mercredi 19 septembre 2012
Un grand écrivain brésilien: Salman Rushdie
He needed a name, the police told him in Wales. His own name was useless; it was a name that could not be spoken, like Voldemort in the not yet written Harry Potter books. He could not rent a house with it, or register to vote, because to vote you needed to provide a home address and that, of course, was impossible. To protect his democratic right to free expression, he had to surrender his democratic right to choose his government.
Au pays de Galles, les policiers lui dirent: il vous faut un nom. Le nom qui était le sien ne pouvait servir à rien; c'était un nom qui ne pouvait être prononcé, comme Voldemort dans les Harry Potter qui alors restaient encore à écrire. Il ne pouvait pas louer une maison sous ce nom, ou se faire enregistrer dans un bureau de vote, parce que pour voter on doit fournir l'adresse de son domicile et, bien sûr, c'était impossible. Pour préserver le droit, garanti par la démocratie, qu'était sa liberté d'expression, il devait renoncer au droit garanti par la démocratie d'intervenir dans le choix de son gouvernement.
Le nouvel ouvrage de Salman Rushdie, Joseph Anton, vient de paraître en langue anglaise (les lecteurs français devront attendre un peu plus longtemps: j'emprunte la citation ci-dessus aux bonnes feuilles publiées par le New Yorker).
Dans un article consacré à Brazil, de Terry Gilliam, rédigé en 1985 - quatre ans, donc, avant les événements relatés dans Joseph Anton - et repris dans le recueil d'essais Patries imaginaires, paru en 1991, Salman Rushdie écrivait:
Et si je dois conclure avec la simple (mais peut-être pas si simple) observation que la localisation de Brazil est le cinéma lui-même, parce qu'au cinéma le rêve est la norme, alors je dois aussi ajouter que ce Brazil cinématographique est un pays de l'imaginaire dont tous ceux d'entre nous qui ont, pour quelque raison que ce soit, perdu un pays et échoué ailleurs sont les vrais citoyens.
Comme Terry Gilliam je suis un Brésilien.
Joseph Anton, de Salman Rushdie, citation traduite par votre serviteur, Plon, 2012 (à paraître).
Patries imaginaires, de Salman Rushdie, traduit par Anne Chatelin, Bourgois, 1993.
Brazil, de Terry Gilliam, intemporel, universel.
Harry Pott... oh, come on, come on.
mercredi 5 septembre 2012
Natural born storyteller
Violaine Briat a suivi, à l'école des Gobelins, un cursus qui, de toute évidence, lui a été profitable, mais ça n'explique pas tout, il doit y avoir autre chose. Tout le monde ne raconte pas aussi bien. La nature est profondément injuste. Tout le monde n'a pas reçu les mêmes dons, tout le monde ne bénéficie pas des mêmes avantages génétiques.
La moindre boîte de Pétri est le théâtre de compétitions féroces. Les gros poissons mangent les petits, l'homme est un loup pour l'homme. Des brutes gigantesques et perpétuellement affamées rugissent, ruginiflent ou barigoulent à l'extrémité de la chaîne alimentaire, ce qui n'empêche pas ladite chaîne de continuer à servir de la bouffe dégueulasse dans toutes ses succursales. Vous vous promenez dans une campagne paisible, quand soudain les oiseaux se taisent, les grands arbres s'effondrent, raturés par une queue écailleuse, froissés comme du papier par des pattes griffues. Et un de ces prédateurs rugissants du bout de la chaîne penche vers vous son mufle de trois mètres.
Clic!
La moindre boîte de Pétri est le théâtre de compétitions féroces. Les gros poissons mangent les petits, l'homme est un loup pour l'homme. Des brutes gigantesques et perpétuellement affamées rugissent, ruginiflent ou barigoulent à l'extrémité de la chaîne alimentaire, ce qui n'empêche pas ladite chaîne de continuer à servir de la bouffe dégueulasse dans toutes ses succursales. Vous vous promenez dans une campagne paisible, quand soudain les oiseaux se taisent, les grands arbres s'effondrent, raturés par une queue écailleuse, froissés comme du papier par des pattes griffues. Et un de ces prédateurs rugissants du bout de la chaîne penche vers vous son mufle de trois mètres.
Cliquez sur l'image pour la voir en plus grand!
