vendredi 11 septembre 2020

À quoi comparer une biographie de Jorian Murgrave?



Ne conservons pas plus longtemps 
dans nos cachots ce fantôme 
muet et encombrant. 
Point de vue du seigneur Toghtaga Özbeg le Grand, 
cité par Antoine Volodine
Biographie comparée de Jorian Murgrave




Quatrième de couverture:
Originaire d'une planète détruite par la guerre, Jorian Murgrave est hanté par d'atroces souvenirs que n'adoucissent pas ses expériences terrestres : enfance concentrationnaire, amitiés ratées, révolutions défigurées, tortures et chasses. Ce n'est pas sur Terre qu'il trouvera le repos auquel il aspire : traqué, emprisonné, supplicié, il doit sans cesse échapper aux pièges qui lui sont tendus. Des illuminés recueillent les traces biographiques qu'il a laissées ici ou là pour brouiller les pistes. Les enquêteurs y cherchent de quoi abattre leur ennemi. En vain. Jorian Murgrave semble être invulnérable. Jusqu'au jour où ses tortionnaires s'introduisent dans ses rêves... 
On découvrira, dans cette première œuvre d'un jeune auteur, une originalité et une force peu communes.

Une idée reçue veut qu'Antoine Volodine ait commencé par écrire des romans de science-fiction - ce qui prouverait que ce sont des romans de science-fiction, c'est qu'ils ont été publiés dans la collection Présence du futur - puis qu'en changeant d'éditeur, il soit passé à autre chose.

Le Volodine qui écrivait Biographie comparée de Jorian Murgrave était-il si différent de celui qui écrirait plus tard Terminus Radieux?

Quels sont les objets soumis à comparaison dans ce livre? Tous les textes, fragments, chapitres, sont supposés être en rapport avec Jorian Murgrave. Certains font référence à une panoplie complète d'extraterrestre: pattes, pinces, œil unique. D'autres semblent décrire un Murgrave trop humain pour son propre bien.
Oh, vous voulez savoir si je l'ai lu, et si occasionnellement je le relis, avec plaisir? Oui. C'est un roman tout à fait satisfaisant pour l'amateur de plaisirs volodiniens, un roman qui donne - à ceux d'entre nous qui ont des mains - envie de se gratter furieusement le crâne, entre les protubérances qui en dépassent.
La principale différence entre les romans publiés chez Denoël et les romans suivants de Volodine, c'est que le "projet post-exotisme" n'y transparaît pas encore.
Biographie comparée de Jorian Murgrave est-il (clandestinement) un écrit post-exotique? Hé bien... ni shaggå (absence des sept séquences rigoureusement identiques), ni féerie ni collection de narrats poétiques, peut-être, si on prend le parti de le lire comme une succession de nouvelles, pourrait-on le classer parmi les entrevoûtes?
Ça ressemblerait plutôt à un romånce: la plupart des caractéristiques du romånce sont présentes (sur la mort du narrateur, il y a un doute, mais on ne peut nier une incertitude sur le sort de celui-ci; et s'il y a dimension formaliste, elle est, comme il se doit, cachée, alors... ); en tous cas c'est une œuvre qui cache sa structure, un peu, justement, comme Le post-exotisme en dix leçons, leçon onze. Peut-être pourrait-on la considérer comme une Propédeutique au post-exotisme?
 Les quatre premiers romans signés Volodine publiés chez Denoël, dans la collection Présence du futur (Biographie comparée de Jorian Murgrave - Un Navire de nulle part - Rituel du mépris - Des Enfers fabuleux), ont été republiés en 2003 en un volume dans la collection Des heures durant.
Ni ces quatre volumes ni leur réédition ne sont particulièrement faciles à trouver à présent: "n'appartient plus au catalogue de l'éditeur depuis 2014" nous prévient Gallimard (parlant au nom de Denoël). Mais ce n'est pas non plus impossible.

Une chose est certaine: qu'ils appartiennent à la science-fiction ou au post-exotisme, il s'agit bien de romans d'Antoine Volodine, ces récits dont des fantômes muets et encombrants peuplent les cachots.
Le propre des cachots encombrés de fantômes, c'est qu'ils sont difficiles à désencombrer.


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