mercredi 1 avril 2020

Un premier avril comme les autres


Cette nuit, le gris est la couleur ultime, le résultat final. 
Les cendres sont la couleur du ciel, le couvercle de la ville, le mastic dans la bouche. 
Le temps vit avec l'espace, imperturbable: Papa Temps, Maman Espace. 
Ils sont les souverains du monde, de l'univers et de tout le tremblement. 
Invincibles. Il n'existe rien d'autre.
Aucun bruit dans la pièce, sa respiration a la légèreté d'une plume. Un événement intime est en train de se produire, que les visages de la tristesse ne sauraient venir perturber. Loplop, l'Oiseau supérieur, se prépare dans la solitude altière de son aire à devenir de plus en plus petit et à disparaître.
Il est comme un lac doté d'un écho: je dis Max, tout le monde dit Max, le lac dit Max,  l'écho (déjà lointain) dit Max, et Max est partout. Il est au fond de ma gorge et dans le papillon de nuit qui volette. 


Je tiens à deux mains mes oreilles qui hurlent mais que je suis seule à entendre.



Dorothea Tanning, La vie partagée (Between Lives, 2001)
traduit par Marc Amfreville, Bourgois, 2002


1° avril 1976 mort de Max Ernst


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