dimanche 29 avril 2012

Rêve du désir longtemps inexprimé


"Je donne le maximum: 800 points d'expérience, à tous les survivants", annonce le maître de jeu en repliant ses papiers. 
Mon père et moi, nous sortons ensemble, en comparant nos impressions sur la partie. Mon père propose que nous fassions route ensemble, "puisque tu ne conduis toujours pas - je me trompe?". Non, Papa, tu as bonne mémoire, je ne conduis toujours pas. 

Quand nous arrivons à sa voiture, je constate, perplexe, qu'il en a changé, pour une 2 CV bleu gauloise, visiblement d'occasion: elle est même un peu cabossée! Pour rentrer dans cette antiquité, il doit se plier en quatre: il est un peu maladroit à cet exercice, tant elle est petite comparée aux berlines que, jusqu'ici, je l'ai toujours vu conduire. "Hé oui", dit-il avec un sourire en coin, en remarquant ma surprise. Les temps sont durs, décidément, pour tout le monde.

En route, mon père me rassure: l'accouchement s'est bien passé. Je suis excité à l'idée de connaître enfin ma petite sœur; de quoi aura-t-elle l'air? J'ai passé tant de temps à l'imaginer, depuis qu'on en parle. "Elle ressemble à Maman, bien sûr. Tu verras comme elle est jolie!"

Le jour s'est levé, et la route est encore longue jusqu'à l'hôpital. Nous nous arrêtons dans une pâtisserie pour quelques croissants. A cette heure matinale, tous les plateaux débordent de petits fours tout frais, brillant de tout leur glaçage. 
Plein d'espoir, je demande: "Dis, Papa, tu ne crois pas que ça ferait plaisir à Maman si on lui ramenait des gâteaux?"… 

Le bonheur, même en rêve, ça fait rajeunir.


 April is the cruellest month, breeding          

Lilacs out of the dead land, mixing       

Memory and desire...    
T.S. Eliot, 
 Burial of the Dead - The Waste Land.

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