la peinture ou de la confiture sur un panneau? et sur lequel?) ou jouer à cache-cache et à chat perché dans les escaliers, les escalators et les ascenseurs (c'est un espace ludique, le Centre Pompidou). Car les bandes dessinées occuperont plusieurs niveaux - deux, en fait, l'accroche publicitaire "BD à tous les étages" enjolive un peu la réalité; mais tout de même, quel programme!

Avec l'exposition « La bande dessinée au Musée », Jean Dubuffet, Mark Rothko, Francis Picabia ou encore René Magritte croisent, en un jeu de correspondances, les auteurs et autrices David B., Lorenzo Mattotti, Catherine Meurisse, Joann Sfar ou Chris Ware — entre autres!




Au sixième niveau, galerie 2 (BANDE DESSINÉE 1964 - 2024), il y aura, classés par thèmes, des planches d'Alex Barbier, de Nina Bunjevac, Charles Burns, Daniel Clowes, Florence Cestac, Guido Crepax,  Robert Crumb, Ludovic Debeurme, Nicolas de Crécy, Brecht Evens, Emil Ferris, Anke Feuchtenberger, Fred, Dominique Goblet, Lorenzo Mattotti, Richard McGuire, José Muñoz, Thomas Ott, Gary Panter,  Art Spiegelman, Chris Ware (et quelques autres, les noms ne tenaient pas tous sur l'affiche).


Au cinquième niveau (LA BD AU MUSÉE), des œuvres de quinze autrices et auteurs contemporains sont mises en dialogue direct avec les pièces de la collection moderne (1900-1960), créant des connexions subtiles. Là, il y aura Blutch, Brecht Evens, Dominique Goblet, Gabriella Giandelli,  Éric Lambé, Lorenzo Mattotti, Anna Sommer et toujours Chris Ware. Rien que des gens intéressants. Bon, c'est vrai, ils en ont oublié (elle est où Alison Bechdel? il est où Guido Buzelli? Et Willem, et Franquin, et Bretécher? peut-être qu'ils n'avaient pas assez de place (c'est tout petit, le centre Pompidou, vous savez) ou qu'ils en gardent pour la prochaine fois. Mais bon ça va, c'est un excellent choix. Marion Fayolle sera là en personne, elle animera un atelier. On dit que Corto Maltese sera là aussi, mais vous savez comment il est, il ne fait jamais que passer (il est aussi demandé, tout l'été, au Lyon BD Festival!).
On nous promet des liens secrets à découvrir (the secret knots!)...  c'est peut-être à la Bibliothèque publique d'information (c'est aussi au niveau 2) que vous pourrez croiser Corto, toujours à la recherche de documents sur les liens bien cachés entre l'Atlantide, Venise et le Continent Perdu?

BANDE DESSINÉE (1964 - 2024), Galerie 2, niveau 6; et
LA BD AU MUSÉE, Galerie 2, niveau 5
Centre Pompidou, Paris
11h-21h, tous les jours sauf mardi
du 29 mai au 4 novembre 2024


Attention: l'année prochaine la TGBAC (Très Grande Boite À Chaussures - quand on est pressé, on dit le centre Pompidou) sera fermée pour travaux, et le restera jusqu'en 2030! Profitez-en tant que vous pouvez.

Images ©  centre Pompidou - Paris Musées

lundi 27 mai 2024

Futur Branle-bas

Oisivetés, c’est le titre du livre qu’écrivit Vauban dans ses vieux jours, après avoir bâti un fort ou une citadelle dans chaque ville de France, et auquel fera écho mon futur Branle-bas.

Éric Chevillard

Ce n'est pas souvent que Chevillard fait l'annonce d'un livre futur (il lui arrive, quand il le faut bien, de signaler une mise sur le marché, une traduction ou une réédition, mais qu'il parle de projets encore non réalisés, c'est plus rare); notre première réaction est de soupçonner une nouvelle facétie: faudrait-il croire tout ce qui est écrit dans l'autofictif ?  puisque son métier, à  Chevillard, c'est de faire des farces et attrapes (il le dit lui-même)...  pourtant, je ne sais pourquoi, ma tripe me suggère que ce pourrait être vrai, que le démolisseur de Nisard pourrait bien cette fois bâtir  quelque soubassement polygonal pour la statue de Vauban, (ou lui dire merde, on ne sait jamais avec Chevillard)...  ou qu'en écrivant "faire écho",  il veut simpement dire qu'il suivra l'exemple du poliorcéticien polygraphe en nous proposant un ramas de plusieurs mémoires de sa façon sur différents sujets.  Alors? Ouvrons l'œil, on verra bien.

