Si un chat choisit, de son propre chef, de se cacher dans un sac en papier: pas de problème. Les problèmes commencent quand vous essayez de convaincre un chat de rester caché dans un sac en papier, parce que vous voyagez avec lui dans un compartiment où des panneaux préviennent: "interdit aux chats et aux cigarettes": et justement, ce jour-là, le chat n'a pas envie de rester dans le sac. Un livre, c'est aussi en papier et on peut aussi mettre tout ce qu'on veut dedans, ça rentre donc (dans une certaine mesure) dans la même catégorie que les sacs en papier, mais il est plus facile de faire entrer un chat dedans (jamais chat n'a refusé de figurer dans un livre, vérifiez, les exemples abondent): surtout si c'est un chat dessiné et le livre un manga, où il y a la place pour beaucoup de dessin et un peu de texte. Dans La pomme prisonnière, les pages de texte servent à Kenji Tsuruta pour nous faire quelques confidences sur sa façon de travailler, ses choix, ses rapports avec son éditeur, les chats et les chattes qu'il a bien connu(e)s. La place, importante, que le texte laisse au dessin sert à raconter la vie d'une demoiselle, Mariel Imari, et d'une chatte, Gelsomina. Pas de robots géants ni de monstres des abysses (qu'il y en ait dans tous les manga, ce n'est qu'une idée reçue), mais quantité de conseils pratiques très utiles:
- si, en faisant de la plongée, vous trouvez une souris au fond de l'eau, apportez-la à votre chat, c'est un cadeau que les chats apprécient, en principe - ne serait-ce que le temps de la renvoyer d'un coup de patte là d'où elle vient. On ne trouve pas toujours le cadeau idéal, mais l'intention, ça compte.
- s'il fait très chaud, enlevez tous vos vêtements (à supposer que, par une chaleur pareille, vous ayez eu l'idée bizarre d'en porter) et installez-vous confortablement pour une sieste: votre chatte approuvera.
Je m'étends un peu, dans ce compte-rendu, sur les questions relatives aux chats; Stéphane du Mesnildot, qui, lui aussi, a bien aimé ce manga, note que la chatte Gelsomina y est si omniprésente qu'on se demande parfois si ce n'est pas elle la protagoniste; il souligne aussi, à juste titre, la maîtrise dont fait preuve Tsuruta pour dessiner les jeunes filles longilignes aux longs cheveux, sans les encombrer d'un excédent de vêtements, n'hésitant pas à rapprocher la manière du mangaka de celle de Crepax (il s'en explique: "j’avoue que je cherche aussi Valentina partout"). Délicate attention, il nous propose une playlist pour accompagner notre lecture.
Kenji Tsuruta: La pomme prisonnière (Hakusensha, 2014)
traduit par Yukari Maeda et Patrick Honnoré, Noeve-grafx, 2022
image © Kenji Tsuruta / Noeve-grafx
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