Parmi les traditions de Noël, il en est une que j'apprécie particulièrement: celle qu'observe Biblioklept de republier à intervalles réguliers...
... un certain dessin de Glen Baxter.
Parmi les traditions de Noël, il en est une que j'apprécie particulièrement: celle qu'observe Biblioklept de republier à intervalles réguliers...
... un certain dessin de Glen Baxter.
Aujourd'hui est un jour important, mes enfants.
C'est aujourd'hui que vous allez glisser discrètement dans les petits souliers (ou les grandes chaussettes de laine) de tante Adélie, de cousin Sigismond et de la pétulante Persille les exemplaires de La Tresse que vous avez ramenés de la bonne librairie (on les trouve dans toutes les bonnes librairies) cachés sous votre manteau.
La Tresse, un récit de Laetitia Colombani, scénarisé par Lylian, dessiné et mis en couleurs par Algésiras: une garantie de qualité.
Et demain sera aussi un jour important, puisque c'est demain qu'en vous prenant toutes et tous par la main, vous danserez, joyeux, une ronde autour de l'arbre.
image © éditions Soleil et Algésiras
Si l’on me proposait de vivre une deuxième fois ma vie, je dirais hum, oui, d’accord pour relire Nabokov.
Eric Chevillard est toujours de bon conseil. Si nous nous replongions - par exemple - dans La Vraie Vie de Sebastian Knight? V, le personnage imaginé par V. Nabokov, ne pressent-il pas, à trois quarts de siècle de distance, le conseil de Chevillard, et, à défaut de pouvoir relire Nabokov, dont il n'a évidemment jamais entendu parler (fort peu de personnages de fiction connaissent l'existence de leur créateur) ne consacre-t-il pas sa vie à relire Knight, ce demi-frère avec qui il a partagé si peu de choses et qui, lui semble-t-il, lui a laissé des indices un peu partout, des messages secrets qu'il lui appartient de déchiffrer?
... et je n'aime pas m'appesantir en imagination sur certain jour qui vit, dans un hôtel de Paris, Sebastian, âgé de quatre ans environ, délaissé par une gouvernante désemparée, et mon père enfermé dans sa chambre, "juste le genre de chambre qui convient pour la mise en scène des pires tragédies: sous son globe de verre, une pendule vernie arrêtée (deux heures moins dix: moustache cirée aux pointes dressées), le maléfique dessus de cheminée, la porte-fenêtre avec sa mouche saoule entre le rideau de mousseline et la vitre, et une feuille de papier à lettre de l'hôtel sur le sous-main en buvard usagé ". Cette citation est tirée des Albinos en noir, ouvrage sans aucun lien avec ce désastre particulier, mais qui porte l'empreinte de l'inoublié chagrin de jadis, du chagrin d'un enfant abandonné sur un froid tapis d'hôtel, et qui ne sait que faire, avec tout ce temps, vide étrangement, devant lui, ce temps qui n'est plus le temps familier et qui s'étale, s'étale...
Vladimir Nabokov: La vraie vie de Sebastian Knight
Cette nuit je fais la queue. Pour obtenir un permis de planter. Dans un bâtiment administratif d'une ville qui affiche tous les signes d'une appartenance probable à l'Europe de l'Est, une ville où l'on a besoin d'un permis pour pouvoir planter des arbres. La queue est longue; la plupart des gens sont venus avec leur petite bouture dans un pot ou un sac en plastique. J'approche du but, mais la vieille dame devant moi s'est lancée dans une longue discussion avec la fonctionnaire qui valide les formulaires, dans une langue dont je ne comprends pas un traître mot. Ça m'inquiète un peu, comment vais-je faire si on me demande des précisions? Les langues slaves et moi, ça fait douze. Pour passer le temps j'engage, avec mon voisin le plus proche, une conversation par signes; plein de bonne volonté, il semble vouloir m'encourager, il regarde le formulaire que je tiens à la main (quelqu'un, plus tôt dans le rêve, l'a rempli pour moi - ça consistait, essentiellement, à faire des croix dans des cases) et il approuve de la tête, comme pour me dire qu'il le pense correctement rempli. Il hoche aussi la tête devant le spécimen que j'ai apporté, un pot de terre minuscule d'où sort une sorte d'écouvillon conique vert vif (dans ma tête, je l'appelle un épicéa), et il me fait, avec le pouce, le signe universel d'approbation. Je m'enquiers (en le montrant de l'index et en faisant une mimique ahurie) de l'espèce à laquelle appartient son arbrisseau à lui, qui ressemble à un pommier miniature, sans feuille, avec un fruit de la taille d'un petit pois au bout de chaque branche; il me répond quelque chose qui, pour mes oreilles, ressemble à "Delicioso" (cela évoquera-t-il quelque chose à mes visiteurs versés dans les langues slaves?)... et voilà, je suis parvenu devant le guichet, je tends mon dossier de demande et après un bref examen, la préposée donne des coups de tampon à toutes les feuilles, conserve les doubles et me rend l'original: ça y est, j'ai le droit de planter! Mon voisin, au guichet d'à-côté, a aussi reçu ses coups de tampon; je lui rends le signe victorieux du pouce qu'il m'a fait tout à l'heure, et nous avons juste le temps d'échanger un sourire avant que je me réveille. Ouf, un rêve qui finit bien!
Nikolavitch aussi fait des rêves assez bizarres; quelque chose dans l'air? ou dans l'eau du robinet, qui sait?
Where we are, the birds sing a pretty song,
and there is always music in the air.
Julee Cruise 1 décembre 1956 - 9 juin 2022
Angelo Badalamenti 22 mars 1937 - 11 décembre 2022
Dans un paragraphe récapitulatif, on trouve cette phrase: "Tout le monde crut que la rencontre des deux joueurs d'échecs avait été fortuite".
Jorge Luis Borges, Examen de l'oeuvre d'Herbert Quain
Laissons encore la parole à V, pour nous présenter le premier succès public (et critique) de Sebastian, qui s'intitule - amusante coïncidence - Succès (nous serons amplement servis de ces bizarreries stylistiques dont nous parlions dans un précédent billet, et dont nous ne saurons jamais si elles appartiennent à V ou s'il les emprunte, consciemment ou non, à Sebastian):
Sebastian consacre les trois cents pages de Succès à l'une des investigations les plus compliquées qui aient jamais été entreprises par un écrivain. Nous apprenons qu'un certain voyageur de commerce, Percival Q..., à une certaine époque de sa vie et dans certaines circonstances, rencontre la jeune fille, assistante d'un prestidigitateur, avec qui il sera à tout jamais heureux.
[...]