 

lundi 20 mai 2024

Elle a été perdue, cette musique-là

 Un être savant, un jour, est venu, nous a instruits, nous, ignorants.
Il nous a appris à parler. Auparavant nous ne savions que chanter.

Ce fut une tentation. Il ne fallait sans doute pas accepter. Maintenant nous savons tous parler, après quelques années d’enfance et de balbutiements. Mais à présent on n’est plus comme avant. Ce n’est plus l’enchantement.

Il se faisait des choses. Il y avait des entreprises, des réunions, des travaux, des préparations en vue du futur. On avait des arbres. Il s’occupait de presque tout.
Autrefois il nous gouvernait. Nous n’avions pas à vouloir, à décider. Nous pouvions encore jouer. Il a disparu sans qu’on se l’explique.
Maintenant tout nous incombe à nous, il laisse faire. Il n’est plus intéressé.
Il fait comme s’il n’était pas au courant.

Ce n’est pas la première fois qu’il s’était détaché. Certes, à ses yeux nous ne sommes pas satisfaisants, pas non plus très intéressants. Nos pères-prédécesseurs savaient comment l’intéresser. Ils savaient, eux, ce qu’il fallait pour ne pas rester seuls et le faire revenir. Mais nous, nous ne savons pas, nous n’en avons pas trouvé le moyen.

Une musique auparavant nous reliait. Une musique nous avait été donnée pour cela, pour revenir à lui; à l’être si important qui pouvait nous gouverner notre terre. Une certaine musique. Elle le ramenait à nous, cette musique-là qui nous avait été léguée afin d’être le lien. Mais elle a été perdue celle-là.

Certains parmi nous quittent la tribu afin d’aller vivre avec les animaux sauvages. Nous les laissons partir.
Les bêtes sauvages n’en veulent pas. Elles ne se laissent pas tromper par des inclinations tumultueuses, par simplement des intentions.
De ce côté le fossé est grand et large, un fossé qui ne peut actuellement être comblé.

Car nous ne sommes pas des bêtes. Quoique d’une certaine façon nous ne soyons pas encore parfaitement des hommes. Nous le serons. Il ne faut pas désespérer. Nous l’avons été. Dans des temps anciens, nous le fûmes. En même temps que ceux-là qui présentement dans les bois et la savane sont redevenus entièrement des bêtes mais nous les respectons. Nous nous interdisons de surveiller leurs vies ou de chercher à savoir des choses sur elles, qui d’une manière ou d’une autre les humilieraient peut-être.
Car, malgré que nous nous soyons restés plus qu’à moitié hommes surtout par l’aspect et donc en avance sur elles, il est à craindre, il est possible que nous ne redevenions hommes complets et véritables, qu’après elles. On ne peut savoir. On ne peut être sûr. Se vanter ne serait pas bien.
Pour le moment, sur quatre pattes, ou autrement, elles attendent dans la forêt, dans des terriers leur lointain avenir d’hommes avec une grande dignité, avec une dignité exemplaire.


Henri MichauxEn route vers l'homme
 dans Chemins cherchés, chemins perdus, transgressions (1982)

Henri Michaux: œuvres complètes  T. III, p 1186, Gallimard, Pléiade

dimanche 12 mai 2024

Serpent-corbeau

  Me voilà invité chez une cousine âgée appartenant à la branche la plus "bourgeoise" de la famille; il faudra, comme à chaque fois, que je surveille mes manières, elle ne laisse passer aucun faux pas.
Son accueil est chaleureux; me suis-je inquiété pour rien? Ah, je comprends: elle a un service à me demander. Elle compte sur moi pour allumer et surveiller le feu dans la cheminée de la pièce où nous allons dîner, avant que les autres invités n'arrivent; elle me prévient que des problèmes de tirage font que le feu est parfois long à prendre.
Ce n'est pas, cette fois, ma cousine, c'est la cheminée, en fait, qui me regarde d'un œil sévère; de deux paires d'yeux sévères, plus précisément. L'encadrement de marbre lourdement sculpté est dominé par une insolite figure héraldique de bronze: une sorte de Gorgone, plantureux buste de femme à deux têtes, une de serpent, une de corbeau. Je ne suis pas surpris de la voir là: je savais déjà que cette figure syncéphalienne était depuis des siècles l'emblème de notre famille, mais je ne l'avais pas encore vue représentée avec un tel luxe de détails. Bigre, me dis-je au réveil (dans le demi-sommeil du matin), voilà une image qui plairait à Guillermo Del Toro; il faudra que je lui raconte ce rêve quand je le verrai.

 

jeudi 9 mai 2024

Suck it, Lichtenstein!

 Vous pensiez peut-être qu'Indy, après avoir retrouvé son Arche perdue et menée à son terme sa dernière croisade, se reposait sur ses lauriers, comme tout Indy qui se respecte? ou bien, vous redoutiez que des gens qui lui veulent plus ou moins de bien annoncent pour bientôt un copier-coller de ses précédents exploits affublés d'un titre ronflant, comme font les gens qui ne respectent pas les Indy? Je parle d'Indy Stevenson, pas d'un autre Indy, je le précise pour éviter toute ambiguïté.
Ç'aurait été mal connaître Stevenson, parti explorer d'autres pistes dans la jungle de l'Art !
Écoutons ses explications:

In an Emoji History of Art, ND Stevenson Playfully Recreates Iconic Paintings

I cannot tell you how or why, but at some point a few years back I discovered that Instagram Stories not only allows you unlimited emojis, it ALSO allows you to enlarge them to an apparently infinite degree. Thus, a very strange new hobby was born. As far as I can tell, I am the inventor of this art form, since I am a genius and everyone else has a life.

Je ne sais pas quand ni comment, il y a quelques années j'ai découvert qu'Instagram Stories, non content de mettre à votre disposition ses emojis sans limitation, vous permettait EN PLUS de les agrandir tant et plus. C'est ainsi qu'est né un nouveau hobby, une forme d'expression artistique dont, sauf erreur de ma part, je suis le découvreur-inventeur (qui d'autre aurait pu? je suis un génie et les autres gens ont une vie).

Bref: sur la page perso d'Indy vous pouvez admirer le résultat:  l'Histoire de l'Art revisitée  en collages d'emojis!

The artist began this piece completely confident
in the existence of a pitchfork emoji.
The artist was wrong.
 

Cette technique révolutionnaire permet
de faire d'authentiques ready-mades!
C'est fou, non?

Stevenson n'a rien perdu du sens de l'humour qui vous avait, il y a déjà longtemps, rendu accro à son défunt site Gingerhaze. J'ai bien aimé la petite pique dirigée vers un artiste contemporain couvert de lauriers: d'où le titre.
 

mardi 7 mai 2024

Mai aors?

Alors, ce mois de Mai, commence-t-il bien? Avons-nous quelques bonnes nouvelles? Ma foi, dès à présent, vous pouvez voir l'exposition Joost Swarte, à la galerie Martel;

"La Galerie Martel est heureuse de vous convier au vernissage de l'exposition rétrospective consacrée à JOOST SWARTE, le jeudi 16 mai à partir de 18h, à l'occasion de la publication récente de son livre Biblio+Picto aux éditions Dargaud."

Séance de dédicaces
le vendredi 17 mai à partir de 17h
Exposition du 17 mai au 6 juillet 2024
17, rue Martel - 75010 Paris; ouvert de 14h30 à 19h, du mardi au samedi.

Bon, ce livre ne risque pas de chasser de vos étagères l'irremplaçable Total Swarte paru chez Denoël en 2012 (j'espère que vous l'avez! Non? vous auriez dû l'acheter quand il était tout frais sorti des presses!) mais c'est un livre bien sympa; et une exposition de dessins de Swarte, ça vaut toujours le détour!
Ça ne dure pas assez longtemps? Vous serez trop occupé tout le mois de Mai? C'est vrai qu'en Mai il y a des ponts à bâtir...  Vous aurez tout l'été pour aller au musée Guimet voir l’exposition "Au cœur de la couleur": des porcelaines aux couleurs intenses, ça nettoie les yeux.

"Evénement de l’été au musée Guimet, l’exposition "Au cœur de la couleur" retrace la longue histoire de la porcelaine et des couleurs de grand feu en Chine entre les 8ème et 18ème siècles. Provenant de l’extraordinaire collection Zhuyuetang de Richard Kan (Hong-Kong) et de celle du musée Guimet, 250 chefs-d’œuvre illustrent le goût chinois pour la simplicité formelle et la pureté des coloris, issus de siècles de perfectionnement. "

Du 12 juin au 16 septembre 2024
Musée Guimet - Rez-de-jardin

Ça compte comme bonnes nouvelles, non?
(en attendant mieux)


mercredi 1 mai 2024

Inventer, est-ce un travail ou une fête?

