Edwin Turner citait samedi 11 sur son blog Biblioklept ce texte de Susan Sontag, qui, à l'époque de sa publication, ne lui a pas valu que des amis:
Monstrous dose of reality | Susan Sontag on 9/11
Posted on September 11, 2021 by Biblioklept
The disconnect between last Tuesday’s monstrous dose of reality and the self-righteous drivel and outright deceptions being peddled by public figures and TV commentators is startling, depressing. The voices licensed to follow the event seem to have joined together in a campaign to infantilize the public. Where is the acknowledgment that this was not a “cowardly” attack on “civilization” or “liberty” or “humanity” or “the free world” but an attack on the world’s self-proclaimed superpower, undertaken as a consequence of specific American alliances and actions? How many citizens are aware of the ongoing American bombing of Iraq? And if the word “cowardly” is to be used, it might be more aptly applied to those who kill from beyond the range of retaliation, high in the sky, than to those willing to die themselves in order to kill others. In the matter of courage (a morally neutral virtue): whatever may be said of the perpetrators of Tuesday’s slaughter, they were not cowards.
From The New Yorker’s “Talk of the Town,” published 14 Sept. 2001.
La lucidité de Susan Sontag au sujet des attentats du 11 septembre ne semble pas avoir été, à l'époque, la chose au monde la mieux partagée (l'est-elle devenue à présent? hum). Je me souviens avoir publié, le 11 septembre 2002, au premier anniversaire de la chute des tours, sur un forum de discussion, fréquenté majoritairement par des Américains, auquel j'étais inscrit à l'époque, ce texte de Baudelaire (assorti d'une traduction en anglais de mon cru, qu'il vaut mieux que je vous épargne):
Symptômes de ruine. Bâtiments immenses. Plusieurs, l’un sur l’autre. Des appartements, des chambres, des temples, des galeries, des escaliers, des coecums, des belvédères, des lanternes, des fontaines, des statues. – fissures. Lézardes, humidité provenant d’un réservoir situé près du ciel. – Comment avertir les gens, les nations? Avertissons à l’oreille les plus intelligents.
Tout en haut, une colonne craque et ses deux extrémités se déplacent. Rien n’a encore croulé. Je ne peux plus retrouver l’issue. Je descends, puis je remonte. Une tour labyrinthe. Je n’ai jamais pu sortir. J’habite pour toujours un bâtiment qui va crouler, un bâtiment travaillé par une maladie secrète. – Je calcule, en moi-même, pour m’amuser, si une si prodigieuse masse de pierres, de marbres, de statues, de murs, qui vont se choquer réciproquement seront très souillés par cette multitude de cervelles, de chairs humaines et d’ossements concassés.
– Je vois de si terribles choses en rêve, que je voudrais quelquefois ne plus dormir.
Je l'avais fait avec appréhension, m'attendant, face à cette publication dont l'intention me paraissait limpide (suggérer que bien longtemps avant de s'effondrer, les tours, monuments dédiés à une entreprise impériale vouée, dans toutes les hypothèses, à mal finir, étaient déjà fissurées), à des réactions de surprise, de colère, d'indignation.
Il n'y en eut aucune de cette sorte.
L'intention qui m'avait paru limpide était demeurée opaque à tous les utilisateurs du forum (tous grands amateurs de polémiques, si le choix de la date de cette publication leur avait paru inopportun, ils me l'auraient fait savoir sans mâcher leurs mots). Mais non. Quelques-uns d'entre eux, au contraire, me félicitèrent… d'avoir attiré leur attention sur un texte peu connu de Baudelaire.
3 commentaires:
je ne connaissais pas ce texte de Susan Sonnatag, en effet d'une très grande lucidité et rompant avec les réactions de l'époque, pas plus que celui de Baudelaire. merci donc pour ces deux extraits.
Merci à vous Kwarkito! Je vous souhaite de faire encore de nombreuses et fécondes découvertes, comme celles dont vous nous faites profiter.
That's it.
Enregistrer un commentaire