Je ne vais pas vous répéter ce qui figure au dos de la couverture: que "Grace McCleen, née au pays de Galles en 1980, a grandi dans une famille de chrétiens fondamentalistes où le contact avec le monde extérieur était rare"; et que "À travers le regard d'une petite fille élevée dans le dogme religieux et l'angoisse d'Armageddon, Grace McCleen s'interroge sur le Bien et le Mal, la foi et le doute; dans ce premier roman, elle réussit avec grâce à mêler le frisson du suspense à la poésie de l'enfance"; je trouve que cette quatrième de couverture en dit déjà plus qu'il n'est strictement nécessaire, qu'en plus elle le dit dans ce style empesé qu'on retrouve sur toutes les quatrièmes de couverture tous éditeurs confondus, et qu'on prendrait sans doute encore plus de plaisir à cette lecture si on se lançait dedans sans savoir où on met les pieds: ce roman ménage à ses lecteurs quelques surprises, ça fait partie de son charme. Après cette lecture, si vous avez envie d'en savoir plus sur Grace McCleen, vous pourrez toujours aller voir son site, où elle vous a préparé quelques autres surprises. Mais bon, apparemment les gens dont c'est le métier de rédiger les quatrièmes de couverture savent mieux que nous ce qui est bon pour nous.
Les concepteurs de la couverture de l'édition française ont voulu illustrer - sur le premier plat - l'idée d'une contrée fabriquée de toutes pièces en utilisant un modèle réduit de maison et des figurines à l'échelle H0 utilisées pour les trains électriques: ils ont estimé que l'image paraissait assez artificielle comme ça. C'est faire bon marché de l'inventivité de l'artificieuse Judith McPherson, qui fabrique dans sa chambre le plus beau de tous les pays à partir de matériaux de récupération, processus qu'elle décrit ainsi: "J'ai dit: 'Je vais créer les champs' et je les ai créés avec des sets de table, de la moquette, du velours côtelé marron et de la feutrine. Puis j'ai créé des rivières à l'aide de papier crépon, de film plastique et de papier d'aluminium, et des montagnes avec du papier mâché et de l'écorce d'arbre. Alors j'ai regardé les champs, les rivières et les montagnes et j'ai vu que cela était bon."
Et plus loin: "J'ai dit 'Et pourquoi pas des habitations?' Alors j'en ai bâti une à partir d'une boule d'herbe sèche, une autre à partir d'une souche d'arbre, et encore une à partir d'un baril de caramels vide..."
Je ne vous révèlerai rien de plus sur Judith McPherson, parce que Dieu a dit à Judith qu'Il ne voulait pas qu'elle révèle à quiconque qu'elle était Son instrument, et je ne veux pas causer d'ennuis à Judith, elle en a eu assez comme ça.
Je vais pourtant faire quelque chose que j'évite autant que possible de faire quand je vous parle de livres: je vais vous livrer un spoiler. J'invoque une circonstance atténuante: c'est pas vraiment un spoiler, parce que ce n'est pas à propos de quelque chose qui est dans le livre mais à propos de quelque chose qui y manque (et spoiler [verbe], ça veut dire raconter quelque chose qui est dans un livre, non? pas signaler quelque chose qui n'y est pas?). Je vous préviens quand même que le paragraphe qui suit s'adresse plus spécifiquement à ceux qui viennent de finir de lire le livre (et je suppose que c'est ce que vous allez commencer à faire maintenant).
Je suis sûr que toutes celles et ceux qui auront lu Le plus beau de tous les pays, parvenus à la dernière page, seront préoccupés par une question que le livre laisse - apparemment - sans réponse: qu'est devenu le petit cloporte que Judith observe page 25, prisonnier d'une pièce de velours frappé qui est pour lui comme un labyrinthe, et que page 26, quand, l'ayant quitté un moment du regard, elle le cherche des yeux, elle n'arrive pas à retrouver?
Judith, vous vous en souvenez, avait un mauvais pressentiment à son sujet: "Nous avons fait une expérience avec des cloportes à l'école. Nous avons construit un labyrinthe en pâte à modeler, et nous avons compté le nombre de fois où ils tournaient à gauche ou à droite. Ils tournaient presque toujours à gauche. C'est parce qu'ils ne peuvent pas penser par eux-mêmes." Vous craignez que le petit cloporte n'ait finalement renoncé à retrouver le chemin de chez lui, ne se soit roulé en boule comme un petit tatou et ne soit mort de faim et de tristesse entre deux plis de tissu?
Les cloportes sont victimes d'un préjugé: comme beaucoup d'entre nous, ils se fient à l'idée reçue que pour sortir d'un labyrinthe, il faut à chaque intersection tourner toujours du même côté et compter combien de fois on tourne (ça se vérifie souvent, mais pas toujours: ce qui fausse la régularité des prévisions, c'est que la plupart du temps, ce n'est que bien après être entré dans le labyrinthe qu'on réalise qu'on est dans un labyrinthe - et qu'en conséquence on commence à compter les tournants).
Il faut bien qu'il serve de temps en temps à quelque chose, le privilège du narrateur omniscient (privilège dont je dispose, pas partout, malheureusement, mais au moins, dans l'espace de ce blog).
Alors je vous le dis : ce petit cloporte-là a fini par s'en sortir.
La canonicité du livre qu'on désigne du nom de Pseudo-Ézéchiel (à ne pas confondre avec l'apocryphe Apocalypse d'Ézéchiel) a été l'objet de bien des controverses, jusqu'à ce que le concile de Laodicée se prononce contre son admission dans le Canon. Ne m'en demandez pas plus: je ne suis pas Google!
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