 

Est-il arrivé qu'un livre m'aide à traverser une période de deuil?
Oui. 
Ce livre, c'était
L'invention de la solitude, de Paul Auster.
Merci, Paul Auster. 

 

 Paul Auster, 1947-2024

lundi 29 avril 2024

Poisson d'Avril ne dure qu'un instant, chagrin d'Avril...

 Bon, Avril 2024 n'a pas été particulièrement productif en matière de farces, de blagues et autres parties de rigolade. Comme par esprit de contradiction, il a laissé se produire pas mal de choses tristes. L'une d'elles m'a particulièrement affecté: Anne Vétillard  me manquera, comme elle manquera à tous ceux qui l'ont connue. Et beaucoup d'autres gens manqueront à beaucoup d'autres gens.
Finalement, ce n'est pas une si mauvaise chose que je sois retenu loin de ce blog par ce qu'on appelle des "obligations professionnelles", ça m'a épargné de vous énumérer les mauvaises nouvelles d'Avril. En Mai tout ira mieux, sûrement!

samedi 30 mars 2024

Nos jours sont comptés

Mars a 31 jours, vous le saviez?
Non? Pas grave: quand on ne sait pas, on demande à Djuna Barnes.

Autre enseignement fort utile dispensé par ce dessin:
Mars est un mois venteux.

From Djuna Barnes’s Ladies Almanack.

Merci au Biblioklept d'avoir attiré notre attention sur ces particularités calendaires et météorologiques.

lundi 18 mars 2024

Changer l'eau du bocal

 De temps en temps, il faut changer l'eau de l'aquarium.
C'est peut-être de cette constatation banale qu'est partie la réflexion qui a conduit Derek Kirk Kim à revenir aux comics.

Souvenez-vous: vous avez découvert Derek Kirk Kim il y a déjà quelques années, quand Same Difference a été publié en français par 6 Pieds sous Terre; puis vous vous être précipité sur Short Stories aussitôt que le même éditeur l'eut rebaptisé Autres Histoires, puis vous avez patiemment attendu que The Eternal Smile (scénario de Gene Luen Yang) soit disponible en français, et vous vous l'êtes procuré quand il est paru chez Dargaud (à moins que vous n'ayez pas résisté à l'envie de le lire en VO?) ...

Et puis, il y a eu la grosse déception de l'abandon par l'éditeur (First Second) de la publication papier de Tune, que Tororo vous avait pourtant chaudement recommandé (vous n'en avez pas acheté assez! à quoi ça sert que Tororo il se décarcasse?).

Le retour de Derek Kirk Kim dans le monde des comics (papier!) a tout pour surprendre. Sa nouvelle série, The Last Mermaid, diffère en tous points de ses précédentes publications: plus fermement ancré dans un genre, la science-fantasy (alors que les comics précités ne se conformaient à aucun modèle établi); une ambiance plus sombre, franchement dystopique (l'humour omniprésent dans Same Difference et dans Tune n'y subsiste qu'à l'état de traces); graphiquement, aux antipodes de ce qu'il faisait au début des années 2000 (depuis, il a travaillé pendant dix ans pour des sociétés de production d'animation, en 2d et en 3d, il a remplacé le crayon par le stylet et ça se voit!) et, comme si ça ne suffisait pas, imprimé dans un format atypique pour un comics papier (presque carré: nostalgie du format webcomic?). Bref: ce n'est pas Same Difference, pas du tout. Je n'ai pourtant pas été complètement dépaysé: son héroïne m'a rappelé de chers souvenirs: ceux du personnage de Forest, Hypocrite, et surtout de sa grande copine à nageoire caudale: sous certains angles, la ressemblance est frappante ... Kim est un homme de goût: qui sait s'il n'a pas lu et apprécié, lui aussi, Hypocrite et le monstre du Loch Ness? Si c'était le cas, on ne pourrait que l'en féliciter.

Derek Kirk Kim a une chaine YouTube, c'est pratique pour se tenir au courant de ce qu'il fait.

