jeudi 19 septembre 2024

... car le royaume des chats leur appartient

 Toujours à l'affût de nouveautés, le vigilant John Coulthart (sur son blog feuilleton), nous  signale un billet de Kirsten Tambling qui a un rapport pas si lointain avec le "spécial chats" de  Métal Hurlant: la vie et l'œuvre de Gottfried Mind, le Raphaël des Chats.

Un personnage qu'on pourrait croire sorti d'une œuvre de fiction, de Dickens par exemple, ou de Lemony Snicket... s'il s'agissait d'un personnage fictif. Mais non, il a vraiment vécu, et a connu toutes les difficultés de la vie, entre une enfance misérable et une fin précoce. Entre-temps, il a dessiné, gravé et peint des chats. C'était sa principale activité, la seule pour laquelle il fut apprécié de son vivant et celle pour laquelle on se souvient de lui.

chatte et ses petits, par Gottfried Mind

Ceux de ses contemporains qui parlaient de ses œuvres avec enthousiasme, comme le riche collectionneur britannique George Fairholme ou le critique et polygraphe français Champfleury, ne manquaient pas de s'émerveiller qu'un si brillant peintre animalier fût aussi "un imbécile atteint de crétinisme", ou plus simplement un crétin (le portrait de Mind à sa table à dessin, sous le regard bienveillant d'un chat,  reproduit en tête d'un des rares recueils qui ont été consacrés à ses gravures est accompagné de cette légende lapidaire: "Geofroi Mind, crétin"). Rien là de surprenant, à une époque où la plupart des conditions qui relèvent aujourd'hui de la psychiatrie ou de la neurologie étaient regroupées, par les scientifiques qui étudiaient les lunatiques et autres aliénés, sous l'appellation d'idiotie (sous-catégories: imbécilité, crétinisme): c'était un diagnostic, pas une invective. Pour situer cette apparente bizarrerie dans son époque, Kirsten Tambling évoque aussi la fascination du dix-neuvième siècle pour les aspects paradoxaux du génie: sa proximité avec la folie, le délire, la perte de contact avec la réalité, sujets ô combien romantiques! Aussi personne ne contesta à Mind le titre à lui décerné par Fairholme de Raphaël des Chats.
Les chats classent les humains selon d'autres critères: une humeur égale, une odeur plaisante, l'aptitude à ne pas bouger quand on s'endort sur leurs épaules, leurs genoux ou dans leurs bras (Mind possédait cette dernière qualité à un haut degré: il pouvait dessiner des heures durant avec deux ou trois chats étalés sur lui) sont considérées par les félins comme les signes non équivoques auxquels on reconnaît les humains d'exception (et franchement, à côté de ça, la faculté de concevoir une Théorie Unifiée du Tout, ça pèse quoi?). Peut-être mon opinion sur ce sujet est-elle en partie biaisée (car je me flatte de posséder moi aussi ces éminentes qualités), mais je suis enclin à me ranger à leur avis.

 

illustration: lithographie d'après une aquarelle de Gottfried Mind tirée de Les chats: histoire, moeurs, observations, anecdotes de Champfleury (1869)

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