Antonio Tabucchi se livre, dans la préface à Rêves de Rêves, à une généralisation un peu simplificatrice ("Le désir m'a souvent gagné de connaître les rêves des artistes que j'ai aimés. Malheureusement, ceux dont je parle dans ce livre ne nous ont pas laissé les parcours nocturnes de leur esprit"): en fait, trois au moins des écrivains dont il revisite les nuits s'étaient, c'est notoire, livré à des confidences sur ce thème: Robert-Louis Stevenson, Fernando Pessoa et Sigmund Freud.
Sans surprise, c'est le troisième qui s'était montré le plus prolixe raconteur de rêves. Comme pour se faire pardonner cet exhibitionnisme, c'est la plupart du temps (plus souvent en tous cas que lorsqu'il disséquait les rêves de ses patients), avec humour et en les enrubannant de traits d'esprit que Freud raconte ses propres rêves (il me semble me souvenir vaguement d'une théorie qui suppose des rapports entre le mot d'esprit et l'inconscient… à vérifier).
Dans les rêves que leur prête Tabucchi, Stevenson et Pessoa trouvent révélations et apaisement.
La couleur du Rêve du Docteur Freud, interprète des rêves d'autrui, est bien différente: c'est une expérience angoissante (s'agit-il de l'angoisse du rêveur, ou de celle du rêveur de rêveurs?) que Tabucchi inflige au médecin viennois, et c'est un Freud désorienté et malheureux qui, à la dernière ligne de la nouvelle, ouvre les yeux sur le matin du dernier jour de sa vie.
Est-ce la désinvolture mondaine avec laquelle le Doktor, dans ses ouvrages, parle de ses propres rêves qui a incité Tabucchi à lui jouer ce mauvais tour posthume? Qui sait.
de soie et de castor,
jamais se passer.
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