dimanche 3 mars 2024

Entends, enfant, la douce Nuit qui marche (Ursula Le Guin, 11)

 Janvier er Février sont vite passés, et nous voilà déjà en Mars! Sommes-nous en retard? Mais non, c'est toujours le bon moment pour lire un livre d'Ursula Le Guin.

Quel titre donner à un recueil où il est question d'Elfland, de Poughkeepsie, de Virginia Woolf, des qualités nutritives du plastique, de la fluidité de la notion de genre (littéraire ou pas littéraire), et d'autres notions encore?
La réponse: Le langage de la nuit.

Le langage de la nuit est la traduction (ça, vous l'aviez sans doute deviné) du recueil  de textes (pas de fictions!) The Language of the Night.
Comme Martin Winckler, qui a écrit la préface de cette édition, je n'ai pas eu l'occasion de poser à Ursula Le Guin toutes les questions que j'aurais voulu lui poser.  Mais qui l'a eue, cette occasion? Elle s'est soumise avec le sourire à des interrogatoires. Elle en a donné, des interviews, des interventions, des tonnes. Si on recommençait, chaque question en entraînerait une autre, et, graduellement, inévitablement, la qualité des questions se dégraderait. Dans les essais, préfaces et conférences réunis dans ce volume, Ursula Le Guin se débarrasse d'un revers de main de beaucoup de questions; sagement, elle donne à des questions qu'on ne lui a pas posées des réponses qui n'ont pas l'air de réponses; ou encore, elle invite le lecteur à un jeu, qui est de deviner à quelle question elle répond, par exemple quand elle cite Dunsany: "au loin, à l'est, s'étend un désert que nul homme ne foule".
Ou bien: "je voyais deux petites figures, fort lointaines, perdues dans un immense désert de glace et de neige".
Ou encore: "j'ai donné à trois petites îles les noms de mes enfants - leurs surnoms quand ils étaient bébés".
Ou quand elle nous apprend (cette fois dans une des nouvelles du cycle de Terremer) que dans la Langue de la Création (sans la connaissance de laquelle il est vain d'espérer faire de la magie) tolk est le mot qui désigne une pierre.
Tolk: une pierre. Sur une pierre, on peut poser ce qu'on veut.
"Madame, madame, s'il vous plaît, est-ce que la question c'était: avec quoi est-ce qu'on bâtit une cathédrale?"
Elle sourit et passe à autre chose.
Par exemple: "Il s'agissait de savoir, je vous le rappelle, s'il était au fond souhaitable qu'un livre de science-fiction fût un roman".

Est-il souhaitable de mettre dans un livre tout ce qu'il faut pour se faire, dans sa tête, des romans, et puis d'appeler ça "livre de science-fiction", ou "roman", ou "recueil  de textes", ou tout ce que l'on veut ? Réponse dans Le langage de la nuit.


Ursula Le Guin: Le langage de la nuit;
The Language of the Night, Essays on Writing,
Science Fiction, and Fantasy
,
Première édition 1979 (Putnam),
édition révisée en 1992 (HarperCollins),
rééditée en 2024 (Scribner)
Traduction de Francis Guévremont,
Aux forges de Vulcain
ISBN : 978-2-373050-17-2

Citations extraites d'Ursula Le Guin, Le langage de la nuit

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