vendredi 28 mai 2010

Comme un point sur un I



Ce soir, la lune sera dans son plein.
Nous la contemplerons en pensant à Frank Frazetta.






Et entre l'astre et nous, un voile de brouillard s'élèvera, montant de la jungle.

Image: © Frank Frazetta (9 février 1928 - 10 mai 2010)


lundi 17 mai 2010

Vivons chaque jour de grandes aventures

Je viens de trébucher, au coin de quelque blog raisonnablement hospitalier aux commentaires, sur une captcha anti-spam proposant cette énigme digne du Nom de la Rose:


quel est le septième caractère du mot “réaction”?

samedi 24 avril 2010

mercredi 31 mars 2010

Les précurseurs de Kafuka: MURAKAMI Haruki, 4

Vous laissez derrière vous les rumeurs de la place. Vous entrez dans la Bibliothèque.

D’une manière presque physique, vous sentez le poids des livres, l’ambiance calme d’un ordre, le temps par magie disséqué et conservé. A droite et à gauche, absorbés dans leur rêve lucide, se profilent à la lumière des lampes studieuses, comme dans l’hypallage de Milton, les visages momentanés des lecteurs. En ce lieu, il m’est habituel de me rappeler cette image, puis cette autre épithète qui définit aussi l’alentour, cet “aride chameau” du Lunario et encore cet hexamètre de l’Eneide qui utilise et transcende le même artifice:
Ibant obscuri sola sub nocte per umbras

Et vous, quels sont les souvenirs qui vous accompagnent jusqu’à la porte de mon bureau?

Vous entrez. Nous échangeons quelques mots conventionnels et cordiaux. Vous me donnez ce livre. Vous ne vous trompez pas: j’étais loin de vous mésestimer, Murakami, et j’aurais aimé que quelqu’une de vos oeuvres me plût. Cela n’est jamais arrivé. Mais, cette fois, je tourne les pages et j’approuve au hasard tel miroir, tel labyrinthe, peut-être parce que j’y reconnais ma voix, peut-être parce que là où je suis il m’importe peu que...
A ce moment, le rêve se dilue, comme l’eau dans l’eau.
Nous ne sommes ni dans la bibliothèque de la rue Rodriguez Peña, ni dans celle de la rue Mexico, et moi, Borges, je suis mort en 1986.
Amour des livres (vanité entre les vanités!) et nostalgie (à votre avis, est-ce des vôtres que je parle, ou des miens, ou de ceux d'un autre rêveur encore?) ont construit une scène impossible. Assurément, me dis-je, mais demain vous aussi, Murakami, vous serez mort, nos durées seront confondues et la chronologie se fondra en un monde de symboles et, de quelque manière, il sera juste de prétendre que vous m’avez apporté cet ouvrage et que je l’ai accepté.


Aucune des ressemblances que présente ce texte avec certaine préface, en forme de dédicace, à certain recueil de Jorge-Luis Borges, n'est accidentelle. Aucune des différences non plus.



dimanche 14 mars 2010

Eclatons de rire avec Jean Ferrat

Il y avait deux clans dans la famille
Du temps où j'étais un mouflet:
Tino Rossi faisait pâmer les filles,
Et tous les garçons rigolaient.
Et je me dis qu'aujourd'hui même
C'est peut-être pareil pour moi:
Les unes rêvent en murmurant "Je t'aime",
Les autres ricanent tout bas...

crooning voice:
Tu peux m'ouvrir cent fois les bras
C'est toujours la première fois
Tu peux m'ouvrir cent fois les bras
C'est toujours la première fois

Evidemment, après trente ans passés
A écouter Marinella,
Même en ayant d'la suite dans les idées,
On n'se bat plus comme chien et chat.
On dit plutôt, dans un sourire:
"Il était pas si mal que ça...”
“Depuis le temps que nous entendons pire..."
... En sera-t-il pareil pour moi ?

crooning voice:
Pourtant, que la montagne est belle
Comment peut-on s'imaginer
En voyant un vol d'hirondelles
Que l'automne vient d'arriver?

Oui dans trente ans, du train où vont les choses,
Dieu sait c'qu'il adviendra de moi...
Mais s'il me reste à la bouche une rose
Qui jette encore un peu d'éclat,
Quand de jeunes cons testataires
Mettront leurs grands pieds dans mon plat,
Je leur dirai, Tino, que je suis fier (e)
D'être encore l'idole à Papa...

crooning voice:
Faut-il pleurer, faut-il en rire
Fait-il envie ou bien pitié
Je n'ai pas le cœur à le dire
On ne voit
pas

le temps


passer

dimanche 7 mars 2010

Rêve lucide: MURAKAMI Haruki, 3


On peut être tenté de distinguer deux courants dominants dans l’oeuvre de Murakami, un courant “on s’est trompés d’histoire d’amour” (Au Sud de la frontière, Les amants du Spoutnik ...) et un courant “au secours, vous n’avez pas vu ma planète?” (Kafka, Chroniques, la Fin des Temps ...)

