lundi 9 décembre 2019

Bientôt le 15!


Du jamais vu à jet continu: tout ce qui arrive est inédit 
et la routine est une vue de l'esprit, 
c'est un point de vue qu'on peut défendre. 
Il vient buter  contre l'expérience qui sort de sa manche 
le gigot du dimanche, ton anniversaire, 
l'aube aux doigts de rose, la lessive, Noël, la vaisselle, 
n'oublie pas de racheter du café, la mère 
et le bébé vont bien; et pourtant cet agneau 
bardé d'aulx - voire chacun de ses flageolets - a une histoire, 
unique est le rêve qu'interrompt ton réveil et qui déjà t'a fui, 
et les anges sont épouvantés à l'idée 
de deux aubes semblables.
Didier Da Silva

Oui, je sais, certains d'entre vous sont déçus.
Ceux qui, parmi vous, ont acheté dès sa sortie le livre de Didier Da Silva, Dans la nuit du  4 au 15, en espérant que s'ils commençaient à lire ce livre magique le soir du 4, ils se réveilleraient au matin du 15: et hop! Plus que dix jour avant Noël, toujours ça de gagné.
Ils  savent maintenant que ce n'est pas en cela que réside la magie du livre: c'est la pendule que sa lecture fait avancer plus vite, pas le calendrier, et chaque fois que vous en aurez consommé un peu (à des doses que vous calculerez vous-mêmes; rien n'oblige à le lire d'un trait, bien que la tentation soit grande), vous pourrez constater que le temps a passé plus vite que vous ne vous y attendiez: déjà dix heures!
Vous vous demandiez s'il y a un point commun entre un opportuniste et un illusionniste? Vous le savez maintenant, et aussi que c'est Georges Palante qui a écrit que c'est parmi les sentimentaux que se recrutent les ironistes (on se demande ce qu'en pense l'auteur de L'ironie du sort?), que Le Bateau Ivre a l'âge exact du Captain Cap, que l'instrumentarium de L'enfant et les sortilèges ignore le saxophone au profit de l'éoliphone, de la crécelle à manivelle, de la râpe à fromage, du wood-block, des crotales et du luthéal, quel est le mot définitif qu'Alfred Jarry eût (probablement) dit à Dale Carnegie s'il l'avait rencontré, que le rhum et les cigarettes ne valent rien pour la santé (c'est un expert qui l'a dit), qu'Isaac Asimov commence là où Jimmy Guieu finit, et que quand même, il y a des jours heureux.
Bref, moi qui n'attendais de ce livre que le plaisir tout simple de retrouver Didier Da Silva pour une fois ailleurs que sur son blog (j'ai bien aimé ses livres précédents, vous l'ai-je dit?) je n'ai pas été déçu.

Le 15 décembre sera l'anniversaire de la naissance de Louis Lazare Zamenhof, le Doktoro Espéranto (quatre jours après l'anniversaire de sa mort un 11 décembre). Moi mon papa, à moi, il était espérantiste dans sa jeunesse; son espoir s'amenuisa quand il constata que, des correspondants hongrois, autrichiens, allemands avec qui il échangeait des timbres et des projets utopiques, il cessait peu à peu de recevoir des lettres: les échanges internationaux étaient mal vus par les autorités de certains pays dans cette décennie 30-40 où bouillonnaient leurs adolescences, et les flammes vertes dont (pour répandre la bonne nouvelle de l'avènement d'une langue universelle) ces innocents décoraient leurs enveloppes, rendaient dérisoirement facile la tâche des cabinets noirs. 
Vous, je ne sais pas, mais Tororo lèvera son verre ce jour-là en souvenir du Doktoro.

Didier Da Silva, Dans la nuit du  4 au 15
Quidam éditeur, 2019
ISBN 978-2-37491-097-0

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