Nous apprenons un bon nombre de choses curieuses. Les deux lignes qui ont finalement convergé vers le point de rencontre ne sont nullement les lignes droites d'un triangle, divergeant régulièrement vers une base inconnue, mais des figures ondoyantes, tantôt très espacées l'une de l'autre, tantôt se touchant presque. Autrement dit, il y a dans la vie de ces deux personnes au moins deux occasions où, sans le savoir, elles ont failli se rencontrer. Chaque fois, le destin semblait avoir préparé cette rencontre avec le plus grand soin, faisant des retouches à telle possibilité, puis à telle autre; masquant des issues et repeignant des poteaux indicateurs; resserrant peu à peu dans sa poigne l'ouverture du filet où les papillons cognaient leurs ailes; réglant le moindre détail et ne laissant rien au hasard. La divulgation de tous ces préparatifs secrets est fascinante et l'auteur semble avoir les yeux d'Argus quand il tient compte dans ses calculs des moindres couleurs du lieu et des circonstances. Mais chaque fois, une erreur minuscule (l'ombre d'une fêlure, le trou bouché d'une possibilité non surveillée, un caprice du libre arbitre) vient gâter le plaisir du déterministe et à nouveau les lignes divergent, avec une rapidité accrue. C'est une abeille qui, le piquant à la lèvre, empêche à la dernière minute Percival Q... d'aller à la soirée où le destin, avec une difficulté infinie, avait trouvé le moyen d'amener Anne; c'est Anne qui, par un tour que lui joue son caractère, n'obtient pas le poste que le destin avait pris soin de rendre vacant à son intention au Service des Objets trouvés où le frère de Q... est employé. Mais le destin est bien trop persévérant pour se laisser décourager par un échec. Il parvient à ses fins, et par de si subtiles machinations qu'on n'entend même pas un déclic quand finalement les deux personnes sont mises en contact.
Je n'entrerai pas dans plus de détails au sujet de cet intelligent et délicieux roman.
Tiens! Tu étais déjà là, toi? Bonjour, filet à papillons...
Et nous, nous sommes toujours plongés dans la lecture de La Vraie Vie de Sebastian Knight (de Vladimir Nabokov) - déjà évoquée dans dans plusieurs billets précédents.
Comment V pourrait-il cerner la personnalité de ce frère qu'il a, en fin de compte, si peu connu, sans examiner en détail son oeuvre? V en analyse ainsi les débuts:
On ne peut vraiment goûter l'Iris du Miroir que si l'on a compris que les héros du livre sont, en les nommant d'un terme approché: "les procédés de composition". C'est comme si un peintre disait: "Attention! Je vais vous montrer non la peinture d'un paysage, mais la peinture des différentes façons de peindre un certain paysage, et je suis sûr que de leur fusion harmonieuse naîtra à vos yeux le paysage tel que je veux que vous le voyiez". Dans son premier livre, Sebastian a mené cette expérience jusqu'à son terme logique et satisfaisant. En soumettant à l'épreuve de la réduction à l'absurde telle ou telle manière littéraire, puis en les écartant l'une après l'autre, il a trouvé sa propre manière, et l'a exploitée à fond dans son livre suivant: Succès.
Vladimir Nabokov, La Vraie Vie de Sebastian Knight
À suivre...
Une cyborg (ou est-ce une robote?) vient me dire bonjour. Conforme à l'idée que nous nous faisons tous (je suppose) d'une cyborg, on devine sa nature surtout à cause de la régularité un peu trop parfaite de ses traits, si discrets sont les joints entre les parties bio, les parties biomécaniques et les parties mécaniques dont elle est faite: la robotique a fait tant de progrès récemment! (au moins dans les rêves). Elle se penche (elle est nettement plus grande que moi) pour me faire la bise - peut-être lui a-t-on appris qu'entre humains, c'est ce qui se fait. Une bise très chaste: elle effleure seulement ma joue droite avec sa joue gauche, une joue fraîche, j'ai le temps de me dire qu'il est sans doute normal que sa température soit plus basse que celle d'un être humain, quand j'entends un déclic: la jeune fille vient de s'immobiliser, interrompue dans le geste de me faire une deuxième bise sur mon autre joue; apparemment, quand elle s'est penchée vers moi, quelque chose s'est coincé dans ce qui lui tient lieu de colonne vertébrale. Ce doit être dur d'être un cyborg (un robot?), si les gestes les plus simples peuvent vous placer dans des situations aussi embarrassantes (bon: la robotique a encore quelques progrès à faire, même dans les rêves). Je suis encore en train de me demander si je peux faire quelque chose pour la débloquer (et surtout, quoi?) quand je me réveille.
Michael Leddy me rappelle opportunément que l'an dernier, il avait déjà eu cette idée: poster sur son blog quelques impressions laissées par la lecture (dans le texte original) de La vraie vie de Sebastian Knight. Opportunément, car, je l'avoue à ma confusion, ça m'était complètement sorti de la tête; ou plutôt, ça avait dû, par quelque lent processus psychique, se transformer en une sorte d'injonction hypnotique (accompagnée d'amnésie post-hypnotique?): "Poste des billets sur Sebastian Knight! Poste des billets sur Sebastian Knight!" Justement, voici le texte anglais dont je ne connais que la traduction française citée dans ce billet: nous pouvons à présent juger (favorablement, aurais-je dit, jusqu'à ce que Michael me fasse remarquer, en commentaire, une inexplicable disparition) de la fidélité de la traduction d'Yvonne Davet. Merci Michael!
Vladimir Nabokov: The Real Life of Sebastian Knight, New Directions Publishing, 1941
La Vraie Vie de Sebastian Knight est un roman écrit par Vladimir Nabokov en 1940, à Paris (le roman ne sera publié qu'en 1941 aux États-Unis); il inaugure la carrière d'écrivain anglophone de l'auteur, qui avait, jusque-là, surtout écrit et publié en russe.
Le narrateur, un émigré russe établi en France, comme Nabokov à ce moment de sa vie, est le frère de Sebastian Knight; il ne se considère pas lui-même comme un littéraire et n'ose pas se comparer à son frère récemment décédé: « il y a entre son pouvoir d'expression et le mien une différence comparable à celle qui existe entre un piano Pleyel et une crécelle de bébé » écrit-il, et il lui arrive de prier le lecteur d'excuser le «faible niveau d'anglais» de ses écrits: en effet, alors qu'il n'a une bonne maîtrise que du français et du russe - encore une différence avec son frère qui, lui, était parfaitement trilingue - le narrateur laisse entendre que c'est à un lectorat anglais qu'il destine sa future biographie... Peut-être ce que Nabokov a mis entre nos mains n'est-il pas censé être l'état définitif de la biographie, mais seulement un premier jet? Quoi qu'il en soit, «faible niveau», c'est injustement sévère (serait-ce, de la part de Nabokov cette fois et non de son personnage, excès de précaution ou coquetterie?): tout au plus peut-on trouver quelques formulations bizarres ici et là, qui ne sont du reste pas sans parenté avec les excentricités qui étaient, on nous en a prévenu, la marque du singulier génie de Sebastian.
