Bon, OK, en septembre, le moral n'était pas bien haut. Essayons de bien commencer octobre.
Combattons la morosité ambiante en nous chantant une chanson.
Hourrah!
Hourrah: paroles et musique de Jean Ferrat
Bon, OK, en septembre, le moral n'était pas bien haut. Essayons de bien commencer octobre.
Combattons la morosité ambiante en nous chantant une chanson.
Hourrah!
Hourrah: paroles et musique de Jean Ferrat
Septembre est venu, et voilà qu'il s'en va.
Le 22 septembre est probablement la chanson la plus triste qu'ait écrite Brassens... les autres années, je lui accorde une pensée, à ce jour, et cette année, comme Brassens, je m'en suis foutu. Et c'est triste de n'être pas plus triste le 22 septembre que les autres jours.
Car chaque jour amène de nouvelles raisons d'être triste, ou mécontent, ou en colère, ou franchement furieux, ou tout cela à la fois.
C'est au point que je trouve du réconfort dans les nouvelles qui ne sont ni horribles, ni atroces, ni pré-apocalyptiques, mais seulement tristes, normalement tristes.
John Coulthart nous a rappelé que le premier recueil d'illustrations de Roger Dean fut publié il y a juste cinquante ans (The book sold 60,000 copies in its initial run, and was reprinted twice the following year. This extraordinary success gave Dean and his associates at the newly-formed Dragon’s Dream the resources to publish a line of art books by other imaginative artists such as Chris Foss, Ian Miller and Syd Mead.). Je l'ai acheté dès sa sortie, ce qui vous donne un indice sur son pouvoir d'attractivité sur les jeunes lecteurs d'alors, car (moi-même jeune lecteur) je n'avais qu'un tout petit budget livres à l'époque. Depuis, Dean semble avoir traversé ce qu'on appelle pudiquement un passage à vide, et son activité s'est fortement ralentie. Santé, Roger!
J'aurais aimé que cet anniversaire me donne l'occasion de trinquer avec Chelsea Quinn Yarbro ou avec Jean-Pierre Bouyxou. Captain Bouyxou publia des flopées de chroniques justement sur le genre de livres que produisait Dragon’s Dream, dans Vampirella, Sex Stars System, Zoom, Métal hurlant, L'Écho des savanes, Penthouse, Lui, Hara-Kiri, Paris Match, Miroir du fantastique, Ciné Revue, Continental Film Review, Actuel, Europe, Curiosa, Show Bzzz, Cinéfantastic, Yéti, La Revue du cinéma, Vertigo, Siné Hebdo, Fascination... il est possible que ce soit une de ses notes dans un de ces magazines (sans que je n'en sache rien, car il signait de tout un tas de pseudos) qui ait attiré mon attention sur Roger Dean ou, un peu plus tard, sur Chelsea Quinn Yarbro. La bibliographie de Yarbro est assez fournie, et je m'avise que je n'ai lu d'elle que son Ariosto Furioso, qui m'a laissé un bon souvenir; et si je cherchais un autre de ses livres? Qu'elle ait eu l'idée de placer Lodovico Ariosto au cœur d'une uchronie incite à penser qu'elle gagnait à être connue. Oui, trinquer avec Chelsea Quinn Yarbro, ça aussi ç'aurait été une bonne idée.
Mais ça n'arrivera pas: ils ont tous les deux disparu à quelques jours d'intervalle, en ce septembre cafardeux.
Et, de même que les thrillers devront se passer de Terence Stamp, les westerns devront se passer de Graham Greene (pas celui-là, l'autre Graham Greene) et de Robert Redford; et Claudia Cardinale ne puisera plus d'eau pour les poseurs de rail assoiffés.
En octobre, préparons-nous à nous servir nous-mêmes à boire, et à trinquer avec d'autres absents.
Vous avez jusqu'au 19 octobre pour aller voir l'exposition de dessins de Gébé à la Bibliothèque Nationale.
Vous allez sûrement me dire: tu aurais pu nous en parler plus tôt, l'expo est en place depuis le mois de Mai.
