dimanche 30 août 2015
A propos du chat , 1
À force de le regarder dormir — c'est un expert, comme tous ses semblables — je commence à mieux comprendre le rôle du chat dans nos vies. Si tout groupe humain, petit ou grand, a besoin d'un veilleur — de quelqu'un qui reste aux aguets tandis que les autres dorment —, l'inverse est vrai aussi. Le chat est ce veilleur à l'envers qui dort tandis que nous vaquons à nos affaires diurnes.
Au milieu de notre agitation, il maintient le contact avec le sommeil et ses richesses profondes.
Le regarder dormir, ou simplement savoir qu'il pionce dans la pièce à côté, aussi détendu qu'on peut l'être et en même temps concentré à l'extrême, cela nous fait du bien. Le chat qui dort apaise la maisonnée entière, lui insuffle un peu de sa béatitude, et même, peut-être, nous emplit secrètement d'une mystérieuse énergie.
vendredi 14 août 2015
Ce qu’il reste sur la feuille blanche quand il en a fini avec elle
Quand je regarde le papier blanc, écrit-il, je vois courir au loin un homme épouvanté.
De quoi épouvanté? |
De quoi épouvanté? Je ne sais, et aussi le rite ridicule d’hommes qui tournent en rond.
Puis viennent d’autres hommes (toujours à l’extrême bout du papier) en quantités innombrables, une foule non pour un tableau mais pour une époque.
Ces hommes sont maigres et grands.
La santé ne m’a pas prodigué les excès. Je n’en prodigue pas aux autres. Voilà ce qu’on pourrait dire.
Mais pour ce qui est de la multitude, elle est prodiguée. Seul un vieillard au faîte d’une longue vie en vit passer autant.
Ah! Si je pouvais les réunir en un seul tableau! Il y aurait des gens haletants à le regarder tant il grouillerait de vie.
On s’arrêterait et on dirait émerveillé: voilà, cette fois nous avons vu une vraie foule passer!
Mais ils passent et je ne puis les arrêter ni les tenir groupés.
Les jambes de l’un effacent l’ombre du précédent.
Pourtant chacun, je le vois, a comme un dépôt.
Les jambes de l’un effacent l’ombre du précédent. |
Enfin, de rage de ne pouvoir le retenir, je me jette furieux sur le papier et je le massacre de ratures jusqu’à ce qu’il en sorte une horrible figure désolée qui en cent toiles et en dix ans a fini par me faire reconnaître pour peintre.
Mais je ne suis pas dupe. Dans les pleurs et la rage, je rejette loin de moi cette maudite usurpatrice, et l’art qui se dérobe m’emplit de son souvenir décevant et amer.
paru sous le titre La lettre du dessinateur
dans Labyrinthes, Éditions Godet, 1944;
puis sous le titre La page blanche,
dans Le rideau des rêves, L’Herne, 1996.
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lundi 10 août 2015
Le temps du Loup
Et maintenant, c'est Loup qui s'y met.
Mais qu'est-ce qu'ils ont tous?
Jean-Jacques Loup a dessiné tellement de trucs et de machins (et de bonshommes, et de girafes, et de perroquets, et de chiens et de vaches et de chats et de moutons et de moustiques et d'éléphants) qu'on n'arrive pas à les compter. Il a tout arrêté le 31 juillet.
Dessin de Loup,
extrait de La Vie des Maîtres (tome 1),
Glénat, 1983
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