"Il n'y a rien de plus intéressant qu'une porte derrière laquelle il se passe quelque chose", affirmait Alfred Hitchcock.
Ailleurs, le Maître du Suspense soutient qu'une table banalement garnie d'un déjeuner devient très intéressante (au moins au cinéma) dès lors que le spectateur a été prévenu qu'une bombe est cachée dessous.
Vilhelm Hammershøi n'a pas eu besoin des conseils d'Hitchcock pour peindre des images derrière lesquelles il se passe quelque chose.
Cependant, il s'est toujours dispensé de donner à ses tableaux des titres programmatiques (à la différence d'Alfred Khnopff, à qui on l'a souvent comparé) et si quelque chose est caché derrière ses portes, il l'a laissé à l'imagination de ses visiteurs.
Parmi les visiteurs de l'exposition au musée Jacquemart-André, justement, il y en avait que le sujet des peintures rendait perplexes:
- Est-ce la disparition d'un cuillère à thé qui préoccupe ainsi la dame?
- Ce qu'elle vient d'entendre tomber dans la pièce d'à côté, était-ce une chaussure? Et dans ce cas, était-ce la première ou la deuxième?
D'autres se demandaient pourquoi, dans ce portrait d'un groupe de quatre amis du peintre, chacun semble isolé des autres par un mur invisible.
À ces questions, évidemment pas de réponse. Je ne pense pas que ce qui obséda Hammershøi c'était les pièces vides, les portes entrebâillées, les femmes indifférentes à celui qui les regarde ni même les rayons obliques d'un soleil exténué: le soupçon m'est venu qu'il cherchait à peindre ce qu'il se passe pendant que nous attendons qu'il se passe autre chose.
Ce n'est sûrement pas une chose visible dont l'absence, dans les fameux intérieurs de Hammershøi, donne cette troublante impression d'un manque.
Une vue du quartier du port est un sujet inhabituel dans son œuvre (on n'est pas allé bien loin cependant: on est toujours à Christianshavn!); pourtant, aucun doute, celle-ci porte sa marque immédiatement reconnaissable: par son cadrage, sa lumière certes, mais surtout, cette scène vide de personnages - comme les intérieurs, mais de façon rendue plus ostensible par les mâts dénudés qui la dominent - est habitée par l'imminence de quelque chose, une chose qui, pas plus ici qu'ailleurs, ne sera jamais ouvertement désignée; ici, on pense, bien sûr, à la possibilité d'un départ, mais encore?…
Fra det gamle Asiatisk Kompagni (1902) |
Qui sait? Peut-être toutes les toiles de Hammershøi sont-elles clandestinement des marines, des embarquements: entrée par les hautes fenêtres, ce qui emplissait le vide apparent de la maison de la Strandgade, c'était peut-être la rumeur des quais.
Dasola est allée voir, et nous confie:
"Et j'ajouterai que l'on peut prendre les tableaux en photo. J'en ai profité."
Si vous pensez avoir l'occasion de passer au musée Jacquemart-André dans les prochains mois (vous avez jusqu'à la fin de juillet), vous trouverez toutes les informations ici.
Sinon, allez donc voir les photos de dasola!
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