dimanche 3 mars 2019

Données chiffrées


Mission délicate que celle de cette nuit, et potentiellement dangereuse: par où commencer?
- Quelle est la superficie totale de l'agglomération lyonnaise?
Je pose cette question à mon partenaire dans cette mission, mon vieux pote D (je devrais rêver de lui plus souvent, son sens pratique fait merveille dans les rêves).
De mémoire, sans hésiter, D me répond:
- 2 019 000 km2.
Bigre! Deux millions dix-neuf mille kilomètres carrés. C'est plus grand que je ne pensais: à peine moins que Paris, dirait-on (Paris, c'est bien trois millions de kilomètres carrés, non? Désolé, même en rêve, je n'ai pas autant de familiarité que D avec les chiffres).
Dans un tel espace, comment choisir l'endroit où commencer nos recherches, sinon en se fiant aux quelques informations incomplètes que nous possédons, et au hasard?
Alors, ici autant qu'ailleurs.
Mais la météo m'inquiète.
- Quelle probabilité qu'il tombe de la neige aujourd'hui?
Cette fois, il consulte brièvement sa tablette. L'estimation qu'il me donne doit donc être toute récente:
- 4% .
C'est faible. Pourtant l'impression ne me quitte pas qu'il pourrait bien neiger dans la journée, ce serait contrariant: à un moment crucial de notre mission, il sera important que nous ne laissions aucune trace, et si à ce moment-là le sol était couvert de neige…
Bah, concentrons-nous sur ici et maintenant. Dans cette petite rue en pente, la municipalité organise une exposition en plein air d'œuvres de maîtres-verriers.
À chaque croisement, un socle entouré d'une barrière supporte un objet de verre, des panneaux indiquent le nom de l'artiste et rappellent qu'il s'agit aussi d'une compétition: les œuvres seront jugées à la fois par un jury de professionnels et un vote du public, les passants sont invités à voter en ligne. Nous dépassons une sculpture de cristal limpide, en forme de grosse goutte de la taille d'une pastèque; plus loin, une autre, plus grande, ressemble à un drap froissé de verre strié; encore plus loin, une sorte de cosse de pâte de verre céladon. Au sommet de la pente, une petite place autour de laquelle les maisons se raréfient, laissant place à des terrains vagues, puis à une sorte de garrigue: sommes-nous déjà si loin du centre-ville? C'est un quartier de Lyon qui ne ressemble à aucun de ceux que je connais.
Au centre de la place, une sculpture plus grande que celles que nous avons vue jusqu'à présent (un mètre de haut, trois mètres de large, à peu près).
D'un caractère différent, aussi: rien d'abstrait, mais un blason baroque, fait d'éléments de verre de couleur encadrés de plomb, comme un vitrail: mais ce n'est pas un vitrail, c'est en trois, pas en deux dimensions (de part et d'autre de l'écu, d'énormes lambrequins de verre transparent, aussi d'inspiration baroque). La forme générale suggère qu'elle pourrait être destinée à orner le linteau d'un portail.
Des passants échangent des remarques sarcastiques sur le caractère kitsch de cette œuvre, et sur le fait qu'on lui ait donné ce qui semble être une place d'honneur: ce serait une commande, et de quelqu'un qui possède une certaine surface, dans tous les sens du terme.
Sans raison précise, l'idée me vient que la présence de cette chose pourrait avoir un rapport lointain avec notre mission.
D se fie aux chiffres, j'ai tendance à accorder une certaine importance à mes intuitions: c'est comme cela que nous nous complétons.
Il fait toujours doux et humide, malgré les prévisions il pourrait bien neiger, je le sens dans mes os.

Rêves et statistiques: à une de ces deux choses, il ne faut pas trop se fier.

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