Ce qui permet le plus facilement de repérer l’appartenance d’un Murakami à l’un ou l’autre de ces deux courants, c’est moins une différence marquée de style ou de thématique qu’un clivage entre les lecteurs: parmi ceux qui apprécient Murakami, il y a ceux qui désignent comme leurs favoris les romans du premier groupe, et ceux qui disent préférer ceux de l’autre: “Trop bizarre”, disent les premiers; “j’ai pas retrouvé la magie”, disent les seconds...
Demandons aux personnages de Murakami comment ils se situent dans ce débat.

- J’ai refermé ce livre avec un sentiment bizarre, je me demandais ce que l’auteur avait voulu dire exactement. Mais c’est justement ce “je ne sais pas ce que l’auteur a voulu dire exactement“ qui m’a laissé la plus forte impression. J’ai du mal à l’expliquer....
- Tu veux dire que ce roman est très différent des romans d’initiation ou d’apprentissage tels que Sanshirô, par exemple?
Je hoche la tête.
- Hum. J’ai un peu de mal à m’y retrouver, mais c’est peut-être bien ça. Dans Sanshirô on voit le héros grandir. Il se heurte à des murs, réfléchit sérieusement, et parvient ainsi à surmonter les épreuves. Mais le héros du Mineur est complètement différent. Il se contente de regarder ce qu’il a sous les yeux et de l’accepter. Evidemment, de temps en temps, il donne son avis, mais ce n’est jamais très profond. Son introspection porte plutôt sur l’histoire d’amour qu’il ressasse. Et, du moins en apparence, il ressort de la mine tel qu’il y est entré.

(c'est dans Kafka sur le rivage que le fugueur Kafka et le bibliothécaire Oshima échangent ces remarques sur deux romans de Natsume Soseki, Sanshirô et Le Mineur)

Si le jeune Kafuka était un lecteur de Murakami (Haruki), peut-être formulerait-il sur Kafka sur le rivage les mêmes remarques qu'il fait sur Sanshirô, d’une part, et porterait-il, d’autre part, le même jugement que sur Le Mineur, sur Au Sud de la frontière, à l’Ouest du Soleil?...
Evidemment, il faut pour cela imaginer Kafuka Tamura s’installant dans une bibliothèque pour lire Kafka sur le rivage et ça, c’est peut-être un peu trop bizarre. Ou peut-être pas, ça dépend de ce que vous préférez chez Murakami.




mardi 23 février 2010

Savoir lire en rêve: MURAKAMI Haruki, 2

Vous savez, Monsieur Hoshino, Nakata fait souvent le même rêve. Dans ce rêve, Nakata sait lire et il est devenu intelligent. Alors il est tellement content qu’il va à la bibliothèque et qu’il lit des tas de livres. Il se dit que c’est merveilleux de savoir lire. Il dévore les livres les uns après les autres. Mais tout d’un coup, la salle est plongée dans le noir. Quelqu’un a éteint la lumière. Nakata n’y voit plus rien. Il ne peut plus lire... C’est à ce moment-là que je me réveille.


Même en rêve, c’est vraiment merveilleux de savoir lire.


(Kafka sur le rivage)



Dans les romans de Murakami (Haruki), il arrive souvent que des personnages soient plongés dans le noir. Il arrive souvent, aussi, qu’ils lisent des livres. D’autres fois encore il arrive qu’ils lisent des rêves, mais ceci est une autre histoire.

vendredi 19 février 2010

MURAKAMI Haruki, 1

- D'après mon expérience, quand on cherche désespérément quelque chose, on ne le trouve pas. Et quand on s'efforce d'éviter quelque chose, on peut être sûr que ça va venir vers nous tout naturellement. Bien sur, ce n'est qu'une théorie.
- Si vous appliquez cette théorie à mon cas, que va-t-il m'arriver si je cherche quelque chose et essaie de l'éviter en même temps?
- C'est une question difficile, dit Oshima en souriant. Puis il reprend après une petite pause: Si je peux me permettre de le donner, voilà mon avis. Peut-être que ce que tu cherches ne viendra pas sous la forme à laquelle tu t'attends.



De Kafka sur le rivage. J'espère que cette note sera la première d'une longue série de notes sur Haruki Murakami - je l'espère et à la fois je le crains, car en s'attaquant à ce Japonais mutant, on a affaire à forte partie.
Bref, je cherche et j'essaie en même temps d'éviter d'en parler... voyons, quelle influence cela pourra-t-il avoir sur la forme que cela va prendre?

vendredi 29 janvier 2010

Les deux visages de Janvier (Janua Vera, de Jean-Philippe Jaworski)

Janvier , consacré à Janus, n’est il pas le mois le plus propice pour rendre compte d’un ouvrage intitulé Janua Vera - même si la première édition en remonte à deux ans, et la réédition en collection de poche à l’été dernier?
D'ailleurs, l'auteur, Jean-Philippe Jaworski, à la fois auteur de jeux de rôles et romancier, ne peut-il pas invoquer pour lui-même la tutelle du dieu aux deux visages?

