vendredi 23 décembre 2011

C'est arrivé, mais on n'en a rien su, ou la juste distance: Morse, 3

- Blackeberg. J’ai grandi ici.
John Ajvide Lindqvist, romancier.

- Blackeberg. J’ai grandi à deux stations de métro de là.
John Nordling, producteur.

- ... que cette histoire s’était passée il y a vingt-cinq ans.
A mon insu peut-être, mais elle a pu se passer.
John Ajvide Lindqvist, auteur et scénariste.

Ce billet est le troisième d'une série de notes consacrées à Morse: ça commence ici et ça continue .

Cette histoire s’est passée il y a vingt-cinq ans et on n'en a rien su. Elle n'a pas fait, comme on dit, de bruit.



Blackeberg, comme c'était avant


Seulement des bruits feutrés. Il y a des tas de choses dans la bande-son de Morse qu'on risque de rater (un peu de la même façon, si on cligne des yeux au mauvais moment, on risque de rater, dans la courte séquence où la réceptionniste de l'hôpital se précipite dans la rue enneigée à la recherche de la bizarre petite fille qu'elle vient de voir s'enfuir pieds nus, un détail à l'arrière-plan de l'image: une minuscule Eli qui, derrière la garde qui lui tourne le dos, grimpe comme un gecko le long de la façade de verre) si on est un instant distrait par le bavardage de son voisin.

Tapotement de doigts légers, sur un bureau, sur une épaule... air sans paroles, fredonné si bas qu’on l’entend à peine sortir d’une bouche fermée d’enfant, et qui suffit pourtant à faire naître sur le visage d’un vieillard le seul sourire qu’on lui verra de tout le film... pièces de monnaie tombant dans la neige des poches du pantalon d’un homme pendu par les pieds... sang coulant goutte à goutte d’un entonnoir dans un jerrican.
Chacun de ces bruits imperceptibles prend dans la bande-son la place exacte qui lui revient.
C’est à juste titre que dans les bonus du DVD le réalisateur rend hommage aux preneurs et aux éditeurs de son de Morse (Mikaël Brodin, Christoffer Demby, Maths Källqvist, Jonas Jansson, Patrik Strömdahl, Per Sundström; applaudissez.) C'est une bande-son d'une rare sensibilité, qui nous place au plus près des acteurs. Si près qu'on peut sentir s'ils ont froid.

Cette histoire s'est passée juste à côté de nous, juste à portée de voix chuchotée, pas plus loin que n'ont roulé les petites choses, pastilles de menthe et lucky pennies, qui sont tombées un jour de nos poches et que nous n'avons jamais revues, à portée du bout de nos doigts comme l'étaient toujours ces voitures miniatures dont nous avons un jour refermé le capot pour ne plus jamais le rouvrir, remplacées qu'elles avaient été dans notre affection par des machines à faire du bruit.


Morse est un film suédois (2008) de Thomas Alfredson d'après un roman de John Ajvide Lindqvist.

Touts droits réservés pour l'image illustrant ce billet.

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