samedi 13 février 2021

Chevaux échappés

 

Sans se presser, l'agent de sécurité nous ouvre le portail. Est-ce parce que j'ai cru remarquer un rien de condescendance, une affectation de supériorité, dans le regard bovin qu'il a posé sur nous? Sans réfléchir, je lui lance:
 "Savez-vous que cette demoiselle a écrit un livre?
Le livre s'appelle TERRIBLE, le cheval sauvage. Vous devriez le lire, ça pourrait vous plaire."
Inutile de le préciser: il ne goûte pas le sel de la plaisanterie, et son regard reste, plus que jamais, celui d'un être qui mange du foin. Ma compagne, en revanche, étouffe dans son pull un éclat de rire; Terrible, le cheval sauvage, c'est une vieille private joke entre nous deux (le titre que nous avions donné à une histoire sans queue ni tête que nous avions imaginée ensemble); le livre que la petite fille est effectivement en train d'écrire, et dont elle m'a accordé l'honneur d'être le premier lecteur, ne s'intitule pas Terrible, et il n'y est question d'aucun cheval sauvage.
La séance de relecture du dernier chapitre, que nous entamons dès que nous avons rejoint le bureau vacant dont nous avons fait notre quartier général clandestin, est interrompue par des fous rires (oh, la tête qu'il avait, le vigile!) et, occasionnellement, par des hennissements de chevaux sauvages.

 

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