Le narrateur ne nous donne pas son nom. Mais au cours d'une conversation rapportée, Sebastian l'appelle « V... » et l'on sait qu'il ne porte pas le même nom que lui (ils sont demi-frères, de même père, mais c'est sous le nom de sa mère que Sebastian s'est fait connaître du public). Ce nom de famille paternel laissé dans l'ombre doit être un nom russe et voyons un peu... quels sont les prénoms russes qui commencent par un V? Volodia? Vadim? Vladimir? Ce jeu de devinette est un peu gratuit; continuons d'appeler l'apprenti-biographe « V... »
Comment Sebastian travaillait-il sa prose, jusqu'à lui donner l'éclat singulier qu'admire V? Inventoriant le contenu des tiroirs du défunt, V découvre un fragment de brouillon:
... un bout de papier sur lequel il avait commencé d'écrire une histoire - il n'y avait qu'une unique phrase s'arrêtant court, mais qui me donna l'occasion d'observer le bizarre procédé de travail de Sebastian consistant, en cours de composition, à ne pas biffer les mots qu'il venait de remplacer par d'autres; si bien que, par exemple, la phrase sur laquelle j'étais tombé se déroulait comme suit:
« Comme il avait le sommeil. Ayant le sommeil profond, Roger Rogerson, le vieux Rogerson acheta, le vieux Rogers acheta, craignant tellement Ayant le sommeil profond, le vieux Rogers craignait tellement de manquer le lendemain. Il avait le sommeil profond. Il craignait mortellement de manquer l'événement du lendemain la splendeur un des premiers trains la splendeur aussi ce qu'il fit fut d'acheter et de rapporter chez lui un d'acheter ce soir-là et de rapporter chez lui non un mais huit réveils différents par la taille et la vigueur du tic-tac neuf huit onze réveils de différentes tailles lesquels réveils neuf réveils qu'il plaça qui fit ressembler sa chambre plutôt à ».
Vladimir Nabokov: La vraie vie de Sebastian Knight . Traduit par Yvonne Davet, Gallimard (Du monde entier, 1951, 1962); Folio n° 1081, 1979
La date du 19 novembre, je n'avais pas envie de l'appeler un anniversaire, parce qu'un anniversaire ça devrait être gai, et le 19 novembre c'est une date triste, c'est ce jour-là qu'est mort Bruno Schulz. Mais John Coulthart, dont l'attention est toujours en éveil, vient juste de nous signaler que les frères Quay, qui travaillent depuis des années à l'adaptation en animation image-par-image du livre de Bruno Schulz, Sanatorium pod Klepsydrą (que son éditeur français a préféré appeler Le Sanatorium au croque-mort, pourquoi? je ne sais pas), viennent de terminer un court métrage - pas en animation: à partir d'images d'archives - sur la vie trop brève de Bruno Schulz. Merci John Coulthart! Et il nous a fourni les liens vers ce court métrage, ainsi que vers un extrait prometteur (et déjà un peu ancien) du film d'animation.
Un jour on le verra, ce long métrage animé (longues ou courtes, les animations des frères Quay sont toutes de petites merveilles - je suppose que vous en avez vu - mais il leur faut du temps, aux frères Quay, pour les faire, c'est long, l'animation image-par-image) et ce jour-là on sera contents: le temps sera aboli, comme dans le rêve de Jerzy Ficowski (vous vous souvenez?). Vous remarquerez, d'ailleurs, que le documentaire, les frères l'ont dédié à Jerzy Ficowski, pour des raisons évidentes.
Commencement du mois des frimas, dernier jour de novembre.
Novembre est, on nous l'a appris à l'école, un mois propice aux Révolutions d'Octobre. Bon, c'est râpé pour cette année. Peut-être peut-on espérer, en mars de l'année prochaine, une Révolution de Février, qui sait?
C'est l'annonce de la mort de Jean Teulé qui m'a ramené à l'époque où, dans des journaux en papier, on découvrait tous les mois des BD qui ne ressemblaient à rien de déjà vu. C'est ce qui m'a fait m'écrier, l'autre jour: Tudieu, mécréant, tu n'as toujours pas parlé d'Alex Barbier! J'ai donc parlé d'Alex Barbier d'abord, pour respecter tant bien que mal la chronologie nécrologique, mais j'avais le coeur gros pour Jean Teulé, qui avait débuté presque en même temps que Barbier - mais pas dans le même journal: Barbier est resté très longtemps à Charlie (aux éditions du Square), Teulé, il était plutôt Éditions du Fromage. Teulé doutait-il d'avoir l'étoffe d'un dessinateur? (pourtant, on pourrait dire qu'il a inventé, ou contribué à inventer, un genre: la BD-collage) ce qui est sûr, c'est qu'il s'est senti plus à son aise quand il a commencé à écrire des livres... alors il ne s'est plus arrêté, il a continué à en écrire jusqu'à... il n'y a pas longtemps.
Et je devrais parler davantage de Teulé et de l'Écho des Savanes, mais aujourd'hui c'est de Charlie que j'aurais envie de parler, parce qu'on ne peut pas parler de Charlie sans dire qu'aujourd'hui c'était le centième anniversaire de Charles Schulz: sans Schulz, pas de Linus, pas de Charlie...
Il aurait bien mérité de souffler cent bougies sur un gâteau au chocolat assez gros pour les héberger toutes, et de recevoir en même temps plein de cartes de voeux, de Noël, de nouvel an et de Saint Valentin.
Alors on va lui laisser le dernier mot.
All you need is love.
But a little chocolate now and then doesn't hurt.
Charles Schulz, 1922-2000
"Les apparentements terribles", c'était naguère le titre d'une rubrique du Canard Enchaîné.
On peut aussi appeler ça synchronicité: quelque temps après avoir refermé le roman d'Iegor Gran dont je vous parlais il y a quelques jours, je rouvre (j'éprouvais le besoin d'un peu de légèreté) le petit volume de chroniques parisiennes de la chère Nancy Mitford, et le hasard veut que j'y lise:
Avril 1953
Après le portrait de Staline peint par Picasso, nous avons eu droit, dans l'Humanité, au poème d'Aragon sur le retour de Russie de Maurice Thorez:
Il revient! Les vélos, sur le chemin des villes,
Se parlent, rapprochant leur nickel ébloui.
Tu l'entends, batelier? Il revient. Quoi? Comment? Il
Revient! Je te le dis, docker. Il revient. Oui,
Il revient...
Un texte charmant. Le Canard Enchaîné a écrit à son propos:
"Vous dites qu'il revient", murmure la marquise...
Les discussions au plus haut niveau (des services compétents) sur le portrait de Staline peint par Picasso occupent une place non négligeable dans le roman de Gran; il y est aussi question, de façon plus cursive, des différents séjours de Maurice Thorez en URSS, et le camarade Aragon y est mentionné en des termes flatteurs. En revanche, si on y évoque à plusieurs reprises l'humour du Krokodil de l'ère khrouchtchévienne, on y parle peu du Canard Enchaîné.
Nancy Mitford: Une Anglaise à Paris (chroniques), traduit par Jean-Noël Liaut
Payot Documents ISBN: 978-2-228-90287-8
Petite Bibliothèque Payot ISBN: 978-2-228-90524-4
Vous n'avez plus que quelques jours pour aller voir l'exposition Alex Barbier à la Galerie Martel: elle sera décrochée le 26. J'aurais dû vous en parler beaucoup plus tôt; j'aurais dû vous parler d'Alex Barbier quand j'ai appris sa mort en 2019... mais c'est comme ça, j'aime bien quand les gens restent vivants et je n'aime pas quand les gens meurent. À la limite, je préfèrerais que les gens ne meurent pas, mais il paraît que ce n'est pas envisageable. Alex Barbier aussi, je crois, préférait les petites morts aux grandes; des érudits l'ont comparé à Francis Bacon, à Lucian Freud... pourquoi pas? Mais quand ses premières planches sont parues dans Charlie (mensuel), nous, ses lecteurs, ne trouvions personne à qui le comparer: ça ne ressemblait à rien de ce dont nous avions l'habitude (et pourtant, Charlie, c'était le seul journal de bandes dessinées lu par des gens capables de lire autre chose que des bandes dessinées, avait l'habitude d'insister Wolinski). Allez vous-même vous faire une idée, si vous pouvez, à la Galerie Martel (17, rue Martel - 75010 Paris; ouvert de 14h30 à 19h, du mardi au samedi).
Les images de Shaun Tan sont lumineuses; mieux que ça, illuminantes.
Quand il dessine l'été, c'est l'été, c'est comme ça et pas autrement.
Ça sert à rien de discuter avec l'arbitre.
Parmi les règles de l'été, il y en a qui sont, quand on y réfléchit, des règles de bon sens: par exemple, pour jouer du tambour, il faut taper fort, c'est évident, mais pas fort au point que le rebond du maillet vous le fait lâcher et qu'il tombe par terre: après, il peut rouler hors de votre portée, et alors pour jouer du tambour vous faites comment?
C'est le genre de règle qu'on apprend par l'expérience: une règle comme ça, ce n'est même pas la peine de la formuler. Mais en plus, il y a des règles que les grands connaissent, et les petits pas (et, pas de chance, ce sont justement des règles qu'il ne faut SURTOUT PAS enfreindre, à cause des Conséquences); entendre répéter toutes ces règles, il ya de quoi énerver les petits, comme si ça ne suffisait pas que les grands soient grands, et pas faciles à battre à la bagarre.
"For the little and the big", nous dit la dernière page de ce livre de Shaun Tan.
Qu'est-ce qui est mieux, être un grand frère ou un petit frère? Jouer du tambour ou de la trompette? Pour ça, y a pas de règle. Il y a des règles pour presque tout, mais pas pour tout. C'est important de savoir s'il y a une règle pour ci, ou pas de règle pour ça.
"Ne jamais donner les clés de la maison à un étranger", pourquoi les grands savent ça, et pas les petits? C'est pas juste.
Que la couleur rouge est une couleur spéciale, on le sent confusément, sans vraiment comprendre pourquoi; une couleur qu'il faut prendre au sérieux. On ne doit pas faire n'importe quoi avec le rouge.
Quand Shaun Tan a pressé jusqu'au bout tous les tubes où il y a les plus jolies couleurs - tiens, ce sont justement les plus rouges - pour peindre comme il faut des pastèques, des fraises, des cerises et des gâteaux, tout à coup le monde devient gris et froid, comme quand c'est l'hiver.
Et quand dans une image grise et froide comme l'hiver le rouge réapparaît tout à coup - même si ce n'est qu'une petite tache - on comprend mieux en quoi le rouge est une couleur spéciale.
La règle qui dit qu'il ne faut pas marcher sur les escargots, elle cessera à jamais de vous sembler arbitraire au moment vous frissonnerez en réalisant qu'il y a des affinités mystérieuses entre toutes les spirales de l'univers, depuis l'eau qui tourbillonne au fond du lavabo jusqu'aux tornades et aux galaxies.
Ne vous méprenez pas sur l'air sérieux de grand frère donneur de leçons que prend parfois Shaun Tan: il est exactement comme vous, il rit quand on le chatouille.
Quand on a fini de dessiner les robots, les dinosaures, les dinosaures-robots, les lapins rouges et les bons desserts, on peut poser ses crayons et se reposer en mangeant des popcorns, on a compris pourquoi même dans les tableaux les plus colorés de Van Gogh il y a des corbeaux tout noirs. C'est ça aussi, l'expérience.
Et on sait que si l'échelle est un peu trop courte, Shaun Tan sera là pour vous tendre la main et vous aider à grimper tout en haut de l'image.
Je crois que j'aimerais bien avoir un grand frère comme Shaun Tan.
Les lois de l'été, c'est un de ces livres que Shaun Tan "conçoit comme des œuvres destinées à un public d'adultes", et qui sont cependant souvent "catégorisés de par leur format en ouvrages jeunesse"; Shaun Tan, ça ne le dérange pas, il n'y a pas de raison que ça vous dérange vous non plus, vous êtes grand? vous êtes petit? lisez-les.
Shaun Tan, Les lois de l'été (Rules of Summer; Lothian Books, 2013; Arthur A. Levine Books, 2014) traduit par Anne Krief, Gallimard jeunesse, 2014
ISBN 978-2-07-065242-6
Il s'en est passé des choses le 11 novembre (il y a des dates comme ça, qui ont un agenda chargé... ce n'est pas Didier Da Silva qui dirait le contraire). Par exemple, c'était l'anniversaire de Kurt Vonnegut: il est né le 11 novembre 1922, il y a juste cent ans! Ces dernières années, j'avais un peu perdu l'habitude de lui souhaiter son anniversaire; il faut dire que depuis qu'en avril 2007, il est parti, appelé par des affaires urgentes, pour la planète Tralfamadore (d'où viennent les soucoupes volantes), il ne peut plus guère répondre aux cartes de voeux. Heureusement, un de nos blogs préférés, feuilleton, est là pour nous rafraîchir la mémoire! Alicia Raitt (merci, John Coulthart, pour le lien) a relu tous les romans de Kurt Vonnegut (ce qui est déjà une très bonne idée: vous devriez en faire autant) et leur a imaginé des couvertures toutes neuves. Bravo Alicia, et bon anniversaire Kurt! Je suis un peu en retard, mais un centième anniversaire, on peut l'étaler sur quelques jours, non?
Les P'tits bateaux étaient une des dernières émissions de France-Inter que j'écoutais encore (régulièrement: j'essayais même de ne pas en rater une).
Sa pétulante animatrice, Noëlle Bréham, "vient d'être brutalement licenciée après 40 années de CDD successifs imposés" pour "avoir osé demander un CDI en application du Code du travail", selon un communiqué de son avocat Maître Yoann Sibille.
"La décision d'une séparation s'est faite à regret, après avoir constaté que Noëlle Bréham n'avait pas souhaité régulariser sa situation contractuelle deux mois après le début de la saison en cours, malgré plusieurs rappels", a indiqué Radio France dans un communiqué. Radio France ne souhaite "pas commenter la procédure en cours par ailleurs devant la justice mais simplement souligner que cela n'avait pas eu de conséquence sur le souhait de part et d'autre de continuer à travailler ensemble". "France Inter a en effet proposé à Noëlle Bréham de poursuivre son émission sur la grille de France Inter cette année, et elle l'avait accepté et produisait son émission normalement depuis la rentrée", conclut Radio France.
Bien joué, Radio France. Voilà une explication lumineuse: pas de jambes, pas de contrat, ça vaut bien pas de bras, pas de chocolat.
Nous avons donné, en vérité, un admirable exemple de résignation. L'ancien temps avait vu jusqu'où pouvait aller la liberté, mais nous avons vu, nous, jusqu'où peut aller la servitude, quand les espions nous confisquaient jusqu'à la possibilité d'échanger des paroles. Nous aurions même perdu la mémoire avec la voix, s'il était autant en notre pouvoir d'oublier, que de nous taire.
Tacite, Vie d'Agricola, II, 3
Iegor Gran est un nom de plume. Pour l'état-civil, il s'appelle... mais je vais vous le laisser deviner, ça vous mettra dans le bain, après tout, le thème de ce roman policier, c'est la découverte d'une identité cachée. Je vous donne un indice: Iegor Gran apparaît sous son vrai nom (Iegorouchka!) dans le roman, pour quelques instants seulement, ce n'est pas lui le protagoniste. Gran n'a pas choisi la facilité en racontant l'histoire de son point de vue, ou de celui de gens dont il a été proche: ç'aurait été faire preuve d'un individualisme bourgeois, ce qui, justement, est fortement déconseillé par les services compétents. Au lieu de cela, il donne la place principale dans son livre à un personnage dont les principaux attributs sont la compétence, et le dévouement au service auquel il appartient: le KGB.