Oui, je sais, mais je n'ai pas beaucoup de temps pour blogger cet été, j'ai pas mal d"autres choses à faire. Et puis vous le saviez déjà, n'est-ce pas, que l'œuvre complet de Gébé était un de nos trésors nationaux?
Gébé était un des piliers de Hara-Kiri (mensuel), de Hara-Kiri hebdo, de Charlie mensuel et de Charlie hebdo - en bref, des éditions du Square. En cinquante ans, ses dessins n'ont pas vieilli.
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Ils sont même plus actuels que jamais. |
À la boutique de la BN, au milieu des catalogues et autres publications de circonstance, vous trouverez sûrement (si vous ne les avez pas déjà) Une plume pour Clovis et Lettres aux survivants, réédités par l'Association, et l'indispensable Papier à lettres (Les Cahiers Dessinés).
Jusqu'au 19 oct. 2025, bibliothèque nationale François-Mitterrand (Allée Julien Cain, Quai François Mauriac, Paris 6e), en collaboration avec la Maison du dessin de presse. Les horaires, c'est: lundi : 14 h - 20 h; mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi: 9 h - 20 h; dimanche: 13 h - 19 h (et fermé les jours fériés).
Dessin de Gébé!
Le bibliothécaire lui dit:
Dieu est dans l'une des lettres de l'une des pages
de l'un des quatre cent mille tomes
du Clementinum.
J. L. Borges, Le miracle secret, dans Fictions
En décembre 1941 Primo Levi obtient, grâce à son ancien appariteur, Caselli, un poste dans une mine d'amiante de San Vittore. Le projet dont il a la charge est d'analyser la teneur en nickel des résidus de la mine et d'en optimiser l'extraction, un défi qu'il accepte avec plaisir (bien qu'il se doute qu'en cas de succès, il contribuera à l'effort de guerre allemand, qui a besoin de nickel pour l'industrie de l'armement). Pour cause de secret militaire, Primo Levi doit travailler sous un faux nom, avec de faux papiers. C'est au cours de son séjour à la mine qu'il rédige ses deux premières histoires courtes, qui seront réintégrées bien des années plus tard dans Le Système périodique.
As Carbon in the Coal
And Carbon in the Gem
Are One -
Emily Dickinson (poème 356 - C29-31)
Dans les notes qu'il ajoute au Système périodique, Primo Levi précise:
"Mon écriture même devint une aventure différente, non plus l'itinéraire douloureux d'un convalescent, d'un homme qui mendie de la pitié et des visages amis, mais une construction lucide, qui avait cessé d'être solitaire - une œuvre de chimiste qui pèse et sépare, mesure et juge sur des preuves sûres, et s'ingénie à répondre aux pourquoi. A côté du soulagement libérateur qui est le propre de celui qui est de retour et qui raconte, j'éprouvais maintenant dans l'écriture un plaisir complexe, intense et nouveau, semblable à celui que j'avais éprouvé, étudiant, en pénétrant dans l'ordre solennel du calcul différentiel." ( p 184)
Il y a, dans l'air que nous respirons,
des gaz appelés inertes.
Ils portent de curieux noms grecs
d'étymologie savante, qui signifient
le "Nouveau", le Caché", l'"Inactif", l'"Étranger".
Le Système périodique
Parfois l'élément et le souvenir qu'il évoque ne sont liés que par un lien métaphorique ténu: le nom de l'Argon (l'"Inactif", en grec) évoque les autres gaz rares, qui avec leurs noms également étranges (le "Nouveau", le Caché", l'"Étranger"), à leur tour, convoquent le souvenir d'autres étrangers, d'autres témoins inactifs, d'autres nouveaux venus, d'autres clandestins contraints de vivre cachés.
Le fer, on le trouve en bien des endroits, mais c'est surtout le goût de fer dans la bouche que nous laisse un effort trop violent: quand on a "mordu la chair de l'ours" comme disait à Levi un compagnon dont il regrettera plus tard de n'avoir pas été plus proche.
Le phosphore, en revanche, c'est bien la substance dont on fait les bombes incendiaires: instinctivement, Levi sait quand il convient de cesser de filer une métaphore avant qu'elle ne dévie, de sa fonction stylistique initiale, vers autre chose.
