dimanche 7 août 2016

La nuit où T. S. Eliot se laissa pousser la moustache


Graham Greene tenait un "journal de rêves".

Parmi beaucoup d'autres rêves, il y consigna le suivant:

Je travaillais sur un poème pour un concours de poésie,
 je venais d'écrire ce vers:
"La beauté rend le crime noble",
quand, derrière mon dos, T. S. Eliot lança ce commentaire critique:
"Qu'est-ce que cela veut dire? Comment le crime peut-il être noble?"
Je remarquai alors qu'il s'était laissé pousser la moustache.

I was working one day for a poetry competition and had written 
one line — ‘Beauty makes crime noble’— when I was 
interrupted by a criticism flung at me from behind 
by T.S. Eliot.  
‘What does that mean? How can crime be noble?’ 

He had, I noticed, grown a moustache.



What does that mean?
Why do I have to sport a moustache?

Resté seul après le réveil de Greene, Eliot décida que,
tout bien pesé, il se trouvait mieux sans moustache.


Maria Konnikova commente en ces termes le récit du rêve de Greene:
Dans la vie réelle, entendre T. S. Eliot critiquer votre poésie pourrait vous amener à douter de vos dons poétiques. 
Mais vivre cette mésaventure en rêve a l'effet opposé. 
Ce rêve pourrait devenir le point de départ d'une fiction. Et, au minimum, cela vous rappelle que peu importe à quel point vous vous sentez "bloqué", vous restez capable de concevoir quelque chose d'inédit, même si c'est tout petit, même si c'est absurde.

In real life, having your poetry criticized by T.S. Eliot 
could cause you to doubt your poetic gifts. 
But imagining it in a dream has the opposite effect. 
That dream could become the source for a story. 
And, at a minimum, it serves as a reminder that, 
no matter how blocked you may be, 
you still have the capacity to imagine 
something new — no matter how 
small and silly it may seem.

Le journal de rêves de Graham Greene, A World of My Own (A dream diary), a été publié en anglais par Penguin Books Ltd (first edition 1991,  new edition  1993) et en français sous le titre Mon univers secret, par Robert Laffont (collection Pavillons, 1994 - épuisé), dans une traduction de Marie-Françoise Allain.

Le commentaire de Maria Konnikova figure dans un article paru dans le New-Yorker: How to beat writer's block (mars 2016)

1 commentaire:

loeildeschats a dit…

Content de vous revoir aussi, M. Tororo, et merci pour cet Old Possum moustachu, je le garderai dans un coin de mes rêves