Les missions des services compétents sont claires.
Elles ont été rappelées noir sur blanc dans le protocole n° 200 du 9 janvier 1959, rédigé après la réunion du Comité Central du Parti communiste de l'Union Soviétique. "Le KGB est un organe réalisant les décisions du Comité Central du Parti relatives à la sécurité de l'état socialiste confronté aux attaques de ses ennemis extérieurs et intérieurs. Cet organe se doit de surveiller attentivement les tentatives secrètes des ennemis du pays des Soviets, de mettre au jour leurs projets et de mettre un terme aux agissements crapuleux des agences de renseignement impérialistes."
Il en découle une attitude saine de défiance envers tout le monde.
Iegor Gran, Les services compétents
Le lieutenant Ivanov (du KGB, donc) est jeune encore, un sujet prometteur, quand on le met sur une piste: on signale la parution en Occident d'un détestable pamphlet: Le Réalisme Socialiste, ça s'appelle. D'un certain Abram Terz. Inconnu, aucune fiche à ce nom. Serait-ce un nom de plume? Tout est ambigu dans cette affaire: les motivations de l'auteur du livre ne sont pas claires, le Réalisme Socialiste, cette révolution dans la Révolution, y reçoit de nombreux éloges, mais formulés d'une façon telle qu'on peut se demander si l'auteur n'a pas voulu dissimuler ses intentions véritables - des intentions contre-révolutionnaires! Comme si le KGB n'avait pas assez de travail avec l'affaire Pasternak (le Docteur Jivago: encore un livre publié à l'étranger, sans autorisation!).
- Et si cet Abram Terz était... Pasternak? lance le lieutenant-colonel Pakhomov pendant une réunion de service. Pakhomov venait de lire (en anglais, dans un livre confisqué lors d'une perquisition) une enquête d'Agatha Christie, où le coupable était le narrateur, et, pour cette raison, personne ne pouvait y songer. L'astucieuse hypothèse est discutée.
Et bien d'autres hypothèses seront discutées pendant cette enquête qui durera six ans (cet Abram Terz est une anguille! s'indignera un enquêteur; un ténia! suggèrera un autre). Bref, l'enquête sera riche en rebondissements; les services compétents en viendront même (un moment) à soupçonner un de leurs indics les plus zélés! Quand on vous le dit, qu'il faut se méfier de tout le monde.
L'intérêt du roman ne réside pas seulement dans l'exposition des méthodes du KGB pour distinguer le bon grain de l'ivraie et, en parallèle, de celles des dissidents pour se fondre dans le paysage. L'auteur évoque avec ce qui ressemble bien à de la tendresse les ressources inépuisables de bonne humeur qui ont permis à ses compatriotes d'affronter les innombrables petites difficultés de la vie quotidienne dans un pays qui en dépit de bien des obstacles ne perdait jamais de vue son objectif: construire un avenir radieux; oui, il est difficile de se procurer des pommes et des oranges, et alors? Quand on en trouve, ça embellit les fêtes. Oui, il faut parfois détonner (discrètement) une petite charge nucléaire pour étouffer un incendie incontrôlable dans un puits de mine: heureusement il y a des services compétents pour empêcher les fuites. À chaque page abondent les détails sur les particularités de la vie quotidienne dans la Russie du temps de Khrouchtchev. Certaines de ces particularités seront utiles aux enquêteurs du KGB (la vie quotidienne en URSS est la meilleure des écoles de patience), d'autres (les mêmes, en fait) permettront à ceux qu'ils traquent de ne jamais perdre espoir (la vie quotidienne en URSS est la meilleure des écoles de patience).
Où sont les héros positifs? Les victoires? Où est la morale de l'histoire?
se demande le lieutenant Ivanov, après avoir refermé un de ces livres dépourvus d'utilité pour la construction du socialisme qu'il était obligé de lire, dans le cadre de ses missions pour le Service. La morale du roman de Iegor Gran, elle, est claire (enfin... il me semble). Les mérites du lieutenant Ivanov seront reconnus: en fin de carrière, il parviendra au grade de général et dirigera la Cinquième Section du KGB. Une carrière exemplaire. Quant à Terz, démasqué (Abram Terz, c'était bien un nom de plume!), après un procès qui aura un certain retentissement (ça vous rappelle quelque chose, le procès Siniavski?) il fera cinq ans de camp, puis s'exilera à Paris, avec sa femme Maria et leur petit Iegorouchka, qui, devenu grand, écrira lui aussi des livres aux intentions ambiguës. La pomme ne tombe jamais loin du pommier.
Iegor Gran, Les services compétents (aucun nom de traductrice ne figure dans l'édition que j'ai sous la main: c'est peut-être prudent, on ne sait jamais); POL, 2020: Folio n°6975, 2021
Oui, Sebastian aimait beaucoup à se prélasser dans un bateau plat sur la Cam. Mais ce qu'il aimait par-dessus tout, c'était de rouler à bicyclette à la brune le long d'un certain sentier longeant des prairies. Et il s'asseyait sur une barrière pour regarder les traînées de nuages rose-saumon virer au cuivre terne dans le ciel pâle du soir, et réfléchir à des choses. À quelles choses? À cette jeune fille à l'accent vulgaire qui portait encore en nattes ses cheveux flous, qu'une fois il avait suivie à travers le pré communal, abordée et embrassée, et qu'il n'avait jamais revue? À la forme d'un certain nuage? À quelque coucher de soleil brumeux par delà un noir bois de sapins, en Russie (oh! que n'aurais-je pas donné pour que ce fût un tel souvenir qui lui revînt!)? À la raison d'être profonde du brin d'herbe et de l'étoile? Au langage ignoré du silence? À l'effrayante pesanteur d'une goutte de rosée? À la beauté déchirante d'un caillou parmi des millions et des millions de cailloux, tout cela ayant un sens, mais quel sens? À la vieille, vieille, question: Qui suis-je? À son propre moi se défaisant étrangement dans le crépuscule, et, tout autour, à l'univers de Dieu que personne ne connaît? À moins que nous ne soyons plus proches de la vérité en supposant que, tandis que Sebastian était assis sur cette barrière, son esprit était un chaos de mots et d'idées, d'idées incomplètes et de mots insuffisants; mais déjà il savait que cela, et cela seulement, était le réel de sa vie et que sa destinée l'attendait au-delà de ce champ de bataille spirituel par lequel il passerait au temps voulu.
Vladimir Nabokov: La vraie vie de Sebastian Knight
(The Real Life of Sebastian Knight, New Directions Publishing, 1941)
Traduit par Yvonne Davet, Gallimard (Du monde entier, 1962);
Folio n° 1081, 1979
Les indices ne vous manquaient pas, amis lecteurs férus de déductions: vous saviez que j'aimais bien Zach Weiner, vous saviez que j'aimais bien Boulet, vous saviez que j'aimais bien la mythologie scandinave, et après ce que je vous ai confié dans le dernier post au sujet de mes préférences littéraires, vous connaissez mon âge mental. Vous ne serez pas surpris que je consacre un billet à cette nouvelle nouvelle: Weiner et Boulet, complices de longue date, qui avaient déjà secoué la légende arthurienne en co-signant Augie et le Chevalier Vert, secouent maintenant rien de moins que l'Arbre du Monde en le mettant au centre (forcément) de leur relecture de la saga de Beowulf! Ça s'appellera Bea Wolf et on peut s'attendre à ce que ça bouge au moins autant que dans les aventures d'Augie (probablement même plus). Ils s'y prennent à l'avance pour en annoncer la sortie chez Macmillan / First Second en février prochain (il vous faudra attendre encore un peu pour une édition française): c'est une attention délicate, ça vous laisse du temps pour faire des économies le précommander.
Qu'ai-je lu récemment? Un roman de Susan Fletcher: L'alphabet des rêves, paru dans la collection Gallimard jeunesse. J'avais besoin, pour garder le moral en ces temps troublés, d'une lecture un peu "feel good" (alors spoiler: ça finit bien). Sur la quatrième de couverture, sous un résumé succinct - comme c'est souvent le cas pour les 4 de couv', celle-ci survend un peu l'histoire: "... un conte envoûtant dans la splendeur du désert"; en fait, vous découvrirez que, splendeur mise à part, le désert, c'est chaud (le jour), froid (la nuit) et ça fait mal aux pieds (tout le temps) - figure la mention: à partir de 10 ans. Ça va, je les ai les dix ans, et même un peu plus: je peux le lire. En plus, il y sera question de rêves, d'aventures et de voyages: ceux de mes lecteurs qui me connaissent bien savent que ça suffit à me mettre en appétit.
Quand nous vivions dans la Cité des Morts, chaque nuit ou presque, mon frère rêvait de choses à manger. Roulé en boule sur le sol de pierre au milieu des ossements, il imaginait des banquets, avec des melons et des olives, des pois chiches et des dattes, des lentilles et du pain. Rien n'était trop beau pour ses rêves nocturnes, pas même ces mets rares qui faisaient les délices des nobles - zestes de citron enrobés de miel, amandes, viande d'agneau rôtie dans le safran.
Je me demandais comment il avait entendu parler de ces nourritures. À moins que notre nature profonde ne remonte à la surface pour se révéler dans nos songes? La dernière fois que nous avions mangé comme des nobles, c'était trois ans plus tôt, alors que Babak avait à peine deux ans.
En plus, bizarrement, ces repas rêvés semblaient le rassasier. Quand il s'éveillait, il n'était pas affaibli ni rendu grognon par la faim, comme je l'étais, moi. L'arrière-goût de ses festins nocturnes semblait l'illuminer et son visage rayonnait de joie.
- Grande soeur! Le rêve que j'ai fait! Des pois chiches rôtis! J'en ai mangé à m'en faire éclater le ventre! et des oranges, toutes pelées pour moi et saupoudrées de feuilles de menthe! Et des tartines chaudes avec des graines de sésame!
Mais l'évocation de ces festins ne faisait que me donner plus faim encore et me rendre plus grincheuse. Je finissais par le rabrouer:
- Bouge-toi, Babak!
Je l'entraînais dans le dédale de couloirs souterrain et nous sortions pour aller aux portes de Rhagae.
- Les rêves, ça ne se mange pas, avais-je coutume de lui rappeler.
Mais là, j'avais tort. Les rêves peuvent vraiment vous nourrir et vous permettre aussi de faire dans la vie réelle des voyages lointains vers des endroits qui passent l'imagination.
Je le sais bien, car c'est ce qui nous est arrivé.
Hé bien voilà un premier paragraphe qui nous en dit juste assez mais pas trop (comme une bonne bande-annonce): on va nous raconter les aventures d'un petit frère (Babak) et d'une grande soeur (Mitra, mais il ne faut pas oublier de l'appeler Ramin, parce qu'elle fait semblant d'être un garçon - elle s'est rasé la tête, et porte des habits de garçon; comme en plus elle est toute maigre, ça ne se voit pas que c'est une fille, ça vaut mieux parce que ça pourrait lui causer des problèmes). Et puis c'est plus pratique pour courir, se cacher et voler de quoi manger. On n'a pas toujours des melons et des olives:
Le vin était amer, le pain rassis et le fromage commençait à moisir. Je m'en moquais bien. Ça étanchait ma soif et me remplissait le ventre.
Il y a des méchants très très méchants, mais ils n'occupent pas trop de place. Il y a des gentils très gentils, mais pas le genre de gentil qui se la raconte "je suis le gentil, alors c'est à moi que les choses les plus intéressantes doivent arriver": sagement, l'auteur place certaines de ces choses les plus intéressantes un peu en retrait, à la limite du champ de vision des protagonistes. Entre gentils et méchants, beaucoup de personnages se situent dans la fameuse zone grise (même l'héroïne, en fait): ça rend certaines choses moins évidentes: ça aussi ça contribue à rendre l'histoire intéressante.
Y a-t-il des éléments qui enferment ce livre dans la catégorie "roman pour la jeunesse"? Bon, parfois des préoccupations didactiques (ce n'est pas de la pure fantasy; ça se passe dans un pays et à une époque qui ont vraiment existé, et l'auteur ne nous laisse pas oublier qu'elle s'est documentée!) ralentissent un peu le rythme du récit, mais pas trop. Parfois aussi, ce sont des ficelles un peu grosses qui mettent en mouvement le mécanisme de l'histoire: mais quand on a dix ans (j'ai, en fait, un peu plus de dix ans, mais je me souviens parfaitement de ce que j'aimais à cet âge) ça ajoute au charme de la lecture, de pouvoir se dire de temps en temps; "oh, là, je devine tout seul comme un grand ce qui va arriver au prochain chapitre!"...
Une des choses les plus réussies du livre, c'est la façon dont le monologue intérieur de Mitra nous laisse deviner, progressivement, par très petites touches, par quels changements elle passe entre la première et la dernière page. Mitra est-elle un "narrateur fiable"? À peu près, mais ses perceptions sont faussées par la présence d'un gros "point aveugle" (et le "point aveugle", qu'on emploie ce terme au sens propre ou au sens figuré, il se trouve toujours au milieu du champ de vision).
Une autre réussite (euh... vous avez sans doute déjà compris, attentifs lecteurs, que j'ai pris plaisir à la lecture de ce petit livre sans prétention?): les passages où l'on trouve du réconfort dans des choses simples.
Des melons de deux sortes: verte et orange. Trois variétés d'olives. De l'agneau rôti et des perdrix. Toute une pile de pains sortant du four. Un plateau sur lequel s'amoncelaient des carrés de fromage de chèvre. Des pâtisseries dégoulinant de miel.
Bon appétit.
Susan Fletcher: L'alphabet des rêves (Alphabet of Dreams, Simon & Schuster 2006) traduction de Philippe Morgaut, Gallimard jeunesse 2007 ISBN: 978-2-07-057779-8
Jusqu'à présent, 222 journées de 2022 ont été suivies de nuits de mauvais sommeil. Dès ce soir, ça devrait commencer à aller mieux pour tous les gens qui ont la chance de ne savoir compter que jusqu'à deux; les autres devront attendre encore un peu.