Janua Vera est un recueil de nouvelles, qu’on peut lire indépendamment l’une de l’autre car elles n’ont à première vue de commun que leur cadre: un même univers de fantasy, le Vieux Royaume, à différents moments de sa longue histoire.
Individuellement, chaque nouvelle est une réussite, chacune dans un style et, à certains égards, dans un genre différent. Parmi les quelques compte-rendus de ce recueil que j’ai lus ici et là, quelques-uns objectaient à son hétérogénéité stylistique, et, en particulier, reprochaient à la première nouvelle un ton “pompeux”; il m’a semblé au contraire que cette variété procède d’une recherche du ton juste pour chaque histoire, qui est plutôt à porter au crédit de l’auteur.
Pour répondre à l’objection soulevée, dans le cas de cette première nouvelle, le style délibérément archaïsant, incantatoire à l’exemple de l’Aïnulindalë de Tolkien, ancre le texte à sa place dans le cycle: située chronologiquement longtemps avant les autres, elle se réfère à une conception anhistorique du monde - ce qui ne sera pas le cas des suivantes, qui dépeignent différents moments de l’évolution d’une société de plus en plus urbaine, aux hiérarchies de plus en plus complexes. Mais loin d’être déconnectée des autres, cette nouvelle (qui, d’une façon significative, donne son nom au recueil) propose au contraire une clé pour leur lecture: dans toutes ces fictions, la principale menace ne viendra pas de quelque déferlement de ténèbres extérieures - pas de hordes de gobelins, d’hommes-reptiles ni de mutants du chaos en vue - mais du plus intime des protagonistes, de leur inséparable part d’ombre.

Des nouvelles qui suivent, la plus longue (Mauvaise donne) constitue, il n’est pas sans intérêt de le savoir, une sorte de prologue à un roman à venir: de ce roman, Gagner la Guerre, il sera brièvement question plus loin. Entre en scène, donc, dans Mauvaise Donne, le personnage picaresque qui sera le héros et le narrateur de Gagner la Guerre; l’auteur a su trouver, pour faire parler ce personnage ambigu, une langue familière juste assez pour éviter à la fois de s’embourber dans des archaïsmes jargonnants et de déraper dans des anachronismes indésirables.

Le ton de ce récit à la première personne contraste d’ailleurs vivement avec celui, souvent élégiaque, de la plupart des autres. Chacun de ces courts textes a sa tonalité (pour ne pas dire sa musique) propre: le premier, on l’a vu, s’acquitte scrupuleusement de toutes les figures imposées de la High Fantasy (vocabulaire antiquisant et syntaxe biblique, énumérations de toponymes exotiques); le Service des Dames impose la précision factuelle du roman historique tel qu’on l’entend aujourd’hui à la thématique de la littérature courtoise (un peu comme si Cormac Mac Carthy ou Arturo Perez-Reverte revisitaient un lai de Marie de France), tandis que le Conte de Suzelle évoque irrésistiblement le Marcel Schwob du Livre de Monelle.
Quant à la dernière nouvelle, le Confident... je préfère vous la laisser découvrir.

Je n’ai pas encore lu, je dois l’avouer, Gagner la Guerre, premier (et gros!) roman de cet auteur. Il n’est pas rare qu’un auteur qui réussit dans la nouvelle ne connaisse pas le même succès sur une plus longue distance. C’est pourtant avec confiance que je parie sur la réussite de Jaworski dans ce passage (difficile) de la forme courte au roman-fleuve, si grande est la maîtrise dont témoigne la nouvelle qui permet de faire le lien entre Janua Vera et ce roman.

Coïncidence: ma sage et savante amie Algésiras, plus prompte que moi, vient de consacrer, dans son blog, une note enthousiaste* à Gagner la Guerre... Vous faites ce que vous voulez, mais moi, je sais ce qu’il me reste à faire.

* à lire dans les archives, à la date du 25 janvier 2010. Je le précise parce que son blog ne permet pas les liens directs vers une note archivée.

Mise à jour du 31/03/10: et voici que l'insaisissable Li-An (légendaire précog de classe A, recherché sur vingt-cinq mondes), qui avait déjà, l'an dernier, attiré l'attention des lecteurs de son blog sur Janua Vera, vient à son tour de dire du bien de Gagner la guerre... ça devient difficile d'être original.


Janua Vera, de Jean-Philippe Jaworski (première édition les Moutons Electriques, 2007; nouvelle édition Folio SF, 2009)

mercredi 2 décembre 2009

Anniversaire

Hé bien ça y est, ce blog a trois ans! Tout le monde le dit, et, au début, je n'y croyais qu'à moitié mais c'est pourtant vrai: un blog, ça fait passer le temps.