A l'école, notre professeur de brègne avait acquis un certain prestige parmi les élèves.
C'était l'âge où nous accordions notre admiration à tort et à travers, comme des coups de dents au creux d'un troupeau. Nous avions besoin de nous raccrocher à quelque chose: l'univers s'était écroulé autour de nous; dans les autres quartiers, les gamins nous écartaient avec des bâtons et se moquaient en criant de nos malformations.
Pour moi, c'était différent. J'observais.
Lorsque le professeur de brègne rentrait dans la salle, il y avait soudain un silence lourd. La poussière dans la vitrine des empaillés frémissait; sur le qui-vive, les buses et les ratons dressaient l'oreille. Il faisait moite et velouté à l'intérieur de nos mains, quand nous en avions.
La pénombre tambourinait le long de nos artères.
"Tirez les rideaux, il fait bien trop clair ici", disait le professeur de brègne.
La classe que déjà la noirceur aveuglait, la classe écartelée et pantelante devenait encore plus étouffante. Lorsque les persiennes terminaient leur course contre l'appui des fenêtres, il y avait une sorte de soupir effaré qui s'allumait de pupitre en pupitre: eh bien - pensions-nous - ça recommence: qu'est-ce qu'il va faire aujourd'hui?
Le professeur de brègne ouvrait alors une caisse cerclée de cuivre.
Tout était réglé dès le début de l'année selon une chorégraphie impeccable.
Un élève montait sur l'estrade et éclairait la scène à l'aide d'un chandelier à deux bougies.
La caisse était obscure et profonde comme un four.
C'était impressionnant et fantomatique.
Nous ne respirions plus.
"Regardez bien, sales petites bêtes", disait le professeur de brègne.
Et il nous montrait des mystères.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire