vendredi 27 septembre 2019

Jacques Chirac, la mort d’un conquérant


Destin mélancolique que celui de Jacques Chirac. 
Pendant quelques années, on put se souvenir de lui comme du plus mauvais président de la cinquième république - celui dont les décisions les plus graves (sans doute, certes, mûrement réfléchies) furent prises systématiquement à contre-temps, celui qui fit l'usage le plus absurde des pouvoirs étendus attribués au président par la constitution de 58. On imagine sa déception quand il constata que le principal souci de ses successeurs fut d'entrer dans une féroce compétition pour lui ravir cette place - et quand, contre toute attente, l'un après l'autre, successivement, ils y réussirent!

Il est permis de se demander si la contrepèterie cachée dans le titre de ce billet, titre qui n'est pas de moi: je l'ai simplement emprunté à un des hagiographes les plus extasiés (il écrit dans Le Figaro! - "Superbe manchette Collector (5 colonnes à la UNE) ce vendredi 27 septembre") du président défunt, a échappé à son auteur.
Homme de plume avant tout, le chantre improvisé est si absorbé par sa psalmodie qu'il ne semble pas, non plus, entendre aucune dissonance dans cette constatation qu'il fait spontanément: "À la mort de son protecteur, en 1974, Jacques Chirac prend une part décisive à la victoire de Valéry Giscard d’Estaing contre le gaulliste Jacques Chaban-Delmas", ni dans le rappel, qu'il fait plus loin, que [ce président] "osa tout avec un aplomb sans égal" (c'est précisément à cela - oublie-t-il de dire, sans doute dans un instant de distraction - qu'on reconnaît pour ce qu'ils sont les hommes de cette trempe).
Cependant, dans ces circonstances douloureuses pour les quelques personnes qui l'aimaient sincèrement (il est malaisé de les distinguer dans la foule d'Arlequins, de Pantalons, de Scapins et de Tartuffes qui en ce moment soufflent bruyamment dans des mouchoirs, mais il en existe) il n'était donc pas inopportun, de la part de son biographe du Figaro, de n'évoquer qu'avec une bienséante discrétion le rang que, dans la mort, vient occuper Jacques Chirac dans la longue procession des grandes figures dont le nom  commence par un C.


De mortuis nil nisi bonum.
"Notre maison brûle et nous regardons ailleurs", dit-il un jour.