mercredi 13 mars 2024

Nous sommes tous de pauvres cow-boys solitaires

 En ce début d'année je me suis posé pas mal de questions à propos des reprises, hommages, tributs, reboots et toutes ces sortes de choses dont on a parlé récemment.
Ces questions, je n'ai pas réussi à me les sortir de la tête (ce n'est pas pour ça, rassurez-vous, que j'ai peu posté en janvier et février: c'est que j'ai eu pas mal de trucs à faire, qui ont consumé trop d'heures pour me laisser le temps de bloguer)... les reprises de séries qui ont enchanté notre enfance  -  notre jeunesse - notre âge mûr, qu'on croyait à l'abri du temps et du changement bien au chaud dans notre mémoire, c'est devenu un phénomène saisonnier.

Mars étant un mois sérieux - pour se différencier de ses voisins immédiats Février et Avril plus portés aux facéties - revenons aux questions sérieurses, que nous avions laissées en suspens en Décembre.
Il semble qu'il y ait une sorte de consensus chez les éditeurs - pardon, je veux dire les fournisseurs de contenu: "Que veut le public? Plus de ce qu'il a déjà vu! Plus de la même chose!"... Aussi le malaise desdits éditeurs est-il palpable, quand l'auteur d'une série à succès vient à disparaître. Ils ne lui en voudront pas trop de tirer sa révérence, si encore il passe le relais à un continuateur, comme Rob Vel à  Jijé, puis à Franquin, et ensuite Franquin à Tome et Janry pour Spirou... ou s'il a le bon goût de renoncer à toute prétention à la paternité d'un  personnage, comme Ub Iwerks pour Mickey... mais le malaise s'accroît quand l'auteur  manifeste explicitement son refus de faire reprendre par d'autres une série, comme l'ont fait Jacobs  pour Blake et Mortimer, ou Franquin pour Gaston... grande est la tentation, pour l'éditeur, de faire comme s'il n'avait rien entendu...

Le choix, par un éditeur, de faire reprendre une série en sommeil par un autre que son créateur n'est-il pourtant pas défendable? Quand j'ai eu en mains L'Étrange rendez-vous, le premier album de Blake et Mortimer "sans Jacobs",  j'ai sauté de joie de pouvoir lire une nouvelle aventure qui s'insérait parfaitement dans la série, résultat du travail acharné d'un scénariste et d'un dessinateur aussi fortement motivés l'un que l'autre. Quelques années passèrent, pour les lecteurs les déceptions s'accumulèrent, et les véritables intentions de l'éditeur ne devinrent que trop claires: gagner des sous, vite si possible,  sans en dépenser trop, et pour cela embaucher dessinateurs et scénaristes pressés de toucher leur chèque, sans que le respect pour leur modèle risque de les ralentir.

Il en alla autrement pour les continuateurs de Spirou: la prolifération de spin-offs, de reboots, de relectures, d'hommages, autour de ce personnage vieux d'un siècle est plutôt réconfortante; elle prouve que nous ne sommes pas tout seuls à regretter de ne pas pouvoir nous coiffer comme Spirou (j'ai essayé - pas vous? - ça n'a jamais rien donné de bon); tous ceux qui ont repris Spirou l'ont fait avec enthousiasme, à leur manière, et si inégales ces variations soient-elles, on trouve parmi elles de véritables pépites (mille bravos à Émile Bravo!).

La démarche de Dupuis pour Gaston est ambiguë: personne ne conteste que Delaf soit un brillant pasticheur de Franquin. Si Dupuis avait signé un contrat avec un fabricant de yaourts (Monsieur De Mesmaeker devait bien en avoir un dans sa serviette, dommage qu'elle soit toute mouillée) pour une série de publicités dans lesquelles Gaston aurait chanté (après qu'on eût mis sous clé son gaffophone) les qualités du lait emprésuré, Delaf aurait été parfait pour fournir des illustrations bien lisses, comme les publicitaires les aiment. Seulement voilà: s'agissait-il de vendre des yaourts, ou de vendre les aventures de Gaston comme si c'était des yaourts? Dupuis ne répond pas à la question, mais son choix parle pour lui.

Mais... dans le titre, il est bien question de cowboys solitaires? Et Lucky Luke dans tout ça?  

À suivre...




2 commentaires:

Li-An a dit…

Quel sens de l’annonce… Et peu de chances que mes cheveux fassent la Spirou. Quant à la reprise de Gaston, je n’en ai rien à dire. Il n’y a rien d’intelligent à dire là-dessus.

Tororo a dit…

Ah, les cheveux... rien à faire, ça veut pas tenir.
Et la reprise de Gaston, après la question pertinente que tu posais dans ton billet de Janvier, je ne vois pas ce qu'on pourrait en dire de plus.