vendredi 18 novembre 2011

Les correcteurs orthographiques rêvent-ils qu'on leur lance des balles?



Nous sommes dans la nuit du 16 au 17. Je suis en train de rédiger le billet qui précède celui-ci. Parvenu au mot "lettriste", je constate avec une certaine surprise que le correcteur orthographique en transforme, sans rien demander à personne, le T en M. Et il recommence, avec conviction, chaque fois que j'écris le mot.
Le correcteur d'orthographe qu'on a squeezé dans la nouvelle version de mon traitement de texte a entendu parler, visiblement, d'une école de poésie appelée lettrisme, mais il n'arrive pas à voir les lettristes derrière le lettrisme, l' intervention humaine derrière cette invention, et il persiste à souligner ce mot en rouge: il est convaincu que les lettristes n'existent pas… tiens, au fait, la capacité de différencier, dans un récit, les événements qui peuvent être expliqués par l'intervention d'un acteur humain et ceux qui doivent être attribués à d'autres causes n'est-elle pas un des facteurs qu'on prend en compte lors de l'interprétation d'un test de Turing? Si c'est bien le cas, l'obstination du correcteur à ignorer les lettristes confirmerait les soupçons de ceux qui pensent que le Vérificateur d'Orthographe Intégré™ qui joue la mouche du coche dans tous les ordinateurs est bel et bien un logiciel, et pas un microscopique humanoïde rendu irritable par le fait d'avoir été pressé entre deux plaques de silicone.

Mais je me trompe peut-être du tout au tout. C'est peut-être moi qui sur-interprète.
Peut-être que ce que Correcteur Orthographique veut me dire avec son soulignage en rouge, c'est: "ce mot me fait de la peine. Je n'aime pas les mots où il y a "triste" dedans. Emploie un mot plus gai".
Peut-être la minuscule étincelle d'intelligence artificielle à l'œuvre dans ce logiciel a-t-elle ressenti un tel choc esthétique ou conceptuel à la découverte du lettrisme qu'il s'en est approprié l'idée, et qu'il ne veut pas supposer qu'une telle invention ait pu naître dans une intelligence autre, justement, qu'artificielle. Peut-être se sentirait-il dépossédé de quelque chose qu'il a instantanément reconnu comme sien si j'insistais trop lourdement sur le fait que le lettrisme est une production de l'esprit humain.
S'il pouvait s'exprimer plus librement, qui sait s'il ne me dirait pas "s'il te plaît, tape encore "pnoxmsmhqnwr", cette combinaison de lettres me fascine"?

Tiens. Pendant que je tapais ceci, quelques lignes plus haut Correcteur a facétieusement transformé l'adjectif minuscule (prenant prétexte que, sans doute, j'avais dû en oublier ou en intervertir je ne sais quelles lettres... ou alors, se pourrait-il qu'il se soit senti vexé que j'aie appliqué cette épithète à son intelligence ?), en le substantif manicle qu'il a feint d'y reconnaître. Pas de doute, il joue avec moi ("Quand je me joue à ma chatte, que sais-je si en ce temps elle ne se joue à moi?", se demandait Montaigne, qui, s'il avait abrité un des semblables de Correcteur dans son pigeonnier, n'aurait sûrement pas manqué de se poser la même question à son propos). Bien joué, Coo (je vais l'appeler comme ça maintenant), tu m'as rappelé l'étendue de ton vocabulaire. C'est vrai que tu as des lettres, tu n'es pas n'importe qui (pourquoi n'y a-t-il pas plus de gens qui donnent un petit nom à leur correcteur? Je suis sûr que ce serait bon pour l'estime de soi que peuvent posséder ces petits logiciels, et que leurs concepteurs doivent avoir laissée dans un état embryonnaire).
Ca te plaît d'avoir un nom, Coo?
Tiens, je t'écris anticonstitutionnellement: tu ne soulignes pas? C'est bien, tu connaissais. Et si j'écris, plus simplement, anticon? Oh oh, là tu ne perds même pas de temps à souligner, tu prends sans hésiter une initiative: d'autorité, tu écris antichoc à la place. Alors tu ne le connaissais pas celui-là, hein? Tu pensais qu'il n'existait pas? Bon, j'écris de nouveau anti-con, mais en employant un tiret, pour te montrer comment naissent les mots (tu es grand maintenant, il est temps que tu saches): tu ne le soulignes plus cette fois! Voilà, tu as appris un nouveau mot. Tu verras à l'usage que c'est un mot très utile.

Viens, Coo, je vais fermer le blog et on va jouer, rien que nous deux! Il reconnaît son nom: il l'a souligné en rouge! Ici, Coo! Ici! Là, Coo, là maintenant! Chaque fois que j'écris Coo il le souligne. Il est trop mignon quand il fait ça. S'il avait une queue je suis sûr qu'il la remuerait. Ce sera donc tout pour aujourd'hui, bonjour chez vous.


2 commentaires:

Anonyme a dit…

http://web.mac.com/rolandsabatier/siteRolandSabatierLettrisme/entry_.html

http://web.mac.com/rolandsabatier/Site_14/_ISIDORE_ISOU%3A_lettrisme.html

Tororo a dit…

Merci pour ces liens!