lundi 27 mai 2013

Valérie, et autres merveilles


Hé bien, on dirait que cette fois, ça y est, l'hiver touche presque à sa fin... Anticipons l'arrivée prochaine du printemps (j'espère qu'il voudra bien se montrer avant septembre) en feuilletant quelques pages - justement - printanières: c'est une antique pratique de magie imitative, on fait semblant qu'il fait beau pour qu'il fasse beau, ou on fait semblant qu'il pleut pour qu'il pleuve, des fois ça marche. Commençons par revisiter, en aimable compagnie, un film ensoleillé de Jaromil Jires.



Oh la jolie petite corolle. 
On dirait une toute petite fleur, et à l'intérieur, il y a une petite perle qui frémit pour un rien.


Petite perle.

Je me demande si elle n'aurait pas des pouvoirs magiques, elle est si jolie. Les jolies choses ont souvent des pouvoirs magiques, ou plutôt dans les contes on les reconnaît souvent à ça les choses magiques, le petit poisson d'or, l'oiseau de feu, l'oiseau bleu, les trois pommes d'orange,  être jolis ça les rend plus magiques, et ça doit marcher dans les deux sens, sans doute leur magie les rend encore plus jolis. 
Et ça tombe bien, elle sait vraiment faire quelque chose de magique, la petite corolle: quand on la fait vibrer plus fort, la petite perle frémissante, elle fait comme une musique qu'on n'entendrait pas avec les oreilles mais avec tout le corps.


Petite musique.

Je l'ai mise à mon oreille, la petite corolle, je dois ressembler à ma mère, comme ça, elle avait la  même, on le voit sur ses portraits. J'ai cru pendant un instant qu'en la mettant je m'étais fait saigner, quand, en me penchant juste après l'avoir mise, j'ai vu une goutte de sang  par terre. Mais non, ce n'était pas de mon oreille qu'elle était tombée.

Petite fleur.

J'ai bien regardé autour de moi pour voir si ce n'était pas quelqu'un qui essayait de me faire peur. Il y a un garçon du village qui est comme ça, il aime essayer de me faire peur, mais ça ne marche pas, je n'ai pas peur du tout, je l'ai vu, lui, il se ratatine de peur devant son oncle, comment veut-il qu'on ait peur de lui après ça? Et son oncle, on dirait qu'il est tout fier de lui faire peur, comme s'il y avait de quoi s'en vanter, de faire peur aux gens. 


Même pas peur.

Les grandes personnes ne savent faire que ça , faire peur et rassurer, et faire peur, pour rassurer après, et faire peur encore, elles aiment s'écouter parler avec une grosse voix: "Mais le petit cabinet qu'ouvre cette clé-ci, je vous défends d'y entrer, et je vous le défends de telle sorte que si vous veniez à l'ouvrir, il n'y a rien que vous ne deviez attendre de ma colère". Elles disent des choses comme ça.
Ça leur plaît.
 Ha. 
C'est malin, moi aussi je pourrais faire peur si j'avais une grosse voix.

Moi aussi je peux.

De voir cette goutte de sang, c'est vrai, ça m'a fait un petit peu peur, surtout à cause de l'histoire où il y a une goutte de sang qui tombe sur la petite clé, et après on ne peut plus la faire partir. Mais j'ai réfléchi: elle n'est tombée sur aucune clé, la goutte, elle est tombée sur une marguerite, elle partira à la première rosée. 
Et puis, dans l'histoire, la goutte elle tombe d'un vilain cadavre tout saignant, et là, elle est tombée du ciel. 
Oui, j'enjambais une touffe de marguerites, en faisant attention de ne pas les écraser, et il n'y avait pas de goutte de sang, et l'instant d'après, j'ai baissé les yeux, et la goutte de sang était là: je ne vois pas d'où ça aurait pu tomber, sinon du ciel. 
Au ciel, justement, il y a Celui qui a versé son sang pour nos péchés. C'est peut-être un signe qu'Il m'envoie, signe que mes péchés sont remis, Il a versé une goutte de sang juste pour moi, une goutte c'était juste assez pour tous mes péchés, il n'y en avait pas beaucoup. Mes péchés sont remis: la gourmandise de dimanche dernier, l'impertinence quand j'ai répondu à Grand'mère. 
Je suis contente, à partir de maintenant je ne suis plus une petite pécheresse, je suis grande. 
Peut-être même qu'en grandissant encore, un jour je deviendrai une vierge, comme les onze mille qui sont peintes sur les murs de l'église. 
Je me demande ce qu'il faut faire pour devenir vierge. 
Je suis sûre que c'est quelque chose d'agréable. 
Je vais y réfléchir, couchée, là, sur l'herbe, au soleil. 
Parce qu'en plus, il y a du soleil. 


Jamais autant soleil.

J'ai l'impression qu'il n'y a jamais eu autant de soleil, il y en a tellement qu'on dirait qu'il va y en avoir toujours.
C'est vraiment une bonne semaine 
qui commence.


Vitezslav Nezval
and his Valerie
and her Week of Wonders.


Valérie et la semaine des merveilles (Valerie a týden divu, 1970) est un film  tchèque de Jaromil Jires adapté d'un roman d'un écrivain fort connu en son pays, mais beaucoup moins en France: Vítezslav Nezval.

Merci à la jeune Valérie (incarnée par Jaroslava Schallerová) d'avoir bien voulu sortir de l'écran pour nous confier ces quelques impressions personnelles sur l'aventure qu'elle a vécu devant les caméras de Jaromil Jires.  L'histoire à laquelle fait allusion Valérie est, bien entendu, La Barbe-Bleue, conte de M. Charles Perrault.


Les images appartiennent, évidemment, à leurs ayant-droits respectifs.

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