Vous pouvez aussi voir  ici une assez longue (30 minutes) interview de lui, ou il s'explique sur les changements que son expérience dans l'animation a apportés dans ses méthodes de travail - c'est la première d'une longue (2 heures) série d'interviews réalisée à l'occasion de l'Emerald City Comic Con, j'avoue que j'ai seulement survolé la suite.

Stay Tuned! 

Derek Kirk Kim: The Last Mermaid
(série, premier tome paru)
Image Comics, 2024


dimanche 17 mars 2024

Une Journée Mondiale, une de plus

Vous n'avez pas oublié, j'espère, que le 17 Mars est la Journée Mondiale des Robots?

C'est que je ne vais pas vous le répéter tous les ans, avec le ménage, la lessive et la cuisine, je n'ai pas que ça à faire. 

Dessin de Volny.   Salut, Volny!

Bip.


vendredi 15 mars 2024

Seuls sont les indomptés

Ce n'est pas un concours, ce n'est pas un classement, il n'y aura pas de remise de prix...


 Celui qui sort du saloon sur ses deux pieds, c'est le Lucky Luke de Blutch. Blutch, il met de la passion dans tout ce qu'il fait, ce coyote.
 
image © Dargaud et Blutch, évidemment. 
Seuls sont les indomptés c'est le titre d'un film de David Miller, sans Lucky Luke, mais avec Kirk Douglas qui fait aussi très bien le cowboy solitaire.

mercredi 13 mars 2024

Nous sommes tous de pauvres cow-boys solitaires

 En ce début d'année je me suis posé pas mal de questions à propos des reprises, hommages, tributs, reboots et toutes ces sortes de choses dont on a parlé récemment.
Ces questions, je n'ai pas réussi à me les sortir de la tête (ce n'est pas pour ça, rassurez-vous, que j'ai peu posté en janvier et février: c'est que j'ai eu pas mal de trucs à faire, qui ont consumé trop d'heures pour me laisser le temps de bloguer)... les reprises de séries qui ont enchanté notre enfance  -  notre jeunesse - notre âge mûr, qu'on croyait à l'abri du temps et du changement bien au chaud dans notre mémoire, c'est devenu un phénomène saisonnier.

Mars étant un mois sérieux - pour se différencier de ses voisins immédiats Février et Avril plus portés aux facéties - revenons aux questions sérieurses, que nous avions laissées en suspens en Décembre.
Il semble qu'il y ait une sorte de consensus chez les éditeurs - pardon, je veux dire les fournisseurs de contenu: "Que veut le public? Plus de ce qu'il a déjà vu! Plus de la même chose!"... Aussi le malaise desdits éditeurs est-il palpable, quand l'auteur d'une série à succès vient à disparaître. Ils ne lui en voudront pas trop de tirer sa révérence, si encore il passe le relais à un continuateur, comme Rob Vel à  Jijé, puis à Franquin, et ensuite Franquin à Tome et Janry pour Spirou... ou s'il a le bon goût de renoncer à toute prétention à la paternité d'un  personnage, comme Ub Iwerks pour Mickey... mais le malaise s'accroît quand l'auteur  manifeste explicitement son refus de faire reprendre par d'autres une série, comme l'ont fait Jacobs  pour Blake et Mortimer, ou Franquin pour Gaston... grande est la tentation, pour l'éditeur, de faire comme s'il n'avait rien entendu...

Le choix, par un éditeur, de faire reprendre une série en sommeil par un autre que son créateur n'est-il pourtant pas défendable? Quand j'ai eu en mains L'Étrange rendez-vous, le premier album de Blake et Mortimer "sans Jacobs",  j'ai sauté de joie de pouvoir lire une nouvelle aventure qui s'insérait parfaitement dans la série, résultat du travail acharné d'un scénariste et d'un dessinateur aussi fortement motivés l'un que l'autre. Quelques années passèrent, pour les lecteurs les déceptions s'accumulèrent, et les véritables intentions de l'éditeur ne devinrent que trop claires: gagner des sous, vite si possible,  sans en dépenser trop, et pour cela embaucher dessinateurs et scénaristes pressés de toucher leur chèque, sans que le respect pour leur modèle risque de les ralentir.

Il en alla autrement pour les continuateurs de Spirou: la prolifération de spin-offs, de reboots, de relectures, d'hommages, autour de ce personnage vieux d'un siècle est plutôt réconfortante; elle prouve que nous ne sommes pas tout seuls à regretter de ne pas pouvoir nous coiffer comme Spirou (j'ai essayé - pas vous? - ça n'a jamais rien donné de bon); tous ceux qui ont repris Spirou l'ont fait avec enthousiasme, à leur manière, et si inégales ces variations soient-elles, on trouve parmi elles de véritables pépites (mille bravos à Émile Bravo!).

