Les derniers rêves du petit matin, et ceux qui surviennent lors des brefs endormissements imprévus dans la journée, semblent vouloir compenser quelque chose - leur brièveté? - par un surcroît de réalisme descriptif, vouloir émuler les expériences diurnes en renchérissant sur leur banalité (comme au cinéma quand on recherche "l'effet de réel" en évacuant le pittoresque): peut-être aspirent-ils à se glisser parmi nos souvenirs et à se faire passer pour l’un d’eux?
Au dernier moment, leur inhérente bizarrerie onirique les rattrape et réduit à néant leur petite ruse.
Le petit homme que j’entends ronchonner dans ce rêve-ci - il est tout contracté, le pauvre, agité de tics, le menton dans la poitrine, il jette de brefs coups d’œil inquiets par-dessus ses lunettes - est d’une vraisemblance criante: on pourrait s’attendre à le rencontrer n’importe où. Cependant le rêve me souffle à l’oreille que c’est dans une maison d’édition qu’il travaille (laquelle? le rêve ne me le dit pas).
"Cette Françoise Sagan est un voyou notoire", voilà ce que je l’entends grommeler pour lui-même.
"Un voyou notoire"? J’ai déjà entendu dire bien des choses sur Sagan, mais ça, jamais.
Imaginez mon embarras, que ce petit homme grisâtre ait choisi un de mes rêves pour émettre un jugement si peu nuancé.
Qu’en dira la postérité?
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