mardi 29 août 2017

On va tout retrouver comme avant.



Bientôt la rentrée? 
Allons-nous tout retrouver comme avant? 
Aurons-nous la même chance qu'Howard Phillips Lovecraft
Si nous lui posions la question, il répondrait sans doute: 
"On peut toujours rêver".


J’étais en train de marcher ou plutôt de patauger dans un marécage sans aucun arbre, qui semblait interminable, sous un ciel de plomb. 
Mon compagnon était un vieil homme – un homme si vieux que j’en avais peur, même si je savais que je le connaissais, ou l’avais connu autrefois. Ses cheveux blancs lui tombaient sur les épaules, et sa barbe traînait presque par terre. En dépit de son âge il était plus fort que moi, et tenait un pas que j’avais du mal à suivre. 
Alors soudain j’aperçus une maison isolée sur l’horizon tout devant. C’était une très vieille maison – une ferme typique de Nouvelle-Angleterre du type qui se construisait vers 1640 ou 1680, avec un toit pointu et excessivement compliqué, et des bardeaux sur toute sa surface. Elle semblait être en état épouvantable, au dernier degré de l’abandon. 
Comme nous approchions, le vieil homme me dit: 
– Ça n’a pas changé. 
Je ne répondis pas. 
Alors il dit: 
– Ça fait deux cents ans, que ça n’a pas changé. 
Je restai silencieux. 
Alors il dit: 
– Tu étais idiot d’attendre et de renaître, je suis moins bête, je suis resté vivant tout ce temps. 
Et comme il me disait cela, je pensai que je me souvenais de lui. 
Il était maintenant habillé d’un vêtement si décoloré et indescriptible que je ne peux l’analyser – cela aurait pu être un genre de robe faite de vieux sacs en toile cousus ensemble – mais je me souvenais de lui quand il était jeune, portant de hautes bottes et un manteau rouge, avec une grande perruque noire et un tricorne. 
Dans ce vague souvenir, son visage était lisse, même si la forte poussée de sa barbe lui donnait un aspect bleuté. 
Alors je dis: 
– Ça n’a pas changé. 
Nous approchâmes et entrâmes dans la maison, trouvant à l’intérieur une masse de plâtre écroulé et une ruine générale. 
Nous commençâmes de grimper un escalier pourri, et le vieil homme dit: 
– On va tout retrouver comme avant. 
Et je répondis: 
– Tout ça est pareil qu’il y a deux siècles, on va le retrouver en haut. 
Et nous continuions de grimper. La maison n’avait qu’un étage, mais le haut du vieil escalier n’en semblait pas plus proche. Monter, monter, monter – jusqu’à ce que les murs autour de nous se transforment en brume et nuages tourbillonnants – et encore nous montions, montions. 
– On va trouver ça comme c’était autrefois, ça n’a pas changé. 
Et nous montions, et nous montions, 
et là s’arrête le rêve.
H. P. Lovecraft  

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