La démarche de Dupuis pour Gaston est ambiguë: personne ne conteste que Delaf soit un brillant pasticheur de Franquin. Si Dupuis avait signé un contrat avec un fabricant de yaourts (Monsieur De Mesmaeker devait bien en avoir un dans sa serviette, dommage qu'elle soit toute mouillée) pour une série de publicités dans lesquelles Gaston aurait chanté (après qu'on eût mis sous clé son gaffophone) les qualités du lait emprésuré, Delaf aurait été parfait pour fournir des illustrations bien lisses, comme les publicitaires les aiment. Seulement voilà: s'agissait-il de vendre des yaourts, ou de vendre les aventures de Gaston comme si c'était des yaourts? Dupuis ne répond pas à la question, mais son choix parle pour lui.

Mais... dans le titre, il est bien question de cowboys solitaires? Et Lucky Luke dans tout ça?  

À suivre...




lundi 4 mars 2024

Jaquettes de papier cristal

 Je sais peu de choses, en fait, sur Vladimir Poe. Tout ce que j'ai appris sur lui vient d'un rêve que j'ai fait.  Dans ce rêve, j'ai à peine eu le temps de faire sa connaissance: il m'était présenté  par une demoiselle que je connaissais également depuis peu (sa nièce ou sa petite-nièce? comme c'était arrivé au début du rêve, les circonstances étaient déjà devenues floues, dans les rêves c'est souvent comme ça, mais les souvenirs du rêve deviennent plus précis à partir du moment où elle me présentait son oncle (grand-oncle?) dans un café.)
Il avait écrit, beaucoup: il me l'avait dit à voix basse, comme s'il avait fallu préserver un secret; puis il me donnait quelques précisions sur une de ses œuvres, qui semblait avoir pour lui une importance particulière: une série de romans dont la protagoniste récurrente s'appelait Djili.
J'avais promis de lui rendre visite; quelques jours plus tard (sans doute quelques secondes d'horloge: c'est comme ça que le temps s'écoule, à sauts et à gambades, pendant le sommeil paradoxal), je me retrouvais devant la maison de ce Vladimir Poe: une petite foule s'y trouvait déjà, parmi ces gens une seule figure connue: mon père (comment se trouvait-il là? il le connaissait lui aussi,
Vladimir Poe?).
Nous entrions tous dans un silence solennel, les gens autour de moi arboraient une mine compassée; nous devions nous serrer pour tenir tous dans une petite pièce, mon père, sans parler, avait posé sa main sur mon épaule; il devenait de plus en plus clair que Vladimir Poe venait de mourir. Je me souvins alors que sa nièce avait mentionné, sans insister comme si ç'avait été peu important "qu'il avait écrit des centaines de livres"; en général, quand des gens utilisent cette formule vague à propos de quelqu'un qu'ils connaissent, ça veut dire qu'il en a écrit deux ou trois; aussi lui avais-je demandé "Sur quoi?"; elle avait répondu, toujours aussi vague, "Sur un peu tout". À présent je n'avais qu'à regarder autour de moi pour en avoir confirmation: sur des étagères poussiéreuses, il  y avait en effet des centaines de livres, sur le dos desquels je pouvais lire au-dessus du titre: Vladimir Poe; ceux dont j'étais assez près pour déchiffrer le titre appartenaient à la série des romans sur Djili, et le dernier de la rangée s'appelait "À travers les océans". Ces livres étaient brochés, dans le style des ouvrages publiés avant guerre, et protégés par ces jaquettes de papier cristal que les gens soigneux leur confectionnent à la main; sans doute étaient-ils là depuis longtemps.
Puis je me retrouvais à la terrasse du café où j'avais fait la connaissance du défunt, je commençais à ressentir du regret à l'idée que je ne le rencontrerais plus, je me levais et, faisant tinter sur le zinc les trois pièces qui devaient payer mon café, je reprenais le chemin de chez moi; le seule chose qui me restait à faire était de chercher sur internet ce que je pourrai apprendre sur Vladimir Poe: sa bibliographie  peut-être? les liens (improbables, mais  sait-on jamais?) qu'il pouvait avoir eu avec un autre Poe, plus célèbre?

 
Ce fut fait au réveil: interrogé sur Vladimir Poe, internet ne suggéra que deux associations possibles entre le prénom Vladimir et le patronyme Poe: d'abord, il insinua que peut-être j'avais mal orthographié le premier terme, et dans ce cas ma recherche devrait s'orienter vers Le cas étrange de Monsieur Valdemar (pas Vladimir), une nouvelle d'Edgar Poe; puis, un peu facétieusement, il me rappela que dans l'œuvre de Vladimir Nabokov abondent les allusions, les références, les fantaisies métatextuelles impliquant Edgar Poe

Peut-être, après tout, le vieux monsieur polygraphe n'a-t-il publié que dans les rêves.

dimanche 3 mars 2024

Entends, enfant, la douce Nuit qui marche (Ursula Le Guin, 11)

 Janvier er Février sont vite passés, et nous voilà déjà en Mars! Sommes-nous en retard? Mais non, c'est toujours le bon moment pour lire un livre d'Ursula Le Guin.

Quel titre donner à un recueil où il est question d'Elfland, de Poughkeepsie, de Virginia Woolf, des qualités nutritives du plastique, de la fluidité de la notion de genre (littéraire ou pas littéraire), et d'autres notions encore?
La réponse: Le langage de la nuit.

Le langage de la nuit est la traduction (ça, vous l'aviez sans doute deviné) du recueil  de textes (pas de fictions!) The Language of the Night.
Comme Martin Winckler, qui a écrit la préface de cette édition, je n'ai pas eu l'occasion de poser à Ursula Le Guin toutes les questions que j'aurais voulu lui poser.  Mais qui l'a eue, cette occasion? Elle s'est soumise avec le sourire à des interrogatoires. Elle en a donné, des interviews, des interventions, des tonnes. Si on recommençait, chaque question en entraînerait une autre, et, graduellement, inévitablement, la qualité des questions se dégraderait. Dans les essais, préfaces et conférences réunis dans ce volume, Ursula Le Guin se débarrasse d'un revers de main de beaucoup de questions; sagement, elle donne à des questions qu'on ne lui a pas posées des réponses qui n'ont pas l'air de réponses; ou encore, elle invite le lecteur à un jeu, qui est de deviner à quelle question elle répond, par exemple quand elle cite Dunsany: "au loin, à l'est, s'étend un désert que nul homme ne foule".
Ou bien: "je voyais deux petites figures, fort lointaines, perdues dans un immense désert de glace et de neige".
Ou encore: "j'ai donné à trois petites îles les noms de mes enfants - leurs surnoms quand ils étaient bébés".
Ou quand elle nous apprend (cette fois dans une des nouvelles du cycle de Terremer) que dans la Langue de la Création (sans la connaissance de laquelle il est vain d'espérer faire de la magie) tolk est le mot qui désigne une pierre.
Tolk: une pierre. Sur une pierre, on peut poser ce qu'on veut.
"Madame, madame, s'il vous plaît, est-ce que la question c'était: avec quoi est-ce qu'on bâtit une cathédrale?"
Elle sourit et passe à autre chose.
Par exemple: "Il s'agissait de savoir, je vous le rappelle, s'il était au fond souhaitable qu'un livre de science-fiction fût un roman".

Est-il souhaitable de mettre dans un livre tout ce qu'il faut pour se faire, dans sa tête, des romans, et puis d'appeler ça "livre de science-fiction", ou "roman", ou "recueil  de textes", ou tout ce que l'on veut ? Réponse dans Le langage de la nuit.


Ursula Le Guin: Le langage de la nuit;
The Language of the Night, Essays on Writing,
Science Fiction, and Fantasy
,
Première édition 1979 (Putnam),
édition révisée en 1992 (HarperCollins),
rééditée en 2024 (Scribner)
Traduction de Francis Guévremont,
Aux forges de Vulcain
ISBN : 978-2-373050-17-2

Citations extraites d'Ursula Le Guin, Le langage de la nuit

jeudi 29 février 2024

Février s'en va sans insister

 Bon anniversaire, jeunes gens! (vous savez qui vous êtes*).


