Boileau, s'étant donné pour règle de conduite
Je ne puis rien nommer, si ce n'est par son nom,
citait ensuite deux exemples concrets:
J'appelle un chat un chat, et Rollet un fripon.
Le monde a-t-il changé au point que les règles de l'art poétique définies par Boileau pour les siècles à venir ne s'appliqueraient plus? Un chroniqueur de France-Inter vient de se faire, quasi simultanément, taper sur les doigts et tirer les oreilles par - motivations différentes, effets similaires - un magistrat empressé d'étaler son zèle et une Commission soucieuse, elle, de dissimuler son embarras. Qu'avait-il fait? Il avait appelé un chat un chat, et Rollet un fripon (euh, en fait non, pas Rollet, et pas un fripon non plus, Rollet est bien oublié aujourd'hui, et fripon n'est plus trop en usage: remplaçons ce mot et ce nom par des équivalents contemporains approximatifs... ou plutôt non, ne remplaçons rien par rien, nous risquerions de nous faire taper sur les doigts ou tirer les oreilles.
La prudence devrait même nous commander de ne plus appeller un chat un chat, on ne sait jamais, des antispécistes pourraient trouver que "chat" c'est spéciste: quand nous postons sur des sites de partage des photos du dernier de la portée qui s'émerveille des possibilités offertes par les pelotes de laine, ou de Mamie Moustache qui quémande un câlin, usons de termes moins connotés que "chat": minounette, poupouline, Kitty-kitty, vous trouverez bien.
Synchronicité; dans un billet récent du toujours pertinent David Apatoff, j'ai appris un mot que je ne connaissais pas: edentulous. J'en trouve la sonorité plaisante, et je me demande si j'aurai un jour l'occasion de l'employer dans une conversation (en anglais: il n'a pas en français d'équivalent aussi rigolo). Ça, l'avenir nous le dira.
Revenons au présent: si je parlais de synchronicité, c'est parce c'est en commentant l'ultimatum, adressé à un journal, de retirer de son site une caricature qui avait le grand tort de ressembler à son modèle (inexcusable, ont tranché les gardiens autoproclamés de la paix publique et de la féquentabilité d'internet!), que David Apatoff employait ce joli adjectif pour caractériser les dessins inodores et incolores par lesquels le trou dans la rubrique "humour" du magazine a été rempli le jour suivant.
Je commence à craindre que tout ça ne donne des idées aux détenteurs du titre de propriété d'un chat - qui se sont, bien sûr, déjà empressés de le faire dégriffer - et qu'ils ne choisissent bientôt de le faire édenter aussi. Au secours, Boileau!
2 commentaires:
One must also never forget that one does not own a cat....you are the cat's person, you are the Staff!
Exactly.
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