Touchez mon blog, Monseigneur vient de signaler la réédition récente (chez L'Arbre Vengeur, vous pensez!) d'un bon vieux recueil d'Abraham Merritt: La femme du bois. Quant au Bison, il vous recommande un livre québécois intitulé Femme-forêt, d’Anaïs Barbeau-Lavalette; livre dans lequel, dit-il, "on devient forêt" (vous voyez se dessiner une tendance?).
Que dites-vous? Vous aussi vous aimeriez vous promener dans les bois et vous ne pouvez pas, parce que ceci, parce que cela?... D'accord, voici une micro-liste de promenades dans les bois que vous pourrez faire sans quitter votre cocon.
Mon préféré dans ce lot: Sur les ossements des morts, d'Olga Tokarczuk.
Dans cet extrait, voici Madame Doucheyko qui parle à une écrivaine que le hasard a mis sur son chemin:
Je pensais pourtant qu'en tant qu'écrivaine, vous aviez de l'imagination et une capacité à voir plus loin que la réalité, et que vous ne réfutiez pas d'emblée ce qui, à première vue, peut paraître invraisemblable. Vous devriez savoir que tout ce que nous pouvons croire est déjà une sorte de vérité, ai-je conclu en citant Blake de mémoire, et il m'a semblé que cela avait produit son effet.
Madame Doucheyko, la narratrice de Sur les ossements des morts, n'aime pas qu'on prononce mal son nom: c'est Doucheyko pas Douchenko. Entraînez-vous à bien prononcer le nom de Madame Tokarczuk, au cas où vous la rencontreriez, ce sera mieux. Car il était temps qu'on s'aperçoive de l'existence d'Olga Tokarczuk, elle a de l'imagination et une capacité à voir plus loin que la réalité, et ce qu'elle voit elle l'écrit drôlement bien. Des livres, elle en a écrit de toutes sortes; là, elle nous offre un récit... policier, si on veut: c'est un roman policier à peu près autant que Dead Man, de Jim Jarmush, était un western (et dans ces deux récits on cite beaucoup William Blake: ça leur fait plusieurs points communs - outre les grands bois traversés). On y éclaircit des mystères d'une façon pas très conventionnelle: les policiers assermentés en restent baba. J'ai été enchanté de faire la connaissance de Madame Doucheyko, j'adorerais la voir, dans d'autres livres, s'attaquer à d'autres énigmes... mais c'est peu probable, je le crains, elle est passée à autre chose.
Un blogueur a aimé!
Dans les bois, de Harlan Coben, c'est l'exact opposé de Sur les ossements des morts: un polar on ne peut plus classique, qui offre exactement ce qu'on a l'habitude d'attendre des polars de Harlan Coben, si vous en avez déjà lu vous ne serez que modérément surpris (et si vous aimez Coben, vous ne serez donc pas déçu). On n'y cite pas William Blake, l'écriture est beaucoup plus plate (on va dire neutre, c'est plus gentil) mais le titre n'est pas trompeur: il y est question de bois.
La forêt d'Iscambe... ah! La forêt d'Iscambe. C'est un livre de Christian Charrière que, dans ma jeunesse, tous mes copains amateurs de jeux de rôles se recommandaient chaudement les uns aux autres: c'est ainsi qu'on me l'a recommandé plusieurs fois et que j'ai fini par le lire. J'y ai pris plaisir... mais un petit peu moins, je dois l'avouer, que je ne m'y attendais. Le conseil était bon cependant, et si le livre intéresse tant les rôlistes, c'est qu'il raconte un long et sinueux voyage (dans une forêt) où l'on fait des rencontres surprenantes: presque comme dans une campagne de jeu de rôles, et les meneurs de jeu peuvent y puiser des idées à volonté. Et c'est peut-être parce que je ne l'ai lu qu'après beaucoup de parties (de jeux de rôles) que j'ai trouvé certaines des surprises que Charrière a préparées pour ses lecteurs un peu moins imprévisibles qu'il ne souhaitait, visiblement, qu'elles le soient.
Les grands bois, d'Adalbert Stifter, c'est une autre affaire: si c'est du style que vous cherchez, c'est là que vous le trouverez. Un style travaillé, ciselé, chantourné comme on n'en fait plus. Et une intrigue aussi romantique que le style.
Dans une vallée aux vertes prairies se dressait une puissante tour quadrangulaire, environnée des ruines des bâtiments qui l'avaient entourée. Elle n'avait plus de toit, et les portes dans ses murs d'enceinte étaient détruites; elle était telle qu'on la voit de nos jours, si ce n'est que les pierres dénudées de ses murailles n'avaient pas pris encore la couleur grise et vétuste qu'elles ont maintenant; elles étaient encore revêtues de chaux et de crépi, mais leur blancheur était salie par les affreuses marques de l'incendie, qui, partant des fenêtres, se dirigeaient vers le haut, semblables à des panaches de comètes.
Des paysages en parfait accord avec des sentiments nobles et véhéments, semblables, eux aussi, à des panaches de comètes. C'est ce que nous aimons, n'est-ce pas?
Dans la forêt, de Jean Hegland. Là, ça se passe entièrement dans la forêt, comme l'annonce le titre. Ça se met en place lentement, il y a peu de ruptures de rythme, mais une fois que ça vous tient, ça vous tient bien. Et, d'une certaine façon, ce livre dialogue avec celui d'Olga Tokarczuk: il y est aussi question de la façon dont les humains interagissent avec le reste des êtres vivants, vous verrez. Le choix de la forêt comme décor unique est judicieux: dans une forêt, il se passe des choses qu'on ne voit pas et qui ont des conséquences qu'on ne constate que longtemps après (par exemple il pousse des champignons - mais c'est juste un exemple; il y a d'autres choses)... et puisque ce roman a été adapté en BD aux éditions Sarbacane, avec des dessins pleins de sensibilité de Lomig (vous avez donc le choix: roman, bande dessinée, ou les deux - moi je dirais les deux) pourquoi ne pas terminer ces recommandations par un livre dessiné - pas tout à fait une BD, mais presque:
Bois profonds de Raphaële Frier et Amélie Jackowski: Bois profonds est un petit livre d'images qui peut se lire, littéralement, dans les deux sens, car il est en français et en arabe. En principe, le français, ça se lit de gauche à droite, et l'arabe de droite à gauche: c'est pour ça qu'il y a "deux premières pages", une de chaque côté du livre. Mais la version française comme la version arabe peuvent se lire dans un sens ou dans l'autre: selon qu'on tourne les pages dans un sens ou dans l'autre, on lit deux histoires légèrement différentes, racontées avec les mêmes images en lavis gris-bleuté.
Alors, on avance, / on s'enfonce sans se retourner / le coeur à l'épreuve / dans la sombre forêt...
Jusqu'au moment où / jusqu'à l'endroit qui / pourquoi, comment, on ne sait pas / mais on y est.
Celui-là, vous aurez peut-être un peu plus de mal à le trouver en librairie que les autres (tous les autres sont disponibles en poche, certains dans plusieurs éditions, neufs ou d'occase): mais vous pouvez le découvrir sur le site de son éditeur, le port a jauni!
