Si d’aventure vos pérégrinations vous amènent bientôt à New-York, vous aurez l’occasion de voir, au Metropolitan Museum où ils sont exposés jusqu’en Janvier, à quoi ressemblaient, pour de vrai, ces dessins de Balthus - ou plutôt, de Baltusz, car c’est ainsi que Balthazar Klossowski les signa - qui impressionnèrent tant Rainer Maria Rilke, quand il les vit à Sierre, en 1920, peu après avoir fait la connaissance de Baladine Klossowska et de ses enfants Pierre et Balthazar, qu’il insista pour qu’ils soient publiés en un petit volume: Mitsou (l’aventure ainsi racontée avait eu lieu deux ans plus tôt: Balthazar avait dix ans).
« Personne ne peut comprendre ce que représentent
Et c’est la commissaire de cette exposition, Sabine Rewald, une des curators du Met, qui a retrouvé les originaux de Mitsou, qu’on a longtemps supposés perdus, chez les héritiers de Rilke. Il n’est pas surprenant que Rilke ait si soigneusement rangé les dessins de son ami Balthazar qu’on ne les ait retrouvés qu’en cherchant bien: il avait pris très au sérieux le travail, qu’il avait décidé d’assumer pour ce mince volume, de directeur éditorial et surtout de préfacier.
Qui ne souhaiterait pas qu’on écrive pour ses dessins une préface pareille?
Qui connaît les chats? Se peut-il, par exemple, que vous prétendiez les connaître? J'avoue que, pour moi, leur existence ne fut jamais qu'une hypothèse passablement risquée.
Voilà l’histoire. L’artiste l’a mieux racontée que moi. Que me reste-t-il à dire encore? Peu.
Trouver une chose, c'est toujours amusant; un moment avant elle n'y était pas encore.
Mais trouver un chat: c'est inouï! Car ce chat, convenez-en, n'entre pas tout à fait dans votre vie, comme ferait, par exemple, un jouet quelconque; tout en vous appartenant maintenant, il reste un peu en dehors, et cela fait toujours:
Perdre une chose, c’est bien triste.
Il est à supposer qu’elle se trouve mal, qu’elle se casse quelque part, qu’elle finit dans la déchéance.
Mais perdre un chat; non! ce n’est pas permis; jamais personne n’a perdu un chat.
Peut-on perdre un chat, une chose vivante, une vie? Mais perdre une vie: c’est la mort! Eh bien, c’est la mort.
Trouver.
Perdre.
Est-ce que vous avez bien réfléchi à ce que c’est que la perte? Ce n’est pas simplement la négation de cet instant généreux qui vint combler une attente que vous-même ne soupçonniez pas. Car entre cet instant et la perte il y a toujours ce qu’on appelle - assez maladroitement, j’en conviens - la possession.
Or la perte, toute cruelle qu’elle soit, ne peut rien contre la possession, elle la termine, si vous voulez; elle l’affirme; au fond ce n’est qu’une seconde acquisition, toute intérieure cette fois et autrement intense.
[...] Vous l’avez senti d’ailleurs, Baltusz; ne voyant plus Mitsou, vous vous êtes mis à le voir davantage.
[...] Pour ceux cependant qui vous verront toujours éploré au bout de votre ouvrage, j’ai composé la première partie - un peu fantaisiste - de cette préface. Pour pouvoir leur dire à la fin:
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