Alastair Reid vient de mourir. Terri Windling lui consacrait ce matin une page de son blog. Lui qui écrivait des poèmes et traduisait ceux des autres (il en a traduit en anglais, entre autres, de Borges et de Neruda), il n’est pas pour rien dans l’actuelle ubiquité de l’expression Lost in translation (ce fut - il y a plus de quarante ans - le titre d’un de ses essais sur la traduction, fort remarqué en son temps). En vers comme en prose, il était capable, à l'occasion, d'une ironie assez acerbe; son fameux poème Scotland aurait pu être lu comme un commentaire narquois (par anticipation) de la tournure stérile qu'a prise récemment un certain débat politique. Le tendre hommage que lui rend Terri Windling préfère, avec raison, insister sur la grâce hors du temps de tant de ses poèmes - et de tant de ses proses.
Quant à la versification, qu'en disait-il?
The author said, in the foreword to Weatherings, that he regarded the book ‘as something of a farewell on my part to formal poetry, which seems to me now something of an artificial gesture, like wearing a tie. I am more interested in the essential act of putting-well-into-words, good writing; and I feel that the fine attention one gives to words in poems can also be applied to prose. But it is from poetry more than anything that one learns to say well.' (source: Scottish Poetry Library)
Hum. Ce n'est pas comme si votre vieil ami Tororo avait besoin d'encouragements pour tradouiller n'importe comment des bouts de poèmes quand la manie le prend, mais quand même: ce désinvolte "adieu à la poésie formelle" fait naître en lui l'espoir que Reid ne lui en voudrait pas d'avoir tant perdu en route, en s'aventurant dans cette traduction-là.
Poem Without Ends
One cannot take the beginning out of the air
saying 'It is the time: the hour is here'.
The process is continuous as wind,
the bird observed, not rising, but in flight,
unrealised, in motion of the mind.
The end of everything is similar, never
actually happening, but always over.
The agony, the bent head, only tell
that already in the heart the innocent evening
is thick with the ferment of farewell.
Poème sans commencement, ni fin
… on ne peut pas sortir de rien
Comme un prestidigitateur,
Un commencement, en disant simplement "C’est l’heure!"
Le temps, c’est là - et c’est là tout le temps,
Ça n’a pas (c’est comme le vent)
Un bout derrière, un bout devant;
Quand tu vois un oiseau voler,
Tu peux dire quand il a commencé?
Et la fin? De la même manière,
Rien n’est jamais en train
De finir: les fins, c’est toujours derrière.
Dernier soupir. Tête qui retombe. C’est là,
Déjà,
En germe, quand le soir
Te dit - en vrai - "Adieu", en murmurant "Bonsoir".
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