Heureusement votre ami Cricri (il ne sait pas prononcer son nom, quand il essaie ça fait un bruit un peu comme ça: Cricri, à peu près le même que quand il essaie de rire) est là, et il vous sauve. Cricri est petit, mais il est plus fort que les grandes bêtes, et plus courageux. La chaîne alimentaire est bien emberlificotée. Une fois qu'il vous a sauvée, vous courez tous les deux, vous courez.
Et puis vous riez.
Et puis vous vous prenez la main.
Et puis après le soleil se couche.
Et puis vous riez.
Et puis vous vous prenez la main.
Et puis après le soleil se couche.
Quand vous avez quitté la région des choses qui font peur, et que vous êtes de retour dans un pays riant où les bêtes méchantes ne vont pas parce qu'elles ont peur des endroits qui ne font pas peur, vous avez la tête encore pleine d'images qui se bousculent: il faut qu'elles sortent.
Clic!
Vous voulez raconter votre histoire, mais vous n'y arrivez pas. Vous grattez du papier, vous essayez de dessiner, vous essayez d'écrire, vous raturez, vous froissez, mais ça ne ressemble à rien. Vous n'êtes pas douée pour ça, on vous a oubliée dans la distribution. Vous le saviez déjà que la vie était injuste mais là ce n'est pas pareil, c'est une injustice trop injuste.
Heureusement, votre amie, la jeune fille Violaine, qui vit dans la plus riante clairière de toute la contrée riante, sait comment s'y prendre, elle. Vous aimez bien lui rendre visite. Vous n'avez pas oublié comment elle arrivait à vous faire rire rien qu'en dessinant des moustaches à un œuf dur.
Elle, elle saura quoi faire. Alors vous sautez sur ses genoux, vous fourrez votre nez dans son creux, ici, et puis dans son autre creux, là, pour mobiliser son attention, et vous commencez à lui raconter. Au début elle regarde dans le vague tout en vous grattant le menton pendant que vous parlez, au point que vous vous demandez pendant un instant si elle vous écoute; puis elle prend son stylo, son bloc et commence à dessiner. Et là vous savez que c'est gagné.
Les brins d'herbe de la prairie, les fleurs, les griffes, les dents, elle sait dessiner tout ça, elle n'oublie rien.
Et qu'est-ce qu'elle raconte bien.
Il n'y a rien de meilleur, par une belle soirée d'été, que d'avoir ses aventures dessinées par Violaine Briat, tout en se faisant gratter derrière les oreilles.
Heureusement, votre amie, la jeune fille Violaine, qui vit dans la plus riante clairière de toute la contrée riante, sait comment s'y prendre, elle. Vous aimez bien lui rendre visite. Vous n'avez pas oublié comment elle arrivait à vous faire rire rien qu'en dessinant des moustaches à un œuf dur.
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Elle, elle saura quoi faire. Alors vous sautez sur ses genoux, vous fourrez votre nez dans son creux, ici, et puis dans son autre creux, là, pour mobiliser son attention, et vous commencez à lui raconter. Au début elle regarde dans le vague tout en vous grattant le menton pendant que vous parlez, au point que vous vous demandez pendant un instant si elle vous écoute; puis elle prend son stylo, son bloc et commence à dessiner. Et là vous savez que c'est gagné.
Clic!
Les brins d'herbe de la prairie, les fleurs, les griffes, les dents, elle sait dessiner tout ça, elle n'oublie rien.
Et qu'est-ce qu'elle raconte bien.
Il n'y a rien de meilleur, par une belle soirée d'été, que d'avoir ses aventures dessinées par Violaine Briat, tout en se faisant gratter derrière les oreilles.
Clic!
Vous pouvez retrouver Violaine Briat sur son blog, "dessine pour oublier", ici; vous y retrouverez aussi le très joli story-board, "BLIND", dont sont extraites les images ci-dessus et qui a inspiré ce billet (les esquisses préparatoires sont reproduites ici pour la première fois grâce à la gentillesse de la dessinatrice!); vous pouvez lui dire "j'aime ça!" sur son facebook, là; suivre les étonnantes aventures qu'elle s'est fait une spécialité de chroniquer ici, sur All The BIg Adventures; et, mieux encore, acheter ici, aux Éditions Rutabaga, son premier mini-album: Mini-Aventure!
Les illustrations de ce billet sont © Violaine Briat.
Libellés :
animation,
dessin,
histoires,
images qui bougent un peu
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