L'histoire de la poupée de Kafka a intrigué beaucoup de gens. À tel point que certains ont écrit à Snopes - vous savez, le site de fact-checking - pour leur demander de la fact-chéquer. Diagnostic de Snopes: unproved.
Les gens de Snopes ont pris la chose au sérieux, et ils ont fait des recherches (sur le net évidemment, where else?) - sans rencontrer de difficultés majeures: si vous décidez de faire ces recherches par vous-même, ça vous prendra un quart d'heure. Vous apprendrez même que l'histoire est mentionnée dans un livre de Paul Auster: ça vous intéressera si comme moi vous aimez bien Paul Auster, sans pour autant avoir encore lu tout ce qu'il a écrit.
The vignette has enjoyed waves of popularity on social media in recent years and saw a resurgence in February and March 2021, prompting inquiries from Snopes readers. One especially influential iteration of it came in October 2011, when the psychoanalyst and writer May Benatar recalled the story in a column for HuffPost. That piece appears to have been the original written source of the wording of the final, touching message from Kafka: “Everything you love will probably be lost, but in the end, love will return in another way.”
Paul Auster included the doll story in his 2005 novel “The Brooklyn Follies,” and it inspired the March 2021 graphic novel “Kafka and the Doll” by Larissa Theule and Rebecca Green.
Ils soulignent, notamment, que seules deux des sources de l'histoire rapportent un témoignage "de première main", toutes les autres étant des fictions dérivées de celles-ci:
... a “simple, perfect and true Kafka story,” which [Dora] Diamant had originally relayed in person to Marthe Robert, a French Kafka translator, in the early 1950s […] ... according to the Irish-American Kafka scholar and translator Mark Harman, Diamant told a slightly different version to Max Brod...
Pour ma part, je ne mets pas en doute la fidélité des souvenirs de Dora Diamant; pourquoi le ferais-je? À votre avis, si je résumais devant deux personnes différentes à quelques années d'intervalle un échange de lettres que j'ai eu en 1985 avec… (peu importe, ça ne vous regarde pas), croyez-vous que je le ferais deux fois de la même façon?
Ce qui m'agace, c'est qu'il y ait tant de gens qui se soient cru permis - sans doute même s'y sont-ils senti obligés, tant est forte autour de nous la pression pour faire entrer les fictions dans des normes (celles dictées par, disons, pour faire court, "la société du spectacle") - d'enjoliver l'histoire, de lui trouver une fin bien conclusive
(on a retrouvé la petite fille soixante ans après:
elle allait bien, merci de demander)
et, de surcroît, moralisante
(il y avait un papier caché dans la poupée,
paré de toute l'autorité
d'un message de l'au-delà!).
Bref, une Hollywood Ending.
Une chose pourtant est sûre:
ce n'était pas son truc, à Kafka, les Hollywood Endings.
Kafka n'écrivait ni pour Fox, ni pour HBO, ni pour Netflix, et s'il a écrit Amerika, ce n'était pas dans l'espoir qu'il soit un jour adapté sur le Disney Channel.
Dan MacGuill, le fact-checker qui signe l'article de Snopes, choisit de laisser le mot de la fin (et je trouve ce choix singulièrement approprié) à un personnage de fiction:
Tom Glass, the character who tells the tale in Paul Auster’s novel “The Brooklyn Follies”, describes the profound effect of the fake letters on the girl:
"By that point, of course, the girl no longer misses the doll. Kafka has given her something else instead, and by the time those three weeks are up, the letters have cured her of her unhappiness. She has the story, and when a person is lucky enough to live inside a story, to live inside an imaginary world, the pains of this world disappear. For as long as the story goes on, reality no longer exists."