jeudi 2 août 2012

Et elle parlait comme si elle récitait des titres de poèmes (Murakami Haruki, 10)



- Pardon? fit-elle.

- DE LA DOCUMENTATION SUR LES CRÂNES DE MAMMIFÈRES, répétai-je en insistant sur chaque syllabe.

- Crânes de mammifères? fit la fille d'un ton chantant.
Prononcé comme ça, on aurait dit le titre d'un poème.

Vous savez, comme un poète qui annonce au public le titre d'une œuvre avant de la réciter. Je me demandais si elle répétait toujours comme ça quand des gens la consultaient pour des références de livres.
Si elle prononçait de la même manière Histoire du théâtre de marionnettes ou bien Introduction à l'astrologie
Je me dis que ça serait super s'il existait des poèmes avec des titres pareils. 

Elle réfléchit profondément quelques instants en se mordillant la lèvre inférieure, puis sur un "Attendez un peu, je vais voir", elle me tourna complètement le dos, et se mit à taper sur le clavier de son ordinateur le mot MAMMIFÈRES. Les titres d'une vingtaine d'ouvrages apparurent sur l'écran. Elle en effaça les deux tiers. Puis, ayant mis le reste en mémoire, elle tapa cette fois le mot OSSATURE. Sept ou huit titres sortirent, elle en sélectionna deux et les aligna sous ceux mémorisés précédemment. Les bibliothèques ont bien changé. L'époque des cartes de prêt fixées au dos du livre dans une pochette plastique n'est plus qu'un rêve. 


crânes de mammifères


Murakami Haruki, La fin des temps, Editions du Seuil, 1992. Traduction de Corinne Atlan.



Photographe anonyme, vers 1870

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