Et savez-vous qu'Emily Carroll aussi a écrit (et dessiné) un album intitulé, lui aussi, Dans les bois? Que voulez-vous, c'est un titre qui dit bien ce qu'il a à dire, pas étonnant qu'on en trouve autant de variantes. Il faudra que je vous en parle...peut-être en même temps que de cet autre album d'Emily Carroll, Quand je suis arrivée au château... Emily Carroll mérite au moins un billet pour elle toute seule!
Récapitulons:
La femme du bois d'Abraham Merritt, traduit par France-Marie Watkins, L'arbre vengeur, 2022. ISBN: 978-2379411380
Dans les bois, de Harlan Coben, traduit par Roxane Azimi, Pocket, 2009. ISBN: 978-2266207638
La forêt d'Iscambe de Christian Charrière, Points (réédition) ISBN: 978-2757814314
Les grands bois, d'Adalbert Stifter, traduit par Henri Thomas, Gallimard. ISBN: 978-2070143283
Dans la forêt, de Jean Hegland, traduit par Josette Chicheportiche, Gallmeister. ISBN: 978-2782351786444
Bois profonds de Raphaële Frier (texte) et Amélie Jackowski (dessin), texte arabe de Nada Issa, Le port a jauni, 2021. ISBN: 978-2919511815
Le loup n'est pas là, il est très occupé ailleurs: on ne sait pas si ça va durer, profitez bien de vos promenades (virtuelles ou pas) dans les bois.
... mais si j'étais à votre place, je prendrais le train pour Clermont-Ferrand.
Jo Walton, qu'on aime bien ici (vous aviez remarqué?), sera ce week-end (les 23, 24 et 25) aux Aventuriales (à Ménétrol: c'est en Averoigne - pardon, en Auvergne, pas loin de Riom): un festival comme on les aime, plein de bouquins bizarres. Vous avez jusqu'à ce dimanche pour lui présenter timidement votre exemplaire de son dernier roman, dont la traduction française vient tout juste de paraître: ça s'appelle Ou ce que vous voudrez; vous verrez, elle écrira dessus tout ce que vous voudrez (ou à peu près tout) et signera avec un large sourire.
J'ai pensé que ça vous intéresserait.
Deuxième semaine de septembre. Toujours peu d'occasions de se réjouir.
Vous n'avez pas oublié, lecteurs attentifs, l'académicien don Gregorio Salvador faisant la leçon à Arturo Pérez-Reverte: Julián Marías, qui a été notre collègue à l'Académie, le père de Javier Marías, le romancier... Et voilà qu'il est mort, Javier Marías, le romancier...
Je dois confesser mon ignorance totale de l'oeuvre de Marías père et, presque totale, de celle de Marías fils; et, ne connaissant pas davantage l'opinion du professeur Salvador sur les institutions monarchiques, je ne saurais vous dire pour quelle raison il omettait de mentionner la dignité singulière dont avait été revêtu Javier Marías: il avait reçu la récompense traditionnellement promise par les chevaliers errants à leurs écuyers: une île pour royaume. Ça, au moins (vous connaissez mon intérêt pour la préservation des moeurs chevaleresques) j'en avais entendu parler. Le 6 juillet 1997, Javier Marías devint roi d’un îlot des Caraïbes, quand le monarque du royaume de Redonda, Juan II (l’écrivain John Wynne-Tyson, ardent défenseur des droits des animaux) abdiqua en sa faveur. Le titre de roi de Redonda (nous dit Wikipedia) se transmet dans la sphère des lettres pour perpétuer l’héritage littéraire des rois précédents (n'est-ce pas joliment tourné?): Felipe Premier (Matthew Phipps Shiel, l'auteur azimuté du Nuage pourpre) et Juan Premier (John Gawsworth, un des biographes d'Arthur Machen). Javier Marías accepta de perpétuer la légende et prit le nom de Xavier Premier. C'est une tradition, chez les souverains redondiens, d'afficher des préférences qui ne sont pas celles de tout le monde. Interprétant cette tradition à sa manière, Marías créa sa propre maison d’édition, Reino de Redonda (Royaume de Redonda) spécialisée dans la littérature fantastique.
La popularité de l'idée de monarchie connaît des hauts et des bas, en l'île Redonda comme ailleurs (cette île ronde n'a-t-elle pas été facétieusement surnommée "l'île de trop de rois", alors même que ses seuls habitants permanents sont des oiseaux de mer?); il reste cependant communément admis qu'au moment de la mort d'un roi il convient de crier "Vive le roi!".
Mais que convient-il de crier quand meurt Axel Jodorowsky, éphémère phénix dans le Santa Sangre de son père Alejandro?
photo, par William Klein |
The wide-eyed mess sergeant filled the glasses in dead silence. Once more the colonel rose, but his hand shook, and the port spilled on the table as he looked straight at the man in Little Mildred's chair and said, hoarsely, "Mr. Vice*, the Queen." There was a little pause, but the man sprang to his feet and answered, without hesitation, "The Queen, God bless her!" and as he emptied the thin glass he snapped the shank between his fingers.
Long and long ago, when the Empress of India was a young woman, and there were no unclean ideals in the land, it was the custom in a few messes to drink the Queen's toast in broken glass, to the huge delight of the mess contractors. The custom is now dead, because there is nothing to break anything for, except now and again the word of a government, and that has been broken already.
Rudyard Kipling, The Man Who Was (1889)
repris dans le recueil Mine Own People (1891)
*Clarification pour le lecteur français: le colonel, présidant la tablée du haut bout de la table, s'adresse au personnage assis à l'opposée, au bas bout, comme à son "vice-président", Mr. Vice.
On dirait que la canicule est rentrée dans sa niche (jusqu'à l'année prochaine?). Qu'est-ce qui vient après l'été? L'automne, non?
Sans attendre l'arrivée officielle de l'automne, et après avoir pris de très brèves vacances, Rachel Smythe a entrepris de nous raconter la suite des aventures de Perséphone et Hadès: la troisième saison de Lore Olympus commence. Et les débuts sont encourageants; notre couple bicolore échange des serments solennels:
"I will love you, even when all the mortals have forgotten about us and we are nothing but stardust..."
Ouf! On avait eu chaud, dans la deuxième saison (n'est-ce pas?).
Mais déjà des complications apparaissent à l'horizon...
Dans les librairies, vous pouvez déjà trouver (au choix, en français ou en anglais) les deux premiers volumes de la version "papier". Comme on pouvait s'y attendre, il y a quelques petites choses qui se sont perdues, lors de la transition webcomic-papier; les couleurs ne sont évidemment pas aussi lumineuses que sur écran, les responsables de l'édition ayant choisi de ne pas les désaturer (la décision était sûrement difficile); manque aussi le rythme syncopé que seul pouvait permettre le défilement vertical... mais c'est quand même une belle édition! Et la version "série animée", me demanderez-vous? Hé bien... rien de nouveau pour le moment.
Et pendant ce temps, François Bon explique des choses. Et il explique bien.
Quand je pense que si j’étais mort le 31 août 1992, on célébrerait aujourd’hui le trentième anniversaire de ma disparition ! Le trentième, vous vous rendez compte ?! Pleurons ensemble, mes amis.
Synchronicité. On raconte que ces derniers temps, Mikhail Gorbatchev, ancien Secrétaire Général de comité, se parlait à lui-même à voix basse: "Où en serions-nous si j'étais mort, par exemple, le 31 août 1991? Irait-on déposer des fleurs devant mes statues?"
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