Au moment où je me couche,
je ne m’endors pas tout d’un coup,
mais par petites étapes: ces quelque secondes d’activité onirique ne produisent tout d’abord que des scènes désespérément prosaïques.
Je gribouille quelque chose dans les marges d’un livre.
Puis j’ouvre les yeux, à demi-réveillé.
J’ai à peine réalisé que je suis dans mon lit,
voilà que je dois me concentrer sur une tâche délicate: épingler au revers de mon veston le petit insigne doré des donneurs de sang.
Le vent souffle si fort qu'il rend difficile cette action pourtant simple.
Je m’éveille à nouveau à demi.
Enfin je m’enfonce dans l’obscurité du premier sommeil.
Je ne sais pas ce que je deviens à ce moment là.
Peu à peu, tandis qu’au-dehors la lune chemine,
les lumières du rêve s’allument,
jusqu’à ce qu’enfin le sommeil de l’aube sorte du four la spécialité qu’il a mitonnée toute la nuit, une pièce montée cascadant d’images brillamment colorées.
Je suis l’un des deux sidekicks de quelque
justicier masqué.
À nous trois, nous exécutons la parade qui va réduire à néant le plan machiavélique de notre arch-Némésis: il s’agit de transporter
jusqu’au cœur de son repaire des armes d’une grande sophistication, des sortes de disques
(du diamètre d’une roue de camion)
pourvu d’un de ces dispositifs anti-gravité dont les auteurs de comics gardent jalousement le secret, il suffira de leur donner une petite impulsion initiale et ils s’élèveront, animés d’un mouvement de rotation qui ira s’accélérant et décrivant des trajectoires elliptiques,
leur bord tranchant découpera comme du beurre les structures, tuyaux, câbles, pylônes, de la machinerie infernale.
C’est une entreprise délicate, car ces armes ne sont pas sans danger pour celui qui les utilise et de surcroît quand elles sont lancées il n’y a aucun moyen de les arrêter: c’est le principe même de
l’arme du jugement dernier
(pour les détails, voir Docteur Folamour).
Mais le super-méchant que nous combattons a lui aussi élaboré en secret une riposte:
tandis que nous progressons difficilement par couloirs et passerelles en tenant nos armes fatales à bout de bras comme de géantes pizzas, nous l’apprenons par les lunettes-écrans incorporées à nos masques
de super-héros:
il a entrepris de ruiner la popularité de notre
super-team!
... les bulletins d’actualité que nous recevons montrent notre ennemi en train de raconter à de jeunes membres de notre fan-club d'horribles calomnies sur notre équipe.
N’y a-t-il pas là de quoi nous déstabiliser
au point de nous faire perdre le sens de l’équilibre?
Heureusement que je me réveille
avant d’avoir lâché ma pizza.
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