samedi 28 juin 2014

En ligne - en première ligne



Lorsque ce livre est paru il y a un quart de siècle, j’avais commencé à le lire avec un certain scepticisme; ce n’est qu’au bout de quelques chapitres que j’avais réalisé que - bien que la forme choisie semblât inviter à une lecture par petites doses - je ne le lâcherais pas avant de l’avoir terminé. 
Jean Guerreschi, auteur de Montée en première ligne, roman qui revient en une série de flashes parfois crûment factuels, parfois hallucinatoires, sur les premières semaines de l’été 1914, a appris récemment que son roman n’était plus disponible chez son éditeur et que celui-ci (signe des temps?) n’envisageait pas de le réimprimer - non plus que sa suite, Comme dans un berceau, consacrée, elle, au mois d’août de cette même année. Il a donc choisi d’en mettre en ligne gratuitement le début, sur son site personnel. Si vous êtes encore indécis quant à ce qu’en ce début d’été vous pourriez bien glisser dans votre liseuse, vous pouvez télécharger ces premiers chapitres en PDF: à mon humble avis, vous ne le regretterez pas.
Son éditeur appelait ce livre, à l’époque de sa parution, une «épopée délirante sur les derniers jours de paix de l’Europe de 14»: il aurait pu aussi bien parler de tragédie, de comédie, de farce, d’élégie ou de rite d'exécration, mais c’est au fond une description pas plus mauvaise qu’une autre de cette œuvre fiévreuse.
Dans les parutions nouvelles de 2014, on rencontre peu de délires sur les derniers jours de la paix, encore moins d’ «épopées délirantes» sur l’Europe d’il y a cent ans. L’absence de délire, l’absence de fièvre ne doivent pas nécessairement être vus comme des symptômes rassurants. Dans certaines maladies, ça peut vouloir dire que le malade est mort.

vendredi 27 juin 2014

Les Grands Webcomics Du XXIe Siècle (3): SMBC


L’ordre dans lequel sont évoqués sur ce blog les Grands Webcomics Du XXIe Siècle n’est en aucune façon hiérarchique, j’espère que vous l’avez compris: ce n’est pas un classement! C’est l’actualité liée aux auteurs de ces comics qui dicte  leur date d’apparition.

Et s’il est grand temps, à présent, que je vous parle de Saturday Morning Breakfast Cereal, c’est qu’une autre initiative de son auteur, Zach Weiner, mérite de retenir toute votre attention, et de toute urgence encore: plus que quelques jours pour participer à la souscription qu’il a ouverte sur kickstarter pour l’impression  de l’histoire qu’il a écrite (un conte qui s’adresse plutôt aux enfants, mais pas seulement), et qui sera illustrée de très jolis dessins!


Qu’est-ce que vous avez dit, vous? oui, vous, là, au fond? Ayez le courage de vos opinions, que diable! Ne faites pas semblant de n’avoir rien dit, je vous ai entendu: « … Mais Zach Weiner dessine comme un cochon », c’est ça que vous avez dit?

Bon, ce n’est pas entièrement faux: Zach Weiner dessine un petit peu comme un cochon, et un cochon qui de surcroît aurait des problèmes de perception des couleurs. Mais seulement un petit peu. Et puis cette comparaison n'est pas très pertinente, ce n'est que dans les comics qu'on rencontre des cochons qui dessinent, dans la vraie vie ça n'existe pas. Et le fait que les couleurs dont il tartine ses dessins font un peu mal aux yeux ne prouve pas qu'il a des problèmes oculaires,
ça veut peut-être seulement dire qu'il a des goûts,  et des préférences, et, en un mot, une Weltanschauung qui le mettent un peu à part du reste de l'humanité (cette hypothèse n'est pas contredite par la lecture de SMBC).


Pour vous convaincre que SMBC est un grand webcomic, c’est simple: il vous suffit de le lire et vous pourrez réviser certaines de vos idées reçues. La spécialité de Zach, c’est ça: les idées reçues, les attraper, les tordre en forme d’anneau de Moebius, ou en faire des cocottes.


Ce qui lui permet de transformer n’importe quoi,  même les postulats les plus respectables de la physique quantique, en blagues cochonnes (cochonnes, dans un sens métaphorique: à la différence de Pearls before Swine, le webcomic de Stephan Pastis dont nous parlions l'autre jour, dans SMBC il n'y a pas de cochon dans la liste des personnages récurrents, liste pourtant éclectique qui compte des extraterrestres verts, Dieu, Batman et Superman. Et des robots. Et, évidemment, des zombies). Et un dessin maladroit, raide et totalement dépourvu de sophistication est le véhicule qui convient le mieux à la méthode choisie par Weiner pour revisiter lesdites  idées reçues (un papier un  peu raide se prête mieux aux pliages en forme de cocottes).



