mardi 9 mars 2021

Une rencontre dans un parc

 

Peut-être ce mois de Mars entend-il nous montrer sa bonne volonté en nous réservant quelques surprises agréables?
Tenez, par exemple: il nous promet pour bientôt un nouveau livre illustré par Rebecca Green! Sa sortie était, de longue date, annoncée pour le 9 Mars par son éditeur, Viking Books; et le 9 Mars c'est aujourd'hui! Il est un peu tôt, je vous l'accorde, pour vous précipiter chez votre libraire: mais un(e) lecteur(euse) averti(e) en vaut plusieurs. J'aime bien Rebecca Green, je ne sais pas si je vous l'ai déjà dit. Mais je bavarde, je bavarde et je ne vous ai pas encore dit le titre du livre:
 

Kafka and the Doll!

 Si vous vous intéressez aux mêmes choses que moi, ce qui est probable puisque vous voilà en train de lire ceci, vous connaissez déjà le roman que Fabrice Colin a écrit il y a déjà quelques années: La poupée de Kafka (synchronicité: la même année, Didier Lévy (texte) et Tiziana Romanin  (illustrations) avaient déjà tenté la mise en image de cette histoire, dans une collection pour enfants chez Sarbacane: Franz, Dora, la petite fille et sa poupée).
Le livre qu'ont co-signé Larissa Theule et Rebecca Green, et celui de Colin, sont basés sur le même récit, répété ici et là depuis pas mal d'années (à l'origine, l’histoire de la poupée a été rapportée par Dora Diamant à deux des biographes de Kafka, son ami Max Brod et Marthe Robert), que certains ont dénoncé comme sûrement imaginaire: enfin Kafka, quoi! KAFKA! Ce grand homme qui a donné à toutes les langues de la planète un terrifiant adjectif* modelé sur son nom, un adjectif qui n'a pas d'autre rival en noirceur que UBUESQUE! Comment cet auteur pour gens sérieux, que la postérité a si strictement redingoté et cravaté de noir, aurait-il perdu du temps (alors qu'il avait de grands romans à achever), à écrire les aventures d'une poupée voyageuse?
Moi je suis tenté d'y croire, comme Colin. Son roman est un peu trop bavard (comme moi!!!), mais il traite sans sensiblerie cette histoire presque trop belle pour être vraie.
Je suis curieux de voir ce que  Larissa Theule, dans ce livre qui, selon l'éditeur, s'adresse aux 4 - 8 ans, aura fait de cette anecdote.

Sur son blog, Rebecca Green parle avec passion de la façon dont elle aborde son travail d'illustratrice - "My favorite way to celebrate a book is by sharing the illustration process!", dit-elle - je vous recommande, par exemple, le making-of de Madame Saqui, Revolutionary Rope Dancer -

et  dans le billet de ce mois-ci, elle nous raconte comment elle s'y est pris pour illustrer Kafka et la poupée:
"The first tests were pure exploration. I thought Irma might have short hair, I tried a more animation-y style, and I even thought for a second, I’d do the book three-dimensionally. While that last one is a dream I hope to make happen someday, it was impossible for this project. "

Les premiers tests furent de simples explorations. Je me suis dit qu'Irma (c'est la poupée) pourrait avoir les cheveux courts... j'ai essayé un style un peu "dessin animé"... j'ai même songé un instant que je pourrais illustrer le livre en saynètes à trois dimensions. Ça, c'était un rêve,  un rêve que j'espère réaliser un jour, mais dans le cadre de ce projet-ci, c'était impossible.

Elle pratique un style d'illustration assez classique, mais parfois elle sort des sentiers battus et, comme ici, entre dans la Troisième Dimension:

Non, votre écran n'est pas déréglé (clic!).
Vous venez d'entrer dans la Troisième Dimension.

Ça ce n'est pas un travail de commande, c'est une de ses recherches personnelles.


Treasures untold.

Non seulement j'aime bien tous les petits détails, mais je trouve que l'ensemble est supérieur à la somme de ces détails.
J'aimerais bien voir Rebecca Green, un jour, illustrer tout un bouquin de cette façon.
Et je pense que, pour Kafka and the Doll, ce procédé aurait été particulièrement bien adapté: je ne suis pas surpris que Rebecca ait été tentée par cette idée. J'imagine bien un Kafka de pâte à sculpter, ou de papier mâché "à la manière de Rebecca Green": un chapeau bien enfoncé sur une tête stylisée - les traits anguleux arrondis par le polissage de la pâte, de grands yeux très noirs et une bouche souriant, à peine, d'un sourire de Joconde - sortant d'un col dur en bristol; et une petite fille et une poupée  dans des robes de même matière (en papier crépon?) mais de couleurs différentes. Rebecca Green et son éditeur ont choisi un parti différent, privilégiant la simplicité. Contraintes de temps, de budget, j'imagine... On ne peut pas tout avoir: pour autant, je n'en suis pas moins impatient de voir à quoi ressemblera ce livre.
 

En attendant, allez voir le site de Rebecca Green!  

Kafka and the Doll, "Viking Books for Young Readers", 2021


* Nous traversons une période KAFKAÏENNE! N'est-ce pas le bon moment pour retourner vers Kafka?

images © Rebecca Green