Le 7 novembre 2018
Mon cher papa,
J'ai recopié comme j'ai pu toutes les cartes qu'Edmond a écrites à ses parents pendant qu'il était prisonnier en Allemagne, du printemps 1916 jusqu'à la fin de la guerre. Ce n'a pas été toujours facile, comme tu peux t'en douter; elles sont écrites en tout petit et au crayon à papier effacé par le temps. D'autant plus que je ne connais pas la plupart des personnes citées, et que tu ne peux pas me renseigner tellement davantage puisque Edmond, malheureusement, tu ne l'as pas connu. C'est pour cela d'ailleurs que je me permets de l'appeler Edmond, mon jeune grand-père; après tout il a l'âge de mon fils, ton petit-fils. J'ai donc recopié ces cartes comme j'ai pu tout en insérant mes propres réflexions, mes propres doutes, au moment même de l'écriture; comme ça tu peux lire ce que j'ai lu au moment même où je le découvrais. Il m'a semblé que, en procédant de la sorte, ça devenait un objet littéraire, autant qu'un témoignage historique. Du coup je l'ai proposé à un éditeur, qui en effet a bien voulu le publier. Le livre paraît demain, nous fêterons ça à l'Espace l'Autre Livre, à Paris, 13 rue de l'Ecole Polytechnique, à partir de 19h. Ce serait compliqué pour toi d'être parmi nous mais je sais bien que tu le seras par la pensée. Comme tu as déjà pu le voir, le livre est un bel objet. Et comme dit Edmond dans l'une de ses cartes que mon éditeur cite en couverture, «ce sera un souvenir». C'est une bonne chose car nous n'en avons pas beaucoup.
Je te quitte mon cher papa, en empruntant à ton père sa formule habituelle, qui dit bien ce qu'elle veut dire.
Ton fils qui t'aime de tout son cœur,
Philippe