Je sais peu de choses, en fait, sur Vladimir Poe. Tout ce que j'ai appris sur lui vient d'un rêve que j'ai fait. Dans ce rêve, j'ai à peine eu le temps de faire sa connaissance: il m'était présenté par une demoiselle que je connaissais également depuis peu (sa nièce ou sa petite-nièce? comme c'était arrivé au début du rêve, les circonstances étaient déjà devenues floues, dans les rêves c'est souvent comme ça, mais les souvenirs du rêve deviennent plus précis à partir du moment où elle me présentait son oncle (grand-oncle?) dans un café.)
Il avait écrit, beaucoup: il me l'avait dit à voix basse, comme s'il avait fallu préserver un secret; puis il me donnait quelques précisions sur une de ses œuvres, qui semblait avoir pour lui une importance particulière: une série de romans dont la protagoniste récurrente s'appelait Djili.
J'avais promis de lui rendre visite; quelques jours plus tard (sans doute quelques secondes d'horloge: c'est comme ça que le temps s'écoule, à sauts et à gambades, pendant le sommeil paradoxal), je me retrouvais devant la maison de ce Vladimir Poe: une petite foule s'y trouvait déjà, parmi ces gens une seule figure connue: mon père (comment se trouvait-il là? il le connaissait lui aussi, Vladimir Poe?).
Nous entrions tous dans un silence solennel, les gens autour de moi arboraient une mine compassée; nous devions nous serrer pour tenir tous dans une petite pièce, mon père, sans parler, avait posé sa main sur mon épaule; il devenait de plus en plus clair que Vladimir Poe venait de mourir. Je me souvins alors que sa nièce avait mentionné, sans insister comme si ç'avait été peu important "qu'il avait écrit des centaines de livres"; en général, quand des gens utilisent cette formule vague à propos de quelqu'un qu'ils connaissent, ça veut dire qu'il en a écrit deux ou trois; aussi lui avais-je demandé "Sur quoi?"; elle avait répondu, toujours aussi vague, "Sur un peu tout". À présent je n'avais qu'à regarder autour de moi pour en avoir confirmation: sur des étagères poussiéreuses, il y avait en effet des centaines de livres, sur le dos desquels je pouvais lire au-dessus du titre: Vladimir Poe; ceux dont j'étais assez près pour déchiffrer le titre appartenaient à la série des romans sur Djili, et le dernier de la rangée s'appelait "À travers les océans". Ces livres étaient brochés, dans le style des ouvrages publiés avant guerre, et protégés par ces jaquettes de papier cristal que les gens soigneux leur confectionnent à la main; sans doute étaient-ils là depuis longtemps.
Puis je me retrouvais à la terrasse du café où j'avais fait la connaissance du défunt, je commençais à ressentir du regret à l'idée que je ne le rencontrerais plus, je me levais et, faisant tinter sur le zinc les trois pièces qui devaient payer mon café, je reprenais le chemin de chez moi; le seule chose qui me restait à faire était de chercher sur internet ce que je pourrai apprendre sur Vladimir Poe: sa bibliographie peut-être? les liens (improbables, mais sait-on jamais?) qu'il pouvait avoir eu avec un autre Poe, plus célèbre?
Ce fut fait au réveil: interrogé sur Vladimir Poe, internet ne suggéra que deux associations possibles entre le prénom Vladimir et le patronyme Poe: d'abord, il insinua que peut-être j'avais mal orthographié le premier terme, et dans ce cas ma recherche devrait s'orienter vers Le cas étrange de Monsieur Valdemar (pas Vladimir), une nouvelle d'Edgar Poe; puis, un peu facétieusement, il me rappela que dans l'œuvre de Vladimir Nabokov abondent les allusions, les références, les fantaisies métatextuelles impliquant Edgar Poe.
Peut-être, après tout, le vieux monsieur polygraphe n'a-t-il publié que dans les rêves.
3 commentaires:
Quelle dream!
“Annabel Lee” does run through Lolita.
Rather, quel dream!
Thanks Michael! Coming from a proficient writer of dream posts, this means something to me.
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