Quant à l’album dont je vous parlais à l’instant, Augie and the Green Knight, que  nous en dit Zach Weiner?
« J’aime les récits d’aventure à l’ancienne. J’aime Robert Louis Stevenson, H. Rider Haggard, Jules Verne, H. G. Wells, Lewis Carroll, Rudyard Kipling, et tout plein d’autres […] … on commence à trouver des livres avec, dedans, des petites filles futées, mais ça manque encore un peu de livres avec (dedans) des petites filles à la fois futées ET douées d’un esprit scientifique ET disposées à prendre des risques. C’est ce que j’ai essayé de faire avec Augie and the Green Knight ».
A mon avis c’est exactement le genre de bouquin qu’aurait apprécié Suzy (Suzy Bishop - la Suzy de Moonrise Kingdom).
J’oubliais un tout petit détail: l’illustrateur qui enluminera Augie and the Green Knight, le livre écrit par Weiner, c’est Boulet.
Boulet, le vrai, d’ailleurs il n’y en a qu’un.
Si cette information ne vous convainc pas que Zach Weiner 
est homme de goût autant qu’homme d’esprit,
je ne sais pas ce qu’il vous faut.

Zach Weinersmith est l'auteur des illustrations réalisées par Zach Weiner.
À part ça, il va bien.

mardi 17 juin 2014

Enfant, je croyais que c’était cela


Boouuuaouhh!
En entrant dans le Sound d’Islay, le ferry signale toujours son approche par un coup de sirène. Enfant, je croyais que c’était cela, le Sound: une longue plainte qui retentissait chaque fois que mon père m’amenait à Port Askaig. Puis, à l’école, j’ai fait cette découverte: le même mot signifiait à la fois bruit et détroit. Les mots avaient plusieurs masques: c’était déroutant, un peu comme de se faire mordre par le chien de la maison. Aujourd’hui encore, chaque boouuuaouhh de la sirène réveille en moi une petite fille craintive; et je frémis à la vision d’un monstre tapi dans les eaux noires du bras de mer séparant Islay de Jura, qui meugle sa douleur quand la coque du ferry vient lui labourer le dos.

Les maîtres de Glenmarkie
Gallimard, 2008



Photo: Matthias Heiderich

mardi 10 juin 2014

It’s almost “Bill” backwards



Une rumeur a couru récemment sur le net: le cartoonist Stephan Pastis, auteur du webcomic Pearls Before Swine, aurait récemment reçu dans son atelier la visite d’un inconnu qui aurait, en quelques coups de marker vigoureux et précis, fait apparaître dans les cases du comic un nouveau personnage: Libby (Lib, pour les intimes) une petite fille fort précoce qui, maniant le sarcasme avec une dextérité  stupéfiante pour son âge, aurait en quelques répliques quasiment réduit à quia l’habituel cast of characters du strip, auquel, pourtant, le sarcasme n’était nullement étranger.

Libby, oh, Libby...

Une voisine, Miss Wormwood, institutrice à la retraite, aurait affirmé qu’elle avait reconnu, dans le mystérieux auteur de cet attentat au marker, un de ses anciens élèves nommé Bill Watterson.
Celui-ci a démenti: ce n’était pas lui, la preuve, le mystérieux étranger au comportement imprévisible, voire erratique, portait (selon tous les témoignages) un masque et une cape, et lui, William Boyd Watterson, homme aux manières douces et policées, n’en porte jamais. 
Selon Mr. Watterson, tous les indices concordent: il ne peut s’agir que de l’insaisissable Stupendous Man.

Ilustration © Stephan Pastis / Universal 

dimanche 1 juin 2014

On aperçoit le bout du chemin


Chères lectrices et chers lecteurs, certains parmi vous, de ceux qui me sont le plus chers (je pense à vous, très chère Algésiras), n’ont cessé de se demander, depuis l’année dernière, quand L’Océan au bout du chemin, la traduction française de The Ocean at the End of the Lane, de Neil Gaiman, pourrait enfin rejoindre leurs étagères… 
J’ai pour eux (pour vous tous) une bonne et une mauvaise nouvelle: la bonne c’est que  selon les meilleures sources (la source étant le traducteur en personne, Patrick Marcel*) ce sont les éditions Au Diable Vauvert qui la publieront en septem... ah, non, la dernière fois que j'avais regardé c'était septembre, mais depuis la page a été mise à jour et maintenant c'est pour octobre que le livre est annoncé
La mauvaise nouvelle c’est donc que cet été encore vous ne pourrez pas le glisser dans votre sac de plage. 
Mais d’un autre côté, s’il sort en octobre, vous aurez juste le temps qu'il faut pour lui préparer une place douillette au pied de l’arbre de Noël, non? 
Alors si on compte bien, ça ne fait pas une bonne et une mauvaise nouvelle, je me suis trompé, ça fait deux bonnes nouvelles. 
L’été commence bien!


Pendant ce temps, dans le métro de Londres...

*Patrick Marcel, ayant pris la suite de Jean Sola depuis le tome 13, est aussi le second traducteur à s'être attaqué au Trône de Fer, le roman-fleuve qui ne se montre pas plus miséricordieux avec ses traducteurs qu'avec ses personnages… ah, coincé entre les fans de Neil Gaiman et ceux de G. R. R. Martin, il ne doit pas avoir la vie facile, ce traducteur-là!


La photo provient du blog de Neil Gaiman.