Si l'effort laisse un goùt de fer dans la bouche, tourner les pages d'un livre nous procure la sensation d'un sable qui coule entre nos doigts.
Dieu est le Généreux, le Caché.
J. L. Borges, Les Deux qui rêvèrent,
dans Histoire générale de l'infamie
Primo Levi: Le système périodique
(Albin Michel 1987; Le Livre de poche 1995)
Que la canicule gambade au-dessus de nos têtes, ou pas;
que sous nos fenêtres on célèbre le quatre juillet, ou le quatorze,
ou rien du tout,
l'actualité ne fait toujours rien pour améliorer notre humeur.
Que peut-on y changer?
De qui prendre conseil? De Juliette peut-être?
Elle sait prendre de la hauteur par rapport aux
événements; que nous dit-elle?
Quand le monde court à sa perte
Il n'est pas de plaisir superflu...
Merci Juliette, tu es toujours de bon conseil.
En voilà un, de plaisir pas du tout superflu: la musique d'Elaine Fine!
Allez écouter Calico Pie, sa petite pièce pour piano et voix, sur un poème d'Edward Lear; ouvrez les oreilles, fermez lez yeux, vous verrez s'envoler les oiseaux bleus, les poissons bleus, les sauterelles bleues, et vous entendrez les souris barboter et chantonner dans leur thé; et ne craignez pas que, s'ils partent, ils ne reviennent jamais: il suffit d'appuyer encore sur la touche play et ils reviendront.
Souvent, je rêve que j’écris. Et de belles choses, vous pouvez me croire! Seulement, je n’en ai plus aucun souvenir au réveil, juste une impression, cuisante comme un remords.
Or ce matin, me revient de l’un de mes rêves, non une de ces pages de poésie nouvelle, mais un échange téléphonique avec une personne de ma connaissance, réellement atteinte d’une maladie grave. Comme je lui demande comment elle se sent, elle me répond : «oh, ça va comme un troupeau.»
Et immédiatement je comprends le sens de cette heureuse formule : sa santé est fluctuante, ça va ça vient, il y a des jours terribles, des jours meilleurs, certaines de ses forces résistent, certaines déclinent, tout comme il y a dans le troupeau mouvant des bêtes plus vaillantes que d’autres. Oui, l’expression mériterait de rester. Ça va comme un troupeau. Mais alors tous ces écrits oniriques effacés au réveil?! Ma grande œuvre perdue! Oh, comme ça cuit!
Ça devait arriver un jour ou l'autre.
C'est aux premiers heures de Juillet que Florence Delay a rejoint Jacques Roubaud (et Joseph d’Arimathie, et Merlin l’Enchanteur, et Arthur Pendragon, et Gauvain d'Orcanie, Lancelot du lac, Perceval le gallois, Robert Bresson et d'autres).
Florence Delay 1941-2025
Un des derniers billets de l'Autofictif m'a permis de faire l'économie d'une coûteuse consultation à domicile du menuisier.
Toutes les marches du vieil escalier de la
maison de famille craquent épouvantablement.
Le menuisier livre son diagnostic:
arthrose du genou. Rien à faire.
Merci Éric Chevillard!
C'est officiel, Alfred Brendel ne descendra pas dans la rue pour la Fête de la Musique. Écouter (le casque bien enfoncé sur les oreilles, évidemment) quelques-uns de ses enregistrements sera notre façon de participer à l'événement.
Rassurez-vous, il y a d'autres événements pour lesquels casques et AirPods seront facultatifs!
Si vous êtes à Marseille, vous faites probablement déjà la queue devant la librairie Tsundoku (49 cours Pierre Puget, 13006, Marseille) pour vous inscrire (premiers arrivés, premiers servis, ça ouvre à 10 heures, et la queue doit déjà être longue) à la séance de dédicaces de Junji Ito: il sera là en personne le 12 juillet, ça risque d'être chaud. L'inscription est payante.
Si vous êtes à Paris, vous vous préparez sans doute pour aller, ce matin ou peut-être demain dimanche (ça dépend de combien de temps il vous faut pour vous faire une beauté) place Saint-Sulpice, faire votre marché (au Marché de la Poésie: c'est du 18 au 22 juin). Entrée libre!
Alfred Brendel 1931-2025
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