dimanche 7 mars 2010

Rêve lucide: MURAKAMI Haruki, 3


On peut être tenté de distinguer deux courants dominants dans l’oeuvre de Murakami, un courant “on s’est trompés d’histoire d’amour” (Au Sud de la frontière, Les amants du Spoutnik ...) et un courant “au secours, vous n’avez pas vu ma planète?” (Kafka, Chroniques, la Fin des Temps ...)

Ce qui permet le plus facilement de repérer l’appartenance d’un Murakami à l’un ou l’autre de ces deux courants, c’est moins une différence marquée de style ou de thématique qu’un clivage entre les lecteurs: parmi ceux qui apprécient Murakami, il y a ceux qui désignent comme leurs favoris les romans du premier groupe, et ceux qui disent préférer ceux de l’autre: “Trop bizarre”, disent les premiers; “j’ai pas retrouvé la magie”, disent les seconds...
Demandons aux personnages de Murakami comment ils se situent dans ce débat.

- J’ai refermé ce livre avec un sentiment bizarre, je me demandais ce que l’auteur avait voulu dire exactement. Mais c’est justement ce “je ne sais pas ce que l’auteur a voulu dire exactement“ qui m’a laissé la plus forte impression. J’ai du mal à l’expliquer....
- Tu veux dire que ce roman est très différent des romans d’initiation ou d’apprentissage tels que Sanshirô, par exemple?
Je hoche la tête.
- Hum. J’ai un peu de mal à m’y retrouver, mais c’est peut-être bien ça. Dans Sanshirô on voit le héros grandir. Il se heurte à des murs, réfléchit sérieusement, et parvient ainsi à surmonter les épreuves. Mais le héros du Mineur est complètement différent. Il se contente de regarder ce qu’il a sous les yeux et de l’accepter. Evidemment, de temps en temps, il donne son avis, mais ce n’est jamais très profond. Son introspection porte plutôt sur l’histoire d’amour qu’il ressasse. Et, du moins en apparence, il ressort de la mine tel qu’il y est entré.

(c'est dans Kafka sur le rivage que le fugueur Kafka et le bibliothécaire Oshima échangent ces remarques sur deux romans de Natsume Soseki, Sanshirô et Le Mineur)

Si le jeune Kafuka était un lecteur de Murakami (Haruki), peut-être formulerait-il sur Kafka sur le rivage les mêmes remarques qu'il fait sur Sanshirô, d’une part, et porterait-il, d’autre part, le même jugement que sur Le Mineur, sur Au Sud de la frontière, à l’Ouest du Soleil?...
Evidemment, il faut pour cela imaginer Kafuka Tamura s’installant dans une bibliothèque pour lire Kafka sur le rivage et ça, c’est peut-être un peu trop bizarre. Ou peut-être pas, ça dépend de ce que vous préférez chez Murakami.




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