mercredi 1 mai 2013

Une chanson pour Jeliza-Rose


 Entre deux haies d'herbes de Cuba plus hautes que moi, j'ai suivi un étroit sentier tout sinueux tracé par le bétail qui avait dû passer par là, en écartant les bras bien droit pour que mes paumes s'enfoncent entre les tiges et effleurent les graminées.

Tu plies mais ne romps point, ai-je murmuré tandis que les hautes herbes me giflaient les mains; je fredonnais à demi la chanson
que mon père avait écrite pour moi :

Tu plies mais ne romps point 
Tu donnes, donnes mais ne prends rien Jeliza-Rose 
Alors je ne sais pas 
Très bien quoi faire pour toi.


J'ai avancé comme ça sur le petit chemin pendant un bon moment en bifurquant à gauche, puis à droite, et de nouveau à gauche, jusqu'à déboucher dans un pré piqueté de queues-de-renard, parmi lesquelles on voyait aussi les derniers lupins de la saison. C'était la fin du printemps. Une petite brise chahutait légèrement l'air chargé d'humidité et déjà le ciel s'assombrissait. Mais les lupins qui poussaient au ras du sol étaient encore d'une couleur radieuse, alors quand j'ai traversé le pré, je les ai enjambés en faisant bien attention.

traduction française d'Hélène Collon
(Naïve Livres, 2006)

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