 Il y avait, potentiellement, beaucoup de sujets à traiter en ce mois de février (si vous vous demandez pourquoi je ne l'ai pas fait, voyez le billet précédent):une disparition, celle de Christopher Priest, une non-disparition: celle d'une guerre qui, pourtant, comme tout le monde, prend de l'âge à chaque anniversaire,  une autre disparition, celle de Brian M. Stableford... 
 Christopher Priest, c'est un monument dont la taille se mesure en kilomètres: il faudra sans doute (qu'en pensez-vous?) que je lui consacre un jour un gros billet. 
  Brian M. Stableford est mort samedi dernier. Il aurait eu 76 ans cet été, mais sa bibliographie comptait d'ores et déjà beaucoup plus de 76 titres.  J'ai le souvenir (vague à présent) d'avoir lu Les Royaumes de Tartare à sa parution chez OPTA en1981, tout récemment j'ai acquis Le Testament d'Erich Zann chez Les Moutons Électriques, et entre les deux... rien: vous voyez que je serais mal placé pour adopter la posture du spécialiste de son œuvre. Mais en jetant un coup d''œil sur sa bibliographie je n'ai pas seulement mesuré la profondeur de mon ignorance, j'ai aussi appris quelque chose qui m'a réjoui et m'a rempli de reconnaissance pour ce vieux monsieur que j'ai si mal connu: non seulement il a été encore plus prolifique comme traducteur que comme auteur, mais ce sont des auteurs français s'étant illustrés dans des genres auxquels je porte un intérêt tout particulier qu'il s'est attaché à faire découvrir à ses compatriotes! Et quels auteurs: des décadents: Jean Lorrain, Félicien Champsaur,  Catulle Mendès, Lucie Delarue-Mardrus, des symbolistes: Henri de Régnier, Judith Gautier, Marcel Schwob; des feuilletonistes: Paul Féval, Ponson du Terrail, Arnould Galopin, Gustave Le Rouge, Gaston Leroux; des précurseurs de la Weird Fiction: Restif de la Bretonne, Collin de Plancy, Jules Janin, Charles Nodier, Villiers de l'Isle-Adam, Gaston de Pawlowski, José Moselli;  et de la science fantasy, ce qu'on appelait à l'époque le merveilleux scientifique (vous vous souvenez de l'exposition à la Bibliothèque nationale en 2019?): Camille Flammarion, Robida,  Jules Lermina, Maurice Renard, Théo Varlet; des folichons et des saugrenus: Pétrus Borel, Alphonse Allais! Et encore: les contes de Madame d'Aulnoy et les poèmes de Renée Vivien! J'incite mes lecteurs anglophones à se pencher sur cette liste, je ne doute pas qu'ils y trouvent des choses qui leur plaisent.

Demain est un autre jour.

*Ayons une pensée émue pour ceux qui sont nés un 30 février et qui fêtent donc encore moins souvent leur anniversaire que ceux qui sont nés le 29.

mercredi 21 février 2024

Un moment d'émotion pour Nimona

 Certains des visiteurs parmi les plus fidèles de ce blog ont fait savoir à leur ami Tororo qu'ils s'inquiétaient pour sa santé (celle du blog); pourquoi ce long silence en un début d'année riche en événements? Rassurons-les: Tororo est, simplement, très pris par ses activités en dehors d'internet, et, que voulez-vous, tororoshiru.com ne s'écrit pas tout seul (une version assistée par une intelligence artificielle est actuellement en développement dans nos bureaux d'étude).


Cependant, une actualité particulièrement brûlante force l'humain derrière la machine à retourner à son clavier: si vous faites partie de ceux de mes lecteurs qui, convaincus par tout le bien que j'ai dit par le passé de la série Nimona, se désolaient de ne pouvoir, faute d'argent, accéder à son adaptation animée disponible jusqu'ici seulement sur Netflix (c'est que ça coûte des sous, ce machin), vous serez heureux d'apprendre que ledit Netflix vient de la mettre gratis pro deo* à la disposition du public, sur Youtube, dans une définition confortable et sans coupure de pub! Saluons cette initiative, peut-être pas complètement désintéressée (le film  a été sélectionné dans plusieurs compétitions, et ils ont pu penser que créer autour de lui un peu de buzz, ou de hype -
au fait, c'est quoi qui est mieux, le buzz ou la hype? vous le savez, vous? - ne pouvait pas lui faire de mal). En tous cas je suis content pour Indy Stevenson et tous les gens qui se sont décarcassés pendant sept ans pour que ce film existe.
Profitez-en, tant que ça dure!

 

 * "Rien n'est gratuit en ce monde, sauf la grâce de Dieu